Année politique Suisse 1977 : Politique sociale / Groupes sociaux / Politique familiale
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Avortement
Le parlement puis le peuple se sont prononcés en 1977 a propos de l'avortement. Les Chambres ont eu 'd'abord à éliminer les divergences qui les séparaient, l'une portant sur la recommandation accompagnant l'initiative dite du délai, l'autre sur l'admission de l'indication sociale dans la loi sur l'interruption de la grossesse, qui abroge certains articles du Code pénal [37]. Sur le premier point, la commission du Conseil des Etats accepta, début mars, de renoncer à formuler une recommandation quelconque; cependant, à la fin du mois, la chambre des cantons réitérait sa décision favorable à une recommandation de rejet, tout en la déclarant définitive [38]. Le Conseil national réaffirmant en mai sa position antérieure et la commission de conciliation ne parvenant pas à unifier ces points de vue, il fut décidé de soumettre l'initiative au vote populaire sans préavis [39]. Sur le deuxième point, le Conseil national, suivant l'avis de sa commission, maintenait, à mi-mars, l'indication sociale comme motif d'interruption indépendant [40]. Conciliante, la commission du Conseil des Etats se ralliait en mai à cetté position; les représentants des cantons l'approuvèrent en juin, la votation finale intervenant durant la même session [41].
Fixée au 25 septembre, la votation populaire sur l'initiative dite du délai a été précédée d'une campagne très intense, qui s'est repercutée sur le taux de participation (51,9%) [42]. Soutenue par la gauche et l'extrême-gauche, l'initiative a été combattue par tous les partis à coloration confessionnelle. Entre ces deux blocs, le marais des organisations indécises ou divisées, telles le PRD, l'UDC, le Parti libéral et l'Action nationale [43]. Les arguments des partisans et adversaires ne se distinguèrent pas de ceux présentés déjà lors des débats parlementaires [44]. D'un côté, la libéralisation était revendiquée au nom du libre choix de la maternité et de la lutte contre l'iniquité sociale entretenue par la législation actuelle [45]. De l'autre, le refus se basait sur le droit à l'existence de tout être humain et le rappel de certaines valeurs éthiques et religieuses considérées comme fondement de la civilisation occidentale et chrétienne [46]. Utilisant des arguments plus émotionnels et passionnels que rationnels, emportés quelquefois au-delà des limites de la correction, les adversaires de l'initiative mobilisèrent efficacement le réseau des différentes organisations confessionnelles, principalement catholiques [47]. Le choix de l'organisation humanitaire Caritas pour centraliser la campagne des opposants, l'utilisation de ressources fiscales — par le biais de l'impôt ecclésiastique — et les ennuis créés à la propagande cinématographique des partisans ont aussi été critiqués [48]. Quoi qu'il en soit, cet engagement soutenu a incontestablement produit les effets désirés: selon des sondages d'opinion, les «oui» à la solution du délai passèrent de 61 % en juin à 55% à mi-septembre; durant la même période, les «non» croissèrent de 31% à 41 %. Une analyse réalisée après la votation indiqua que l'argument selon lequel l'avortement équivaut à la mise à mort d'un être humain avait pleinement porté [49]. Le peuple rejeta finalement l'initiative par 52% des voix, huit cantons l'acceptant toutefois, avec dans certains cas des majorités confortables (Genève: 79%, Vaud: 76%, Neuchâtel: 75%, Bâle-Ville: 66%) [50].
En conséquence de ce refus, adversaires et partisans se sont trouvés confrontés au problème de l'attitude à adopter vis-à-vis de la loi fédérale sur l'interruption de la grossesse. La droite fut la première à réagir et lança, sous la responsabilité de dissidents de l'association «Oui à la vie», un référendum au début d'octobre [51]. A la finde ce mois, un comité de gauche, regroupant certains membres de l'Union suisse pour la décriminalisation de l'avortement et des groupes d'extrême-gauche, fit de même [52]. Les listes référendaires ont été déposées avant le 25 décembre, munies de 95000 signatures valables environ, dont plus de 55000 sont à mettre au compte de l'opposition de gauche [53].
 
[37] Cf. APS. 1976, p. 130.
[38] Commission: TG, 56, 8.3.77. CE: BO CN, 1977, p. 129 ss.
[39] CN: BO CN, 1977, p. 497 s, Commission de conciliation: 24 Heures, 103, 4.5.77; JdG, 103, 5.5.77. Adoption de sa décision par les Chambres: BO CN, 1977, p. 534 s. et 551 ; BO CE. 1977, p. 233 et 236 ; FF, 1977, II, p. 417.'
[40] Commission: TLM(ats), 50, 19.2.77. CN: BO CN, 1977, p. 137 ss.
[41] Commission : JdG, 105, 7.5.77. CE : BO CE. 1977, p. 336 ss. Votation finale : BO CN, 1977, p. 749 et 929; BO CE, 1977, p. 450; FF, 1977, III, p. 92 ss.
[42] FF, 1977, III, p. 874; Vox, Analyses des votations fédérales. 25.9.77.
[43] 24 Heures, 220, 22.9.77.
[44] Déroulement de la campagne: cf. la presse du 1.9.77 au 25.9.77.
[45] Cf. Schweiz. Vereinigung fir straflosen Schwangerschaftsabbruch, Strafloser Schwangerschaftsabbruch Argumente, Bern 1977 ainsi que Frauenbefreiungsbewegung, Für die Freigabe der Abtreibung, Zürich 1977.
[46] Cf. par ex. Bulletin des médecins suisses, 3, 19.1.77 (tiré à part); Ostschw., 208, 6.9.77 ; Lib., 233, 9.7.77 (Conférence épiscopale); TLM, 241, 28.9.77 (lettre pastorale des évêques).
[47] Les évêques suisses se sont officiellement « distancés des fautes qui ont été commises du côté des opposants à l'initiative du délai» (TLM, 274, 1.10.77).
[48] Caritas: TLM, 229,17.8.77; Ww, 37, 14.9.77. Ressources fiscales: Tas, 239,12.10.77; Vr, 238,12.10.77; Vorwärts, 42, 20.10.77. Propagande : BaZ, 171, 25.7.77; Vr, 174, 28.7.77 ; TA, 190, 17.8.77 ; FA, 191, 18.8.77.
[49] Sondages: TLM, 245, 2.9.77; 257, 14.9.77. Analyse: Vox, Analyses des votations fédérales, 25.9.77.
[50] FF, 1977, III, p. 874. Le CF avait refusé qu'un décompte par sexe soit effectué: cf. question ordinaire Condrau (pdc, ZH), BO CN, 1977, p. 940.
[51] TA, 238, 12.10.77; TG, 235, 12.10.77; 24 Heures, 238, 13.10.77.
[52] JdG (ats), 240, 14.10.77 ; 24 Heures, 245, 21.10.77 ; 252, 29.10.77.
[53] FF, 1978, I, p. 246 s.; 24 Heures, 284, 6.12.77.