Année politique Suisse 1977 : Enseignement, culture et médias / Culture, langues, églises
Politique culturelle
Le président de la Confédération, K. Furgler, a consacré un discours aux rapports qui lient l'artiste à l'Etat. Il a insisté sur le fait que le dialogue entre les artistes et les autorités est une des composantes de la politique culturelle. Le magistrat a déploré que la situation soit tendue non seulement entre l'art et la politique, mais également entre l'art et la sensibilité populaire
[1]. La controverse autour du rapport Clottu, publié en 1976, s'est éteinte. On reprochait à ce rapport d'être destiné à reposer dans un tiroir et de n'avoir pas su éveiller un intérêt général pour le développement de la culture. Pour Gaston Clottu, ce document a au contraire provoqué des discussions, a fait l'objet d'un examen sérieux aux Chambres et a rencontré un vif intérêt à l'étranger
[2]. Les artistes avaient espéré que le rapport Clottu leur vaudrait une aide accrue de l'Etat. Une telle aide dépend souvent de décisions politiques et les relations avec les autorités en souffrent. D'autre part, vu l'état précaire des finances publiques, les montants versés aux artistes et aux institutions culturelles sont parcimonieux
[3].
Dans leur travail, les artistes sont finalement dépendants de l'opinion du grand public, qui cependant n'entend souvent rien aux chemins que prend la culture. L'Université populaire et les institutions semblables essaient de mettre les prestations culturelles à la portée immédiate des adultes. La «Fédération suisse pour l'éducation des adultes» a recommandé aux cantons de créer des lois particulières pour la formation des adultes ou d'édicter des dispositions dans le cadre des lois existantes sur l'école et la culture. Elle demande aussi que la Confédération reçoive la còmpétence constitutionnelle pour encourager directement la formation des adultes
[4].
Pour marquer le 700e anniversaire du Pacte fédéral en 1991, la prochaine exposition nationale aura lieu en Suisse centrale. Aussi bien Schwytz que Lucerne s'efforcent de préparer sérieusement la commémoration de ce grand événement qui coûtera, suivant de prudentes estimations, plusieurs centaines de millions de francs
[5]. En comparaison de cette somme, les six millions de francs que la Confédération devait verser au
Musée technique (Technorama) à Winterthour, paraissent bien modestes. Cependant, le Conseil des Etats a refusé d'entrer en matière après que R. Reimann (pdc, AG) ait menacé de recourir à la clause du frein aux dépenses. Le Conseil national a renvoyé le projet au Conseil fédéral avec mandat d'en élaborer un moins coûteux, en collaboration avec la Fondation du Technorama
[6]. Aucun aspect financier n'est apparu au premier plan de la votation sur la «Fabrique rouge» à Zurich-Wollishofen: les citoyens de la ville de Zurich ont accepté le contreprojet du législatif communal opposé à une initiative populaire socialiste. Ce contreprojet circonscrit l'exploitation de la «Fabrique rouge» à des fins culturelles; dans une seconde phase, l'exécutif communal devra présenter une proposition concrète pour l'utilisation du terrain de l'ancienne fabrique
[7].
Les gens de
théâtre se plaignent depuis des années du peu de subventions dont ils jouissent. D'autre part, on leur reproche de consommer trop de deniers publics. A la suite d'une interpellation au Grand Conseil bâlois, qui exigeait le renforcement du contrôle exercé sur le théâtre, le gouvernement a répondu qu'il ne lui appartenait pas de décider de ce qui appartient ou pas à l'art. W. Düggelin, engagé par contrat depuis la fin de 1977 au Théâtre de Zurich, a lancé un appel pour que les grands théâtres de Suisse alémanique resserrent leur collaboration au plan artistique afin de pouvoir satisfaire pleinement aux exigences d'une gestion économe
[8]. En Suisse romande, le «Conseil suisse romand du théâtre» a été fondé. Des représentants cantonaux et communaux, des directeurs de théâtre, des acteurs, des auteurs et des gens de radio et de télévision font partie de cet organe qui veut lutter contre le gaspillage financier dans le secteur théâtral. Un rapport sur les structures culturelles de la ville de Berne a proposé plusieurs mesures de rationalisation et d'amélioration de l'efficacité des entreprises théâtrales et musicales. On y trouve également un modèle pour la collaboration financière des communes de la banlieue aux institutions culturelles de la ville fédérale, élaboré par la commission ad hoc du Conseil communal. L'existence du théâtre interville Bienne/Soleure a pu être assurée jusqu'en 1980, malgré la diminution des subventions. Une association est maintenant chargée de trouver un soutien financier régional plus important
[9].
Formé de professionnels, le théâtre de poche la «Claque» de Baden se débat aussi dans les difficultés pécuniaires. Il voulait représenter à Coire, en 1975, l'aeuvre d'Arrabal «Et ils mettront des menottes aux 'fleurs», mais la propriétaire de la salle a rompu à court terme le contrat. La «Claque» lui a intenté un procès en dommages et intérêts, accordés par la cour de première instance. Son avocat avait surtout développé l'argument qu'une dédite aussi arbitraire mettait en danger la liberté politico-culturelle
[10]. A Saint-Gall, le conseiller aux Etats P. Bürgi (prd), président de la société coopérative du théâtre, a fait suspendre la représentation d'une pièce qui expose la problématique raciale en Afrique du Sud et où les interprètes principaux entrent nus en scène. Cette suspension fut dictée par les interventions de milieux très influents et par des interpellations au parlement cantonal, où il fut même question de réduire les subventions accordées au théâtre
[11].
