Année politique Suisse 1976 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche
 
Enseignement primaire et secondaire
L'enseignement primaire et secondaire a été placé sous le signe de chiffres inquiétants, à la suite de la pléthore d'enseignants. L'année passée déjà, des pronostics laissaient prévoir un renforcement de la profusion des enseignants [2]. Les optimistes avaient alors parlé de centaines, les pessimistes de milliers, de jeunes maîtres et jardinières d'enfants sans place pour l'année en cours et celle à venir. Les cantons d'Argovie, de Berne, de Soleure et du Tessin ont enregistré la plus forte surabondance d'enseignants. La Suisse alémanique en général a semblé être touchée plus durement que la Suisse romande [3]. Les avis ont vraiment été partagés quant à l'appréciation de la situation : les uns ont salué le fait que les enseignants ne puissent plus se présenter en position de force et que les commissions scolaires puissent enfin de nouveau choisir parmi de nombreux candidats, les autres ont déploré un retour aux tendances « réactionnaires ». Le corps enseignant n'a plus seulement été jugé sur ses opinions politiques, mais la vie privée et un double revenu éventuel ont pris tout à coup de l'importance dans l'ordre des critères d'élection [4]. Il est donc peu étonnant que les discussions de toutes parts se soient enflammées à propos des « limites établies autour de la sphère de liberté du maître » [5]. Bien que suffisamment de diplômés aient été disponibles, les améliorations à introduire dans le système scolaire — la réduction des effectifs de classe et la prolongation de la formation des enseignants — envisagées depuis quelque temps déjà, n'ont trouvé d'écho que dans quelques cantons [6].
La coordination scolaire s'est beaucoup plus manifestée par la publication du Centre de documentation en matière d'enseignement et d'éducation qu'à travers des coups d'éclat. Selon ce rapport, l'enseignement scolaire a été certes coordonné dans des régions isolées, mais la coordination a été un échec sur le plan suisse. Bien que 20 cantons aient ratifié le concordat intercantonal sur la coordination scolaire d'octobre 1970, les quatre obligations en découlant — âge uniforme pour le début de la scolarité, scolarité obligatoire de neuf années, durée uniforme de formation pour la maturité, commencement de l'année scolaire en automne — n'ont pas été réalisées jusqu'ici dans l'ensemble de la Suisse. Les sept recommandations du concordat ne seraient également que très partiellement suivies. La coordination scolaire a enregistré les plus grands progrès en Suisse romande, même si elle s'y est faite suivant une conception particulière. La Suisse du Nord-Ouest, région alémanique la plus portée et la plus zélée à appliquer la coordination scolaire; a déjà réalisé de nombreuses réformes. Il est à relever pourtant que les cantons de Berne, de Bâle-Ville et d'Argovie ne font pas partie des signataires du concordat. Les cantons de Suisse centrale, à l'exception de Schwyz, ont rempli les conditions matérielles préalables ou sont en voie de le faire. La Suisse orientale présente depuis toujours une coordination scolaire en avance, ce qui explique ses réticences vis-à-vis des tendances générales qui se dégagent en Suisse [7]. La Conférence des directeurs de l'instruction publique (CDIP) a décidé une fois de plus de donner la priorité à la « coordination interne », à savoir l'adaptation des plans d'études et des moyens d'enseignement. Cette coordination vise principalement à introduire définitivement l'enseignement du français à l'école primaire [8]. Sur la base des propositions soumises par le groupe de travail « Enseignement secondaire de demain » [9], et revues par la CDIP, plusieurs décisions et recommandations ont été arrêtées. La 9e année scolaire doit ainsi être rendue obligatoire dans les cantons qui ne l'ont pas encore introduite. La commission pour les questions de l'enseignement secondaire a été chargée, de son côté, de présenter un projet élaboré en vue de la refonte des prescriptions pour la maturité (diminution du nombre des branches ou de la matière à enseigner au profit d'un plus grand approfondissement), indiquant également jusqu'où et comment une réduction des types de maturité pourrait être introduite [10].
Autre résultat des efforts en matière de coordination, le rapport sur la « Formation des maîtres de demain » a pu être publié, après cinq ans de travaux préparatoires [11]. Il contient des propositions en vue d'améliorer la formation des maîtres en tenant compte de l'évolution des matières et des structures scientifiques. Il donne d'autre part un grand nombre d'informations de détail et d'indications qui en font aussi un ouvrage de référence utile à ceux qui se soucient de la formation des maîtres. Les idées centrales en sont : l'équivalence des voies de formation pour les maîtres de tous les degrés, la formation professionnelle de base étendue à deux ans, la consolidation scientifique des voies de formation en relation étroite avec la pratique (principe clinique), la préservation, au niveau des institutions et de l'organisation, de la liberté et de l'initiative individuelle, les exigences comparables en ce qui touche aux programmes d'études. La presse a certes reconnu que les experts avaient finalement livré un document de base pour la formation des maîtres valable pour l'ensemble de la Suisse, mais elle a critiqué en même temps le fait que seul l'aspect technocratique des choses ait été exposé. L'hypothèse de base serait également douteuse. Suivant celle-ci, le but essentiel à atteindre dans la politique de l'enseignement serait la coordination dans le domaine des structures scolaires. Le concept propre à améliorer la formation des enseignants n'est en revanche qu'un objectif partiel, un moyen d'atteindre le but. Le programme de l’« Ecole de demain » aurait dû précéder le projet de « Formation des maîtres de demain » ou du moins aurait dû être arrêté dans ses grandes lignes [12].
