Année politique Suisse 1978 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Politique des transports
La publication du rapport sur la conception globale suisse des transports (CGST) a constitué l'événement majeur de l'année écoulée en matière de politique des transports. Après un travail de plus de cinq ans, accompagné d'une activité intense sur le plan de la recherche, la commission, qui comptait 62 membres, a approuvé à l'unanimité les thèses élaborées ainsi que le rapport qui les accompagnait. La tâche de la commission instituée par le Conseil fédéral consistait à préparer des programmes réalisables dans le domaine de la planification des transports, programmes devant satisfaire à des exigences parfois contradictoires et qu'il s'agissait d'intégrer le mieux possible à notre système des transports. La commission avait complété cette directive générale par un ensemble de trois objectifs principaux: satisfaire les besoins de l'individu et de l'économie en matière de transports; améliorer la rentabilité des moyens engagés par les pouvoirs publics; trouver une concordance avec les buts visés par la politique relative à la protection de l'environnement et à l'aménagement du territoire.
La conception générale présentée consiste en une planification directrice des transports pour l'an 2000 et comprend deux variantes qui se distinguent l'une de l'autre par les prévisions admises en matière de croissance économique. Ces études, qui ne constituent pas des programmes d'équipement établis définitivement, indiquent quels sont les moyens de transports dont il faudra dispòser si l'on veut pouvoir atteindre les trois objectifs principaux dans des conditions optima. Pour ce qui est du réseau routier, les plans actuels ne devraient subir que peu de modifications. En raison d'impératifs relevant de l'aménagement du territoire, il est prévu d'améliorer les voies de communication et les moyens de transport dans les régions marginales. Quant au trafic ferroviaire, il devrait devenir plus attractifgrâce à la construction de nouvelles lignes rapides entre Lausanne et St.-Gall ainsi qu'entre Bâle et Olten. Sur ces tronçons, le chemin de fer à grande vitesse pourrait offrir une véritable solution de rechange au trafic routier.
Dans une seconde partie de son rapport, la CGST énonce
toute une série de principes qui devraient permettre d'adopter et de suivre une politique des transports qui soit globale et rationnelle. Dans ce contexte, il s'agirait notamment de viser le principe de la rentabilité propre qui, de l'avis de la commission, devrait être appliqué aussi bien au système des transports dans son ensemble qu'à ses différents secteurs en particulier. Compte tenu de cette perspective, il importerait alors de laisser aux chemins de fer une liberté beaucoup plus grande en matière de gestion d'entreprise, en particulier dans le choix des prestations. Celles qui ne seraient pas rentables pour les compagnies ferroviaires ne devraient donc être maintenues que lorsque les autorités politiques le réclament expressément et versent des subventions appropriées. En liaison étroite avec cela, la commission propose une nouvelle répartition des attributions, notamment financières, entre la Confédération et les cantons. A l'avenir, les cantons seuls devraient donc être compétents en matière de trafic régional, ferroviaire et routier. Cependant, un fonds fédéral de compensation devrait permettre de maintenir les charges financières des cantons à peu près dans les limites actuelles. Pour la couverture des frais d'infrastructure, il est prévu de créer un fonds pour les transports publics et un autre pour les transports privés. En principe, ces deux fonds sont distincts. Toutefois, si l'un des deux venait à être insuffisamment doté, il serait alors possible de déroger temporairement au principe de la séparation. Le fonds des transports privés serait alimenté par le produit des taxes prélevées sur les usagers de la route (droits de douane et suppléments sur les carburants, impôts de circulation). La seule modification par rapport à la situation actuelle consisterait à octroyer à la Confédération la faculté de percevoir également des contributions directes auprès des usagers de la route. En revanche, le financement proposé pour les infrastructures des transports publics est nouveau. Il prévoit, en effet, la perception d'un supplément de 20% au maximum sur l'impôt de consommation (impôt sur le chiffre d'affaires ou taxe sur la valeur ajoutée). En outre, les taxes d'utilisation que les entreprises de transports devraient verser à la Confédération (selon ce système, la Confédération deviendrait propriétaire de l'infrastructure ferroviaire) pour l'usage des infrastructures, seraient attribuées à ce fonds
[1].
La
réalisation de cette nouvelle conception des transports implique, au préalable, une révision des fondements juridiques. En lieu et place des neuf dispositions constitutionnelles actuellement en vigueur, il faudrait prévoir quatre nouveaux articles constitutionnels. D'autre part, pour améliorer la coordination, tous les offices fédéraux s'occupant de problèmes de transport devraient être regroupés au sein du Département fédéral des transports et communications et de l'énergie. Compte tenu du caractère global de la conception proposée, mais aussi pour des raison tactiques (en effet, le consensus obtenu au sein de la commission entre les divers groupes d'intérêts devrait être sauvegardé), le Conseil fédéral désire instaurer les bases constitutionnelles de sa nouvelle politique des transports en une seule étape. Après la procédure de consultation, qu'il a ouvert en 1978, l'exécutif adressera par la suite au parlement un message contenant les modifications constitutionnelles nécessaires
[2].
Les
réactions suscitées par la conception globale des transports ont été le plus souvent positives, bien que la mise en oeuvre des mesures proposées ne manquera pas de poser des problèmes considérables. Pour que la CGST soit réalisable sur le plan politique, il importe surtout que les représentants des milieux des transports (notamment les associations d'automobilistes qui comptent de très nombreux membres) fassent publiquement part de leur accord. Or ces derniers se sont prononcés favorablement. Tant les partisans du rail que ceux de la route ont salué, dans cette conception globale, son orientation fondamentale vers l'économie de marché. Ce faisant, les uns applaudissent la plus grande liberté de gestion d'entreprise qui sera accordée aux CFF, tandis que les autres se réjouissent que l'on ait maintenu l'affectation obligatoire du produit des taxes perçues auprès des usagers de la route et que l'on ait renoncé à encourager unilatéralement les transports publics
[3].
L'approbation des associations routières est, comme nous l'avons dit, déterminante si l'on veut que cette conception globale conserve toutes ses chances de réalisation sur le plan politique. Mais étant donné que
cette conception dépend de la mise en oeuvre quasi-simultanée de tous ses postulats principaux, elle présente l'inconvénient de ne pouvoir prendre, maintenant, des mesures que de larges milieux considèrent comme urgentes pour résoudre certains problèmes en matière de transports. Cette difficulté apparaît de toute évidence lorsqu'on se demande comment empêcher le trafic lourd européen d'utiliser, comme axe de transit, l'autoroute et le tunnel du Gothard qui entreront en service en 1980. Certes, le plus judicieux serait de percevoir un impôt fédéral sur le trafic routier lourd, ceci d'autant plus que ce genre de transports ne couvre pas, et de loin, par ses contributions les dépenses qu'il occasionne aux pouvoirs publics. C'est pourquoi le Conseil national a décidé, au cours d'une discussion sur l'assainissement des finances fédérales, d'entreprendre une révision constitutionnelle qui donnerait à la Confédération la compétence de percevoir un impôt de cette sorte. Cependant, dans cette affaire, le Conseil des Etats a partagé l'opinion du Conseil fédéral selon laquelle il ne fallait pas prélever cet