Le montant total des subsides de l'Etat pour l'encouragement du
cinéma s'est élevé en 1977 à 2,75 millions de francs
[12]. La Confédération a signé un accord avec la France qui règle le financement des coproductions franco-suisses. Celles-ci sont réciproquement assimilées aux productions nationales bénéficiant de l'aide officielle
[13]. De jeunes cinéastes se sont toutefois plaints de ce que les régisseurs reconnus barraient l'accès aux subventions publiques. En outre, le but des bailleurs de fonds, orienté vers le profit, s'oppose diamétralement au besoin de recherche artistique des créateurs. La télévision a, elle aussi, de moins en moins soutenu les films suisses dont le contenu est controversé
[14]. Pourtant, le film «L'exécution du traître à la patrie Ernst S.», bien que contesté, a été diffusé par la télévision suisse alémanique; mais on avait suppritné quelques scènes et fait précéder la projection d'une introduction de l'historien P. Dürrenmatt dont les propos, très traditionalistes, ont déclenché la critique. Le Conseil fédéral in corpore a même assisté à une séance de projection, car il était appelé à se prononcer sur le recours contre le refus d'accorder une prime à la qualité au film. A cette occasion, de nombreux journalistes ont débattu de l'aide apportée par l'Etat à la culture et soulevé la question de savoir qui devrait être habilité à prendre des décisions d'ordre politico-culturel
[15]. Les fils de feu le commandant de corps Wille ont tenté d'empêcher N. Meienberg, l'auteur du film contesté, de créer une pièce de théâtre sur leur père, qui y serait représenté comme un traître à la patrie. Le tribunal de district de Zurich a rejeté leur plainte, ressentie par certains milieux du journalisme comme un musellement de la presse
[16].
[1] BaZ 176, 30.7.77; Ww, 37, 14.9.77.
[2] (Rapport Clottu: APS, 1976, p. 147. Critique: BaZ, 97, 10.5.77. G. Clottu: Wir Brückenbauer, 49, 9.12.77; JdG (ats), 291, 13.12.77.
[4] TG, 127, 7.6.77; NZZ, 227, 28.9.77; cf. Schweizerische Vereinigung für Erwachsenenbildung (SVEB/FSEA), Erwachsenenbildung in der Schweiz, Frauenfeld 1976; SVEB/FSEA, Concept pour le développement de l'éducation des adultes en Suisse, Zurich/Lausanne 1977.
[5] Vat., 6, 11, 13, 14, 16, 21, 24, 27, 36, 50, 65, 66, 76, 91,159, 285, 8.1:6.12.77; TG, 10, 13.1.77; 50, 1.3.77; 66, 19.3.77; APS, 1976, p. 13.
[6] BO CE, 1977, p. 481 ss.; BO CN, 1977, p. 1667. Cf. APS, 1976, p. 148.
[7] TA, 211, 10.9.77; 215, 15,9.77; 224, 26.9.77; TG, 213, 16.9.77; cf. APS, 1976, p. 148. L'initiative fut retirée (Vr, 124, 31.5.77).
[8] Bâle: BaZ, 41, 46, 47, 51, 224, 12.3.-16.9.77. W. Düggelin: LNN, 105, 6.5.77; W : 50, 14.12.77. Cf. également Focus, 1977, no 81, p. 20 ss. ainsi que «Théâtre en Suisse», in Annuaire du Théâtre suisse, no 40, 1977.
[9] Suisse romande: JdG, 96, 28.4.77; cf. également JdG, 241, 15.10.77. Berne: Bund, 12, 21, 132, 245, 15.1.-19.10.77; TW, 246, 20.10.77. Bienne/Soleure: LNN, 21, 26.1.77; SZ, 212, 13.9.77; Bund, 218, 17.9.77; 275, 23.11.77; Annuaire du Théâtre suisse, no 40, 1977, p. 45 ss.
[10] «Claque», problèmes financiers: Leserzeitung, 52, 29.3.77; Wh.. 42, 19.10.77. Ennuis à Coire: BüZ 31, 40, 52, 134, 135, 5.2.-10.6.77; TA, 52, 3.3.77.
[11] Ostschw., 93, 126, 129, 22.4.-6.6.77; BaZ, 122, 6.6.77; Tat, 298, 20.12.77.
[13] FF, 1977, III, p. 743 ss.; NZZ, 164, 15.7.77; TLM, 319, 15.11.77.
[14] TAM. 3, 22.1.77; 31, 6.8.77; Ww, 4, 26.1.77; BaZ, 33, 40, 60, 119, 317, 319, 4.3:21.12.77. Cf. A. Cuneo, La machine fantaisie, Enquète sur le cinéma suisse, Vevey 1977.
[15] Discussion sur le film: 24 Heures, 60, 12.3.77; NZZ, 157, 7.7.77; LNN. 163, 164, 178, 187, 16.7.-13.8.77 (Interview avec E. Bonjour, réplique de N. Meienberg). Prime à la qualité: TG, 113, 20.5.77; APS, 1976, p. 148. Emission à la TV: BaZ, 19, 18.2.77;.105, 18.5.77; LNN, 121, 26.5.77; 127, 3.6.77; 130, 7.6.77. Développement culturel par l'Etat: Ww. 22, 1.6.77; Vat.. 128, 4.6.77.
[16] Voir la presse du 13.7.77 et du 26.7.77.
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