Année politique Suisse 1976 : Politique sociale / Groupes sociaux
Population étrangère
Le peuplement de la Suisse est influencé de manière non négligeable par la politique à l'égard des étrangers et ses effets sur le niveau de la population immigrée. Ces relations ont fait l'objet d'une étude de la Commission fédérale pour le problème des étrangers (CFE), qui, dans l'hypothèse d'une très faible diminution de la population totale, conclut à la nécessité d'une structure démographique stable. Les divergences d'avis, pourtant qualifiés, à propos de l'aspect économique du développement démographique y sont soulignées. La CFE a également publié d'autres analyses, en particulier sur la situation des étrangers dans la vie politique suisse et sur les conséquences économiques de la politique du Conseil fédéral à l'égard des étrangers. De la première, retenons la légère préférence accordée à la mise en place d'organes consultatifs d'immigrés, vu les effets peu intégrateurs de l'octroi du droit de vote aux étrangers sur le plan communal. De la seconde, mentionnons la mise en évidence de l'effet cumulatif, au niveau de la récession, du départ des chômeurs étrangers
[1].
La réduction du niveau de la population étrangère est, on le sait, une préoccupation constante des mouvements dits xénophobes
[2]. Début mars, le
Conseil fédéral publiait ses messages sur les deux initiatives déposées par ces courants en 1974. L'une, quatrième de la série, émane du Parti républicain — MNA en Suisse romande — et demande la stabilisation de la population étrangère résidante à 12,5 % de la population suisse. L'autre, cinquième du genre et oeuvre de l'AN, vise à limiter à 4000 le nombre de naturalisations par an, aussi longtemps que la population résidente totale reste supérieure à 5 500 000 habitants et que l'autarcie du pays n'est pas assurée pour les denrées alimentaires courantes. Répétant la position déjà prise lors de la 3e initiative, l'exécutif proposa aux peuple et cantons le rejet des deux initiatives, sans leur opposer de contre-projet. Concernant la 4e initiative, l'argumentation repose avant tout sur le succès remporté par la politique fédérale de stabilisation, sur les effets de la récession sur la population immigrée et sur la nécessité de réglementer ce problème au niveau de la loi et non de la Constitution. Pour la 5e initiative, s'ajoute le fait que les critères proposés provoqueraient de facto une restriction fixe et durable ; l'autonomie communale et cantonale serait ainsi gravement lésée
[3]. C'est sans surprise et sans réel débat que les Chambres suivirent l'avis du gouvernement. Les deux votations ayant été fixées au même jour, on apprit par la suite la création d'un comité commun des deux organisations initiatrices en vue de la campagne
[4].
Début mai, le DFJP a entamé la procédure de consultation de l'avant-projet de
loi sur l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers. Son but est de fournir un cadre juridique à la réduction et à la stabilisation de la population étrangère, en réunissant en un instrument unique une législation auparavant dispersée dans de multiples ordonnances. L'avant-projet ne présente que peu d'innovations majeures et surtout maintient le statut des saisonniers, élément sur lequel se concentrèrent les réactions des nombreuses collectivités et organisations concernées. La primauté des nécessités politiques et économiques sur les préoccupations humanitaires s'exprime également dans la priorité accordée à la main-d'oeuvre indigène en matière d'emploi. Plus positive est apparue la volonté d'élimination des « faux saisonniers » (travailleurs de branches non saisonnières), en réponse à . la motion Canonica (ps, ZH) déposée en prévision du projet de loi. Si, lors de la conférence de presse, le conseiller fédéral Furgler espérait encore amener les milieux proches de la communauté de travail « Etre solidaire » à abandonner leur initiative, il dut rapidement déchanter
[5]. Ceux-ci en effet se sont joints aux nombreuses voix qui ont protesté contre le maintien du statut de saisonnier. Citons parmi elles celles du PSS, du PDC, de l'AdI, de la CSC et de Pro Familia. Les organisations d'immigrés, non consultées, ont également fait connaître leurs critiques, souvent vigoureuses. L'USS, pour sa part, a surtout mis l'accent sur la nécessité d'une politique d'intégration et de naturalisation plus active
[6].
