Année politique Suisse 1977 : Politique sociale / Assurances sociales
 
Assurance-vieillesse et survivants
Ainsi, la 9e révision de l'assurance-vieillesse et survivants a permis la confrontation directe, quoique complexe, des partisans de la consolidation de l'acquis et des promoteurs de la priorité aux économies. Rappelons qu'à l'inverse des révisions précédentes, la 9e ne vise pas fondamentalement à augmenter les prestations de l'AVS, mais à en assurer le financement, compte tenu de la situation du ménage fédéral. Il s'agit donc d'un exercice réunissant tout à la fois une augmentation de certaines recettes, le rétablissement progressifde la contribution de la Confédération et la suppression de différentes dépenses. Ce caractère de compromis se retrouve également au niveau de l'évolution des rentes, qui s'effectuera selon un indice mixte. On se souvient que l'USAM, vu les charges nouvelles grevant les indépendants et l'activité lucrative des rentiers, avait menacé de recourir au référendum [8]. La position de l'Union centrale des associations patronales était moins tranchée: repoussant l'indice mixte et qualifiant le projet d'ambigu, elle n'en saluait pas moins les économies prévues [9].
L'absence des données statistiques sur la situation des rentiers ainsi que les problèmes du développement à long terme de l'AVS, en regard des projections démographiques, ont nourri un débat souvent polémique [10]. C'est donc dans un climat quelque peu tendu que le Conseil national a ouvert, en mars, la discussion sur la 9e révision de l'AVS, avec en arrière-plan l'incertitude quant au sort réservé par le peuple au nouveau plan financier et notammént à la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Dès l'entrée en matière, une proposition du groupe libéral et évangélique, défendue par le genevois Gautier, demanda le renvoi de la discussion après la votation populaire du 12 juin, liant ainsi étroitement le devenir de l'AVS à celui de la TVA [11]. Les autres groupes s'étant tous prononcés pour l'entrée en matière, les communistes avec de fortes réticences quant au caractère progressiste de la révision, elle fut acquise par 131 voix contre 25. Lors de la discussion de détail, la majorité de la Chambre suivit avec une belle régularité lés propositions de la majorité de la commission préparatôire [12]. Etait-ce dû à la conviction que toute modification du projet remettrait en cause le consensus, peut-être fragile, élaboré par la commission, et au-delà, vu le rôle central de l'AVS, ouvrirait une brèche dans la paix sociale? Le fait est que les amendements de la minorité de la commission, souvent emmenée par le radical bernois Fischer, et ceux, nombreux, du groupe communiste, défendus d'abord par le tessinois Carobbio puis par le genevois Daffion, firent repoussés. Au vote d'ensemble, les membres du PdT et du PSA, tirant les conclusions de l'échec de leur assaut, s'opposaient, par 5 voix, à un projet accepté par 139 autres conseillers [13].
Au Conseil des Etats, début juin, la même prudence fut de mise, de telle manière que ne subsistaient entre les deux Chambres que des différences avant tout rédactionnelles. Les représentants des cantons transmirent cependant un postulat demandant au Conseil fédéral d'examiner la possibilité d'utiliser, comme élément de l'indice mixte, le salaire net en lieu et place du salaire brut, allant ainsi à la rencontre d'une revendication patronale [14]. L'élimination des divergences entre les deux versions s'étant prolongée au-delà du 12 juin, date du rejet populaire de la TVA, l'occasion fut ainsi donnée au conseiller fédéral Hürlimann d'exprimer son avis sur l'avenir immédiat de la 9e révision. Soulignant la nécessité de ne pas revenir sur les votes d'ensemble, il ne se prononça cependant pas sur le problème du financement des subventions de la Confédération [15].
