Année politique Suisse 1977 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
 
Chemins de fer
Malgré l'éloignement de la crise économique, la situation des chemins de fer ne s'est pas améliorée, à tel point que la stabilisation de leurs pertes est déjà considérée comme un succès. Le simple fait que le déficit des CFF représente, à lui seul, un bon tiers de l'excédent de dépenses des finances fédérales, rend la situation actuelle intenable à la longue.
Le bilan des Chemins de fer fédéraux a donc atteint un nouveau record en 1976 avec 707,6 millions de perte (1975: 622,8 mio de francs) [16]. Selon les comptes provisoires de 1977, le déficit global reste à peu près le même, atteignant quelque 700 millions. Les recettes du trafic-voyageurs ont augmenté par rapport à l'année précédente puisque, malgré une diminution du nombre de personnes transportées (moins 1,3%), le produit a augmenté de 6,1% grâce à la hausse des tarifs de l'automne 1976. Toutefois, ces recettes supplémentaires ont été absorbées par l'évolution négative du trafic-marchandises. Bien que le volume des transports ait augmenté à nouveau (4,1%), la diminution des recettes a été de 4,7%. Que les CFF aient réussi, tant en 1976 qu'en 1977, à améliorer assez considérablement le résultat de leur exercice par rapport à leur budget, montre bien les efforts qu'ils ont faits pour économiser. Les mesures d'économie ont notamment porté sur le secteur du personnel où quelque 1300 emplois ont été supprimés aussi bien en 1976 qu'en 1977. Les investissements ont également été comprimés. Le budget pour 1978 prévoit une nouvelle compression des investissements afin de ramener le déficit à 550 millions de francs [17].
Un examen des comptes des CFF montre que oe sont surtout le trafic pendulaire et celui des écoliers et étudiants ainsi que le transport des colis qui sont déficitaires [18]. La question de savoir si les autorités politiques doivent quasiment restreindre les prestations ferroviaires aux domaines dont l'exploitation est rentable ou, au contraire, doivent considérer les transports publics comme une contribution de l'Etat aux infrastructures (ce qui est le cas des écoles, par exemple), ne pourra être discutée à fond qu'après la parution du rapport final de la CGST. De leur côté, les CFF se préparent à participer au débat général sur le futur système et régime des transports en Suisse, débat qui se fait attendre. En effet, ils ont présenté dans un «Rapport 1977» diverses variantes du rôle qui pourrait être le leur dans un tel système. Il apparut au Conseil fédéral que la variante la plus raisonnable était celle prévoyant une diminution modérée des prestations par l'accélération du processus de transformation des gares peu fréquentées en haltes d'une part et par des restrictions dans le trafic des colis d'autre part. Certaines lignes secondaires seront-elles fermées ou remplacées par des lignes d'autobus, cette question est encore à l'étude [19]. Toujours est-il que les CFF constatèrent que, souvent, leurs mesures de rationalisation étaient mal accueillies par les usagers, mais aussi par leur propre personnel. La desserte de la ligne Berne-Bienne qui avait été transformée en système de libre-service analogue à celui des transports urbains n'a pu être maintenue sous cette forme à la suite de nombreuses réclamations et protestations. D'autre part, le conseiller national Kloter (adi, ZH) a déposé un postulat contre le libre-service sur la ligne de la rive droite du lac de Zurich [20].
Le Conseil fédéral qui, ces derniers temps, s'était refusé à accepter des motions concernant la politique des transports, les renvoyant aux travaux de la CGST, a dérogé à sa politique puisque, dans le cadre des efforts qu'il a entrepris pour assainir les finances fédérales, il a recommandé au parlement certaines modifications de la politique ferroviaire suivie jusqu'à présent. Il s'agissait, premièrement de lever l'obligation légale qu'ont les CFF de transporter les colis de détail. Ils pourront donc remettre aux entreprises privées de transport routier une partie de l'exploitation de ce secteur qui est très déficitaire. Des objections ont été faites surtout par les chemins de fer privés qui craignent que leur rôle de desserte, qui est encore bénéficiaire, ne devienne déficitaire. La seconde mesure proposée doit permettre aux CFF de calculer des tarifs plus conformes aux lois du marché que les actuels qui sont rigidement dégressifs en fonction de la distance. La troisième innovation sur ce plan de la politique ferroviaire consiste à majorer les prix des abonnements pour les déplacements pendulaires. Les représentants des grandes villes manifestèrent leur opposition à ces dernières mesures, car elles craignent qu'un déplacement d'une partie du trafic ferroviaire sur le trafic routier ne rende encore plus difficile la circulation urbaine. Il en résulterait un autre inconvénient, puisque les économies réalisées par les chemins de fer seraient pour le moins entièrement absorbées par les dépenses supplémentaires pour la construction et l'entretien des routes ainsi que pour la protection de l'environnement. Malgré ces réticences et ces oppositions, ces diverses mesures ont été approuvées par les parlementaires, mais à des majorités souvent faibles [21].