A fin octobre, le Conseil fédéral a publié une nouvelle ordonnance limitant le nombre des étrangers qui exercent une activité lucrative. Fondamentalement identique à celle de l'année passée, elle permet une admission plus ouverte de la main-d'oeuvre hautement qualifiée nécessaire au domaine public ou à l'initiative privée. Malgré les protestations de certains milieux économiques, le nombre maximum des saisonniers a été fixé à 110 000 et les modalités d'attribution sont restées les mêmes
[7]. Le statut des travailleurs migrants a également été évoqué lors des discussions de la commission mixte italo-suisse, durant lesquelles la délégation suisse a réaffirmé les objectifs de stabilisation et de réduction de la population étrangère. Le problème du transfert, dans le pays d'origine du travailleur immigré, des allocations de chômage y a également été évoqué
[8].
Sur le plan international, la Suisse s'est trouvée dans l'impossibilité de ratifier une convention sur les travailleurs migrants proposée par la Conférence internationale du travail. L'existence de droits différenciés, selon les permis, pour les travailleurs étrangers et n'équivalant pas à ceux du travailleur suisse ne le permettait pas. La ratification de deux autres conventions, l'une concernant les travailleurs agricoles et l'autre la formation et l'orientation professionnelles n'a pas posé de problèmes
[9].
Les
organisations d'immigrés se sont surtout préoccupées des incidences de la récession et du chômage sur la population étrangère. Plusieurs rencontres, souvent mixtes, se sont déroulées sur ce sujet
[10]. L'élection des comités consultatifs consulaires italiens a provoqué quelques remous dans les milieux concernés par l'introduction de cette nouvelle procédure
[11].
[1] CFE : « L'optimum de peuplement et la densité de la population de la Suisse compte tenu spécialement de la population étrangère », in La Vie économique, 49/1976, p. 309 ss. ainsi que Conséquences économiques à court, moyen et long terme de la politique du Conseil fédéral à l'égard des étrangers, Berne 1976 et « La situation des étrangers dans la vie politique de la Suisse », in Revue de droit administratif et de droit fiscal, 1976, no 3, p. 1 ss. Sur l'effet cumulatif voir également LNN, 61, 13.3.76 et NZ, 263, 24.8.76.
[2] En 1976, l'effectif de la population étrangère résidante a reculé de 5,3 %, soit 54 111 unités ; par rapport à l'ensemble de la population, elle ne représente plus que 15,3 % (16,1 % en 1975) (La Vie économique, 50/1977, p. 163).
[3] Message : FF, 1976, I, p. 1343 ss. Initiatives et nécessité du contre-projet : cf. APS, 1974, p. 115 s.
[4] Délibérations : BO CN, 1976, p. 889 ss. et 906 ss. et BO CE, 1976, p. 488 ss. et 494 ss. Comité commun : cf. infra, part. III a (Extrême-droite).
[5] Avant-projet : JdG, 104, 4.5.76 ; TG, 103, 4.5.76. Motion Canonica : BO CN, 1976, p. 104 ss. « Etre solidaire » : TG (ats), 106, 7.5.76.
[6] PSS :TLM (ats), 240, 27.8.76. PDC : NZZ (sda), 299, 21.12.76. AdI : 24 heures (ats), 284, 4.12.76. CSC : NZZ, 286, 6.12.76. Pro Familia : 24 heures, 271, 19.11.76. USS : VO, 229, 5.10.76. Immigrés : TA, 212, 11.9.76 ; JdG, 266, 13.11.76. Naturalisation : cf. également supra, part. I, 1b (Bürgerrecht).
[7] Ordonnance : RO, 1976, p. 2165 ss. Protestations : SAZ, 71/1976, p. 603 et 747 ; JdG (ats), 94, 20.8.76.
[8] JdG (ats), 167, 20.7.76 ; TG, 167, 20.7.76.
[9] FF, 1976, III, p. 429 ss.
[10] TLM, 47, 16.2.76 ; 54, 23.2.76 ; 96, 5.4.76 ; 313, 8.11.76 ; TA, 107, 10.5.76.
[11] JdG, 87, 13.4.76 ; NZZ (sda), 159, 10.7.76.
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