Année politique Suisse 1977 : Politique sociale / Population et travail
 
Droit du travail
En matière de droit du travail, on a pu fêter cette année la centenaire de la loi sur le travail dans les fabriques, ancêtre de la loi sur le travail de 1964. Rendant compte de sa genèse, divers commentateurs ont souligné le progrès matériel apporté par son application et par l'activité de l'inspectorat des fabriques; ils ont également évoqué le poids de plus en plus important pris par les conventions collectives dans ce domaine [9]. La croissance des conflits du travail durant l'année 1976 et la grève des typographes genevois ont nourri un débat sur le droit de grève, lancé par le professeur de droit Ph. Bois, socialiste neuchâtelois et juge arbitral dans l'affaire Dubied [10]. Pour lui, l'obligation de ne pas faire grève contenue dans les conventions collectives instituant la «paix absolue du travail» ne s'applique qu'aux syndicats et non pas à l'ensemble des travailleurs d'une entreprise, puisqu'ils ne sont pas signataires de ce contrat [11]. Nul besoin de préciser que ces propos ont été désapprouvés par les milieux patronaux, qui considèrent que cette argumentation est simpliste et ambiguë. Cette discussion sur l'interprétation de la «paix du travail» a ensuite été reprise dans l'échange de points de vue qui a marqué la célébration du 'quarantième anniversaire de l'accord du même nom, conclu dans la métallurgie [12].
Concernant la participation, après l'activité fébrile de 1976, un temps de réflexion s'est imposé [13]; les premiers résultats de cette pause sont apparus à la fin de 1977. Le PRD a présenté à la presse, dans les derniers jours de novembre, son projet de loi-cadre sur la participation dans l'établissement [14]. Comme son nom l'indique, cette proposition se situe au niveau législatif, et non pas constitutionnel, et énonce un certain nombre de principes. C'est ainsi que la participation est conçue à l'échelon de l'établissement, de l'exploitation, et non pas à celui de l'entreprise; les fonctionnaires syndicaux en sont exclus. Un minimum légal est donc fixé, au-delà duquel jouent les conventions collectives de travail et les accords entre partenaires sociaux. Cette démarche, pragmatique et réaliste selon ses auteurs, a été diversement appréciée. Certains commentaires de presse l'ont approuvée, affirmant qu'il s'agissait du seul moyen pour faire avancer pratiquement la participation et lui éviter les enlisements du débat théorique [15]. D'autres, au contraire, ont considéré que ce projet n'apportait rien qui n'existe déjà et prenait trop en compte le point de vue des employeurs, qui, quant à eux, estiment qu'il s'agit d'une contribution constructive [16]. Pour le PSS et l'USS, le texte radical cimente l'état actuel et empêche tout développement futur, critique reprise par le PDC qui regrette le manque d'audace de cette conception [17]. En conséquence on s'acheminait vers une situation bloquée, le PSS défendant, à travers l'initiative Morel (ps, FR), la participation des fonctionnaires syndicaux, ce à quoi s'opposait le PDC, qui cependant, par l'intermédiaire de l'initiative Egli (pdc, LU) élargit la participation au niveau de l'entreprise, clause rejetée jusqu'alors par le PRD et l'UDC [18]. La constatation de la nécessité d'une démocratisation de l'économie faite par le chancelier de la Confédération K. Huber a-t-elle provoqué le déclic nécessaire [19]? Celui-ci semble s'être produit lors de la séance d'une sous-commission du Conseil national chargée d'examiner les initiatives Egli et Morel. On apprenait en effet, à fin décembre, qu'un accord se dessinait entre les représentants du PS, de l'Adi et du PDC sur une proposition chargeant la Confédération de régler par voie législative les exceptions permettant l'élection de personnes extérieures à l'entreprise [20]. Les entrepreneurs chrétiens ont également publié un projet de participation, qui prévoit notamment un droit de codécision pour les délégués des travailleurs lorsque ces derniers possèdent au moins 5% du capital par actions [21]. Enfin, plusieurs entreprises ont introduit, sous différentes formes, une participation des travailleurs [22]. La révision prévue de la loi sur le travail à domicile s'est heurtée à des oppositions suffisamment contrastées pour que le Conseil fédéral retire, à mi-août, l'avant-projet mis en consultation et élargisse la commission chargée de préparer un nouveau texte. La nécessité même d'une révision a été mise en cause, en particulier par les arts et métiers et les associations patronales [23].
 
[9] Cf. H.-P. Tschudi, « Le centenaire de la loi fédérale sur les fabriques», in Documenta, 1977, no 5, p. 18 ss. ainsi que H. Amberg, «Cent ans de législation dans les fabriques», in La Vie économique, 50/1977, p. 459 ss. En outre: NZZ, 240, 13.10.77; 243, 17.10.77; FA, 247, 22.10.77; TW, 253, 28.10.77; SAZ. 72/1977, p. 877.
[10] Conflits du travail en 1976 et affaire Dubied: cf. APS. 1976, p. 126 s. Typographes: cf. infra, Conventions collectives de travail.
[11] 24 Heures, 8, 11.1.77 ; 29, 4.2.77; BaZ, 25, 24.2.77. Sur le droit de grève, voir également: E. Zweifel, Der wilde Streik, Bern 1977.
[12] Milieux patronaux: SAZ, 72/1977, p. 148 s. et 168 s. ; 24 Heures, 68, 22.3.77. Paix du travail: cf. infra, part. III b (Sozialpartnerschaft).
[13] Cf. APS, 1976, p. 123 s.
[14] Projet et commentaires in Revue politique, 56/1977, p. 145 s. et 164 ss. Voir aussi: NZZ, 275, 23.11.77; 283, 2.12.77.
[15] Bund, 275, 23.11.77; Ldb, 273, 23.11.77; NZZ, 281, 30.11.77.
[16] BaZ, 291, 23.11.77; TA, 274, 23.11.77; Tai, 275, 23.11.7.7. Employeurs: SAZ, 72/1977, p. 874.
[17] PSS: SP-Information, 20, 23.11.77. USS: gk, 41, 24.11.77. PDC: LNN. 274, 23.11.77.
[18] Cf. APS, 1976, p. 124 (initiatives Morel et Egli) ainsi que Vat., 273, 22.11.77; 24 Heures, 273. 23.11.77.
[19] Cf. Documenta, 1977, no 6, p. 10.
[20] Vr, 296, 19.12.77; TA, 298, 21.12.77.
[21] Mitteilungen der VCU, 29/1977, p. 52 ss.; Vat., 233, 6.10.77.
[22] JdG (ats), 257, 3.11.77; LNN, 259, 5.11.77; TLM, 344, 10.12.77.
[23] NZZ (sda), 192, 18.8.77; 253, 28.10.77; LNN, 194, 22.8.77; Revue syndicale, 69/1977, p. 42 ss.