Au terme de longues et difficiles négociations, les autorités italiennes ont donné l'assurance que la gare aux marchandises de Domodossola et la ligne ferroviaire vers Milan seraient respectivement agrandies et améliorées comme prévus. C'est ainsi que le Conseil fédéral a pu accorder une première tranche de crédit pour le dédoublement de la ligne du Lötschberg, dont le projet avait été approuvé en 1976 par les Chambres. Mais les assurances données par les Italiens obligèrent la Suisse à accepter, en contrepartie, le transfert de la douane de Brigue à Domodossola, ce qui suscita de véhémentes protestations dans le Haut-Valais [22]. Pour le tunnel de base de la Furka, le Conseil fédéral a été une nouvelle fois contraint de demander un crédit supplémentaire de 18 millions de francs environ aux Chambres fédérales. Celles-ci refusèrent provisoirement d'entrer en matière sur cet objet, surtout parce qu'elles veulent, avant de se prononcer, attendre le rapport de la commission instituée en 1976 par le Conseil national [23].
Malgré plusieurs tentatives précédentes infructueuses, le Conseil fédéral tenta une nouvelle fois de diminuer les subventions qu'il verse aux fins de rapprocher les tarifs des chemins de fer privés de ceux des CFF. Cette mesure aurait permis de soulager les finances fédérales de 11 millions, mais, lors de la consultation, elle se heurta surtout à l'opposition des représentants des populations de montagne et des cantons desservis par des chemins de fer privés [24]. Dans le canton de Vaud, une vigoureuse campagne se fit jour pour maintenir les lignes de chemins de fer privés Nyon–Saint-Cergue, Aigle–Champéry et Aigle–Les Diablerets, menacées d'être transformées en lignes d'autobus. Mais les initiateurs de ce mouvement ne parvinrent pas à obtenir une promesse quelconque du conseiller fédéral Ritschard [25].
 
[16] FF, 1977, II, p. 611 ss.
[17] NZZ (sda), 29, 4.2.78; FF, 977, III, p. 639 ss. (Budget pour 1978). Pour la réduction des investissements et ses conséquences voir aussi le CF Ritschard in TG, 33, 9.2.77; 34, 10.2.77 ainsi que Bund, 45, 23.2.77.
[18] H. Diemant, «Zur Finanzlage der Schweizerischen Bundesbahnen», in Revue suisse d’économie des transports, 32/1977, no 3, p. 17 ss.; R. Rivier, «Le calcul des coûts d'infrastructure de transport en Suisse», in Revue suisse d'économie politique et de statistique, 113/1977, p. 251 ss.
[19] «Rapport 77»: presse du 2.11.77; cf. aussi JdG, 285, 6.12.77. Sur les problèmes commerciaux des CFF cf. J. Favre, «Pour une plus grande liberté de gestion des chemins de fer», in Revue suisse d'économie des transports, 32/1977, no 3, p. 29 ss.; ainsi que LITRA, Jahresbericht, 1976/77, p. 33 ss.
[20] Libre-service: Vorwärts, 28, 14.7.77; NZZ, 210, 8.9.77. Postulat Kloter: Délib. Ass. fèd., 1977, V, p. 35. Agents des CFF: gk, 39, 17.11.77; 41, 24.11.77.
[21] FF, 1977, I, p. 809 ss.; BO CN, 1977, p. 238 ss.; BO CE, 1977, p. 176 ss.; RO, 1977, p. 1969 ss. et 2249 ss. Cf. également supra, part. I, 5 (Finanzplanung).
[22] 24 Heures, 110, 12.5.77; TA, 49, 28.2.78. Cf. APS 1976, p. 100 s. Pour les protestations valaisannes contre le transfert de la gare douanière, cf. les interpellations Biderbost (pdc, VS) et Guntern (pdc, VS) (BO CN, 1977, p. 1361 ss.; BO CE, 1977, p. 560 ss.), ainsi que Var., 123, 28.5.77; TG, 124, 3.6.77.
[23] FF, 1977, III, p. 188 ss.; JdG (ats), 16, 20.1.78. Cf. APS, 1976, p. 101.
[24] Vat., 117, 21.5.77; BüZ, 171, 22.7.77; NZZ, 214, 3.9.77.
[25] VO, 4, 7.1.77; 24 Heures, 25, 31.1.77; TG, 294, 20.12.77; BO CN, 1977, p. 1645 s. et 1652. Cf. APS 1976, p. 100.