Les objectifs et les idées directrices, présentés par une commission d'étude de la CDIP et qui portent sur l'organisation dans l'ensemble de la Suisse d'un enseignement secondaire supérieur, ont trouvé en général un écho favorable. L'école secondaire supérieure doit trouver sa place entre les écoles professionnelles et les gymnases. Elle doit dispenser à ses candidats une culture générale approfondie et élargie, leur offrir une orientation scolaire et professionnelle, et les préparer à une formation professionnelle spécialisée [13]. La situation sur le marché du travail devenant toujours plus précaire pour les jeunes aussi, la décision des directeurs de l'instruction publique de Suisse centrale a acquis une importance significative. Selon elle, un plan d'études directeur pour le cycle d'orientation sera élaboré jusqu'au milieu de 1978 et il comportera une branche spéciale « Choix de carrières professionnelles » [14].
En Suisse romande, la critique du manuel pour l'enseignement de l'allemand « Sing und spiele mit » [15], a déclenché dans la presse des réactions violentes, des commentaires vigoureux à la radio suisse romande et alémanique, une discussion au Grand Conseil valaisan ainsi qu'une interpellation adressée au gouvernement neuchâtelois [16]. Ce manuel, à qui l'on reprocha de ne contenir qu'une conception abstraite et inadaptée de la langue allemande, avait été introduit à l'essai dans quelques écoles du Bas-Valais. Il devait en outre être adopté par l'ensemble des écoles primaires de la Suisse romande, dans un délai de 10 ans à partir de 1977 comme l'avaient décidé les directeurs de l'instruction publique de Suisse romande. Malgré les discussions qui ont éclaté à ce propos, ceux-ci entendent maintenir leur décision de rendre obligatoire l'enseignement de l'allemand dès l'année scolaire 1977/78 dans les classes de 4e année [17].
 
[2] APS, 1975, p. 139.
[3] Selon une dépêche de l’ATS, le nombre de jeunes enseignants sans travail dans les cantons de BE, AG, SO et du TI varie entre 540 et 610. Cf. TG (ats), 19, 24.1.76 ; Tat, 25, 30.1.76 ; NZ, 32, 30.1.76. Jardinières d'enfants au chômage : NZ, 100, 29.3.76 ; 140, 6.5.76 ; TA, 214, 14.9.76.
[4] Tat, 25, 30.1.76 ; Ww, 11, 17.3.76 (« Nach dem Zuckerbrot die Peitsche »).
[5] E. Egger, « Les limites de la liberté de l'enseignant », in Bulletin du Centre suisse de documentation en matière d'enseignement et d'éducation, 15/1976, no 58, p. 1 ss. ; TA, 25, 31.6.76 ; 79, 3.4.76 ; NZZ, 29, 5.2.76 ; 189, 14.8.76 et 253, 28.10.76 (lettres de lecteurs) ; Tat, 54, 4.3.76 ; Ww, 11, 7.3.76 ; TA-Magazin, 37, 11.9.76. Sur le rôle politique de l'enseignant, cf. NZ, 128, 24.4.76 ; 143, 8.5.76.
[6] L'Association suisse des enseignants avait exigé des 1973 une réduction du nombre d'élèves ; cette revendication fut réitérée en 1975 et 1976 ; cf. APS, 1975, p. 135, et Bulletin du Centre suisse de documentation en matière d'enseignement et d'éducation, 15/1976, no 58, p. 31. Revendication des enseignants de la VPOD, in FA, 60, 12.3.76. Des initiatives pour des classes plus petites ont été déposées dans les cantons suivants : AG, BL, BS, LU, SG, SO, ZG. La plupart sont encore pendantes ; les gouvernements cantonaux concernés ont recommandé le rejet des autres. A SO elle a été clairement refusée en votation populaire.
[7] E. Egger, « La coordination scolaire en Suisse et en Suisse romande », in Bulletin du Centre suisse de documentation en matière d'enseignement et d'éducation, 15/1976, no 57, p. 3-10 ; Vat. (ddp), 174, 29.7.76.
[8] LNN, 277, 26.11.76. Cf. H. Hauri, « Stand der Reform und Vorverlegung des Französischunterrichts in den deutschschweizerischen Kantonen », in Educateur, 112/1976, p. 62 ss. Cf. APS, 1973, p. 130.
[9] Prise de position de la CDIP : Politique de la science, 5/1976, p. 189 s. Cf. APS, 1974, p. 137.
[10] NZ, 96, 26.3.76 ; TG, 72, 26.3.76 ; NZZ, 85, 10.3.76.
[11] Formation des maîtres de demain : Fondements, Structures, Contenus, Rapport d'une commission d'experts sur mandat de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique, éd. par F. Müller et al., Genève 1976. Cf. APS, 1970, p. 150 s.
[12] NZZ, 19, 24.1.76 Vat., 31, 7.2.76 ; GdL, 57, 29.4.76 ; NZ, 260, 21.8.76.
[13] TA, 42, 20.2.76 ; Vat., 42, 20.2.76 ; 24 heures, 43, 21.2.76 ; TLM, 54, 23.2.76.
[14] Vat., 94, 23.4.76 ; LNN, 133, 10.6.76.
[15] M. Baldegger / M. Müller / G. Schneider, Materialien zur Kritik des Programms « Sing und spiele mit !» von Jean Petit, Freiburg 1976.
[16] TA, 92, 21.4.76 et 305, 30.12.76 ; 24 heures, 93, 22.4.76 ; 128, 3.6.76 et 262-264, 9-11.11.76 ; TG, 107, 8.5.76 ; 112, 14.5.76 ; 154, 5.7.76 (réponse de J. Petit) ; JdG, 111, 13.5.76 ; 135, 12.6.76 et 208, 7.9.76 ; Vat., 124, 29.5.76 ; LNN, 130, 5.6.76.
[17] GdL, 245, 20.10.76.