Le compromis parlementaire n'a cependant pas recueilli l'accord de tous, puisqu'à mi-août un comité référendaire était formé et déposait début octobre une demande de référendum valable [16]. Ces opposants rejettent principalement le prélèvement de cotisations sur l'activité lucrative des rentiers, l'augmentation du taux de cotisations des indépendants, ainsi que l'indice mixte et son corollaire, l'accroissement des subventions fédérales [17]. Les membres du comité semblent appartenir à l'aile la plus conservatrice et immobiliste de la droite et leurs arguments trouvent une certaine sympathie dans les milieux des arts et métiers, de l'Association pour une libre information, voire du côté des libéraux, sans que toutefois l'on puisse parler 'de soutien déclaré [18]. Le dépôt du référendum, faisant battre le rappel à la gauche politique et syndicale [19], obligea le Conseil fédéral, par son effet suspensif, à mettre sur pied, fin octobre, une réglementation transitoire d'urgence. Le projet d'arrêté garantit le niveau actuel des rentes, fait passer la contribution de la Confédération de 9% à 11 % du total des dépenses en 1978 — à condition que la 9e révision soit acceptée par le peuple — et maintient la part des cantons à 5 % [20]. Le parlement se prononça en décembre. Alors que le Conseil des Etats adoptait l'arrêté à l'unanimité, une minorité radicale et libérale de la commission du Conseil national tentait, sans succès, de prolonger le régime transitoire d'une année et de bloquer la part fédérale à 9% de l'ensemble des dépenses de l'AVS [21].
Auparavant, l'exécutif et le législatif s'étaient occupés d'un autre aspect de l'AVS, à savoir l'âge donnant droit à ses prestations, suite à une initiative déposée en 1975 par les POCH et le PSA [22]. Dans son message du 21 mars, le gouvernement propose au parlement d'inviter le peuple et les cantons à rejeter l'initiative sans lui opposer de contre-projet. Cela notamment parce que son application entraînerait une augmentation des cotisations des assurés et employeurs d'un tiers environ ou une réduction d'un quart des prestations. En outre, l'initiative ne permet pas de combattre efficacement le chômage [23]. Pour les initiateurs, et en particulier pour leur représentant, W.Carobbio (psa, TI), cette argumentation, reprise en juin lors du débat du Conseil national par le conseiller fédéral Hürlimann, tombe à faux. En effet, d'une part, la réduction de l'âge de la retraite, sans être une panacée, aurait certainement des effets positifs sur le marché du travail; d'autre part, le financement de cet abaissement pourrait parfaitement se faire sans toucher aux cotisations ni aux prestations, en recourant à une augmentation des subventions de la Confédération [24]. Préférant l'examen futur d'un système de retraite flexible, promis par le chef du DFI qui s'est référé au postulat de Gabriellé Nanchen (ps, VS) déposé en 1973 [25], la majorité du Conseil suivit les recommandations de l'exécutif. La chambre des cantons fit de même à fin septembre, à l'unanimité et sans débat [26].
 
[8] Cf. APS, 1976, p. 131 s. Sur la 9e révision, voir: CF Hürlimann, «La 9e révision de l'AVS », in Documenta, 1977, no 2, p. 21 ss.
[9] SAZ, 71/1976, p. 915 ss. et 932; 72/1977, p. 11, 31 et 167.
[10] Rentiers: à la demande du PRD) local, une étude de cas sur la situation, favorable, des rentiers de la commune de Steffisburg (BE) fut menée par l'Institut de sociologie de l'Université de Berne (V. G. Blücher / P. Büchler / W. Schweizer, Lebensbedingungen der älteren Einwohner von Steffrsburg, Bern 1976) et provoqua un regain de polémique (NZ. 25, 24.1.77; Ldb, 21, 26.1.77 ; 36,12.2.77; BaZ, 4, 3.2.77; TW, 29, 4.2.77 ; 81,6.4.77; Vat., 29, 4.2.77; 32, 8.2.77; 36, 12.2.77; SP=lnformation, 3, 10.2.77; BN, 37, 14.2.77; Vorwärts, 6.10.3.77 Le PRD demanda que soit réalisé une enquéte représentative nationale (NZZ, 27, 2.2.77). Celle-ci sera à l'Institut de sociologie bernois (BN, 163, 15.7.77; JdG, ats, 163, 16.7.77), alors que pour la première fois depuis 1969, l'Office fédéral des assurances a publié une statistique sur les rentes versées (Bund 58,10.3.77 ; 60,12.3.77). Perspectives d'avenir; LNN, 1, 3.1.77; NZ. 4, 6.1.77 ; Vat., 23, 28.1.77 ; wf Dok, 9, 28.2.77; Blick, 52, 3.3.77. Le développement de I'AVS a également été critiqué d'un point de vue rétrospectif: cf. S. Borner et I. Sommer, «Die AHV als Spielball von Experten und Interessen: Fallstudie zu den AHV-Revisionen 1948 bis 1976 », in Annuaire suisse de science politique. 17/1977, p. 235 ss.
