Année politique Suisse 1977 : Politique sociale / Population et travail
 
Conventions collectives de travail
Le renouvellement des conventions collectives de travail (CCT) a été le plus ardu dans les arts graphiques où le durcissement des positions était déjà sensible en 1976 [24]. Il résulte non seulement des traditions d'organisation et de lutte des typographes, mais aussi de la restructuration technique et du recul de l'emploi que connaît cette branche [25]. La deuxième phase des négociations, ouverte en février, a vu s'opposer la Fédération suisse des typographes (FST) et ses revendications — semaine de quarante heures et intégration des auxiliaires à la CCT — à la Société suisse des maîtres-imprimeurs (SSMI), qui n'acceptait qu'une introduction progressive des desiderata syndicaux et à condition qu'en contrepartie les typographes acceptent une diminution de certains avantages salariaux et sociaux, ainsi qu'un contrôle plus strict du temps de présence et de travail. Qualifiant les exigences patronales de démontage des acquis et reprochant à la SSMI de faire traîner les choses en longueur, le Comité central de la FST organisa, début avril, une votation à la base, requérant la compétence pour décréter des mesures de lutte. Avec une participation de 67,4%, cette compétence lui était accordée par près de 91 % des votants [26]. S'appuyant sur ce résultat, désireuse d'accélérer le mouvement et d'impdser une revendication cantonale (le versement complet du treizième mois de salaire) la section de Genève de la FST déclencha le 18 avril une grève d'avertissement de trois jours; en signe de solidarité, les typographes de la région lausannoise procédèrent à un débrayage de trois heures [27]. Cela malgré les menaces de poursuites judiciaires faites par la SSMI et le désaviceu de la FST [28]. Les négociations reprenaient toutefois à fin avril et débouchaient sur un compromis prévoyant l'introduction par étapes, jusqu'au 1 er juin 1979, de la semaine des 40 heures et l'intégration progressive des auxiliaires d'ici 1980. Ne pouvant se prononcer sur la qualité de cet arrangement, la FST en référa une nouvelle fois à la base, qui accepta la nouvelle CCT, non sans opposition (41 % des votants, dont les sections de Zurich et Genève). Les maîtres-imprimeurs firent de même le 27 mai, par 75 oui contre 49 non [29], ce qui entraîna la démission, pour la fin de l'année, de plusieurs dizaines d'entreprises opposées à l'application de la CCT [30]. En préparation du renouvellement de la CCT, prévu pour 1978, les lithographes ont mis sur pied, dès le début de juin, un comité de grève et constitué un fonds de soutien; les employeurs de la branche ont pour leur part institué des cotisations spéciales [31].
Après la conclusion en 1976 d'une CCT nationale pour la construction, le secteur du bois et du bâtiment a entrepris les négociations d'accords cantonaux, régionaux et par branches [32]; elles aboutirent sans trop de difficultés dans la gypserie-peinture de Suisse allemande et du Tessin, dans la menuiserie, dans l'industrie du bois et dans celle de matériaux de construction [33]. Des problèmes sont apparus lorsque la Société suisse des entrepreneurs (SSE) a publié à mi-juin un «catalogue négatif» de points ne pouvant faire l'objet de pourparlers locaux, ce qui fut considéré par la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB) comme une tentative de blocage des négociations [34]. En novembre, la SSE a rejeté toutes les revendications présentées par la FOBB dans le cadre du renouvellement de la convention sur les salaires de la construction [35]. Dans l'horlogerie, une nouvelle CCT a été signée à fin juin par la Convention patronale et la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH). Cet accord prévoit essentiellement l'institution de médiateurs régionaux en cas de conflits collectifs surgissant brusquement et l'introduction de la semaine de 43 heures dès le ler octobre 1977, une nouvelle réduction d'une heure du temps de travail hebdomadaire étant prévue pour 1979 si la situation économique l'autorise [36]. Une convention semblable a été signée en juillet pour l'horlogerie suisse allemande [37]. Les diverses critiques adressées à la FTMH par la Fédération chrétienne des ouvriers de la métallurgie (FCOM), qui n'est pas signataire de ces CCT, ont été rejetées par celle-là, qui estime que seule la faible implantation de l'organisation chrétienne lui permet d'adopter une position aussi marginale et peu responsable [38]. En vue du renouvellement de la CCT de la métallurgie, l'actuelle restant en vigueur jusqu'au 19 juillet 1978, ces deux organisations syndicales ont préparé leur catalogue de revendications, la FCOM mettant l'accent, entre autres choses, sur la codécision dans l'entreprise, le contrôle des travailleurs sur les licenciements collectifs et le caractère relatif de la «paix du travail » [39]; la FTMH, pour sa part, revendique principalement une réduction du temps de travail, une amélioration du règlement des vacances et une meilleure protection des places de travail [40].
D'autres CCT ont été conclues dans l'industrie du coton, du textile et du lin [41]. Des négociations plus difficiles se sont déroulées dans la chimie et la banque [42]. Une CCT pour les travailleurs temporaires est en cours d'élaboration. L'Union suisse des journalistes a présenté un projet de contrat-type adapté aux nouvelles techniques de rédaction [43]. Le Conseil fédéral a prononcé cinq décisions d'extension du champ d'application de CCT et a approuvé sept décisions cantonales [44].