[11] Débat CN: BO CN, 1977, p. 267 ss., 747 s., 833 s. et 928 s. TVA: cf. supra, part. I, 5 (Finanzpaket).
[12] Les propositions de la majorité de la commission se différenciaient notamment de celles du CF à propos du taux de cotisation des indépendants (7,8 %à la place des 8,4 % de l'exécutif) et de la hausse des rentes à accorder dés le 1.1. 1978 (5%, à condition que l'indice atteigne 175,5 points).
[13] Ils furent rejoints par 4 autres opposants lors du vote final (BO CN, 1977, p. 929).
[14] Débat CE: BO CE, 1977, 239 ss., 396 s., 448 s. Revendication patronale: cf. supra, note 124.
[15] CF Hürlimann : BO CN, 1977, p. 747 s. Au cours de la même procédure, le CN repoussera une proposition de la Commission des finances du CE visant à appliquer le frein aux dépenses à certaines prestations fédérales complémentaires de l'ANS (BO CN, 1977, p. 833 s.; BO CE, 1977, p. 396 s.; FF, 1977, II, 949 ss).
[16] Sur les 39 860 signatures valables, plus de 30 000 proviennent de la Suisse alémanique (FF, 1977, III, p. 626 s.).
[17] 24 Heures, 192, 19.8.77; 239, 14.10.77; NZZ (sda), 193, 19.8.77; 227, 28.9.77.
[18] Position politique des référendaires: J. Frischknecht, «Die AHV-Gegner kommen von ganz Rechtsaussen », in FA, 289, 10.12.77. Arts et métiers: BdZ, 49, 26.2.77 ; Tat, 91,19.4.77 ; La Gruyère, 102, 6.9.77 ; Schweiz. Gewerbe-Z eitung, 48,1.12.77 ; cf. aussi l'exposé de R. Barde, vice-président de I'USAM, Ombres et lumières de la neuvième révision, Bâle 1977. Association pour une libre information (L'Atout): 24 Heures, 107, 9.5.77; 206, 5.9.77. Libéraux: cf. l'éditorial de J.-S. Eggly, secrétaire central du PLS, in JdG, 194, 22.8.77.
[19] gk, 28, 1.9.77; FA, 229, 1.10.77; VO, 226, 11.10.77.
[20] FF, 1977, III, p. 585 ss. L'AVS se trouvait régie jusqu'au 31.12.77 par le régime transitoire urgent du 12.6.75; cf. APS, 1975, p. 133 s.
[21] Débat parlementaire: BO CE, 1977, p. 702 ss., 719 et 761; BO CN, 1977, p. 1505 ss., 1641 et 1727.
[22] Cf. APS, 1975, p. 134.
[23] FF, 1977, I, p. 1549 ss.
[24] Intervention Carobbio: BO CN, 1977, p. 889 ss. Cf. également: POCH-Zeitung, 15, 1.5.77 ; 24, 30.6.77 ; 41, 17.11.77.
[25] BO CN, 1977, p. 883 ss. et 1368 ; Retraite flexible: l'assuré peut choisir à l'intérieur de certaines limites d'âge le moment du versement de ses rentes AVS. Postulat Nanchen: cf. APS, 1973, p. 121.
[26] BO CE, 1977, p. 518 s. et 602.