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Conflits du travail
Le nombre des conflits du travail a décru en 1977. Selon la statistique officielle, 9 (1976: 19) des 16 (26) conflits recensés ont entraîné un arrêt de travail d'un jour et plus, provoquant la perte de 4649 (19 586) journées de travail; 54 (492) entreprises et 1380 (2395) travailleurs ont été concernés. Deux conflits d'un jour et plus se sont déroulés dans l'industrie des métaux et machines, deux autres dans les arts graphiques et deux également dans les transports. La grève des typographes genevois a causé à elle seule la perte de 2800 jours de travail environ [45]. On relèvera l'entrée en lutte de catégories professionnelles peu coutumières du fait: enseignants et gens du spectacle à Genève, chauffeurs de taxi à Berne et Lausanne [46].
 
[24] Cf. APS, 1976, p. 124. Résumé des négociations depuis 1973 in Vorwärts, 8, 24.2.77.
[25] Schweiz. Bankverein, Der Monat, 1977, no 1, p. 2 ss.
[26] Le Gutenberg, 1, 6.1.77; 15, 14.4.77; FA, 42, 19.2.77; 65, 18.3.77; 78, 2.4.77; NZZ, 68, 22.3.77.
[27] TLM, 109, 19.4.77; 24 Heures, 88, 16.4.77; 91, 20.4.77; Le Gutenberg, 16, 21.4.77; 17, 28.4.77.
[28] TA, 81, 6.4.77 ; Le Gutenberg, 15, 14.4.77 ; 24 Heures, 90, 19.4.77 ; FA, 93, 22.4.77 ; JdG, 95, 27.4.77. A la suite de ces difficultés internes, la FST adoptera une modification de ses statuts faisant obligation au Comité central de soutenir les mesures de luttes spontanées dans certains cas précis (Le Gutenberg, 24, 16.7.77).
[29] TG, 93, 26.4.77; NZZ, 100, 30.4.77; 24 Heures, 100,30.4.77; 123, 28.5.77; Le Gutenberg, 18,5.5.77;25, 23.6.77. Le Syndicat des arts graphiques, de tendance chrétienne a également accepté cette CCT (LNN, 101, 2.5.77).
[30] Tat, 135, 11.6.77 ; NZZ (sda), 154, 4.7.77 ; TW, 156, 7.7.77 ; FA, 158, 9.7.77. Une grève d'avertissement a été nécessaire pour introduire cette CCT dans une grande imprimerie zurichoise (Le Gutenberg, 48, 1.12.77; 49, 8.12.77).
[31] TW, 134, 11.6.77; 295, 16.12.77; Vr, 294, 16.12.77.
[32] Cf. APS, 1976, p. 126.
[33] Gypsiers-peintres: NZZ (sda), 6, 8.1.77 ; menuiserie: NZZ (sda), 19, 24.1.77; industrie du bois: FOBB/ L'Ouvrier sur bois et bâtiment, 38, 19.9.77; matériaux de construction: TLM (ats), 353, 19.12.77.
[34] FOBB..., 25, 20.6.77; vr, 152, 2.7.77; NZZ (sda), 154, 4.7.77.
[35] FOBB..., 46, 14.11.77; 50, 12.12.77.
[36] SMUV-Zeitung, 20, 18.5.77; JdG, 146, 27.6.77; VO, 142, 2.7.77.
[37] NZZ (sda), 153, 2.7.77; SMUV-Zeitung, 26, 6.7.77. '
[38] Critiques: Aktiv, 12, 15.6.77; 14, 20.7.77; 16, 24.8.77; NZZ (sda), 156, 6.7.77; FTMH: NZZ (sda), 159, 9.7.77; SMUV-Zeitung, 28, 20.7.77.
[39] TLM (ats), 178, 27.6.77; BaZ, 157, 11.7.77; TG, 270, 22.11.77; TA, 283, 3.12.77.
[40] TA (ddp), 141, 20.6.77; SMUV-Zeitung, 25, 22.6.77.
[41] Coton: FA, 40, 17.2.77. Textile: NZZ (sda), 212, 10.9.77. Lin: Vat. (sda), 302, 27.12.77.
[42] Chimie: Vr, 163, 15.7.77; TA, 164, 16.7.77; BaZ, 218, 10.9.77. Banque: TG, 236, 13.10.77; JdG, 287, 8.12.77.
[43] Travailleurs temporaires: 24 Heures (ats). 264, 12.11.77. Journalistes: JdG (ats), 258. 4.11.77.
[44] Rapp. gest., 1977, p. 221.
[45] La Vie économique, 51/1978, p. 58. Typographes genevois: cf. supra, Conventions collectives de travail.
[46] Enseignants genevois: VO, 95, 4.5.77; 96, 5.5.77. Gens du spectacle: JdG, 263. 10.11.77; 264, 11.11.77. Taxis bernois: TW, 103, 4.5.77; 109, 11.5.77. Taxis lausannois: TLM, 46, 15.2.77; BaZ, 17, 16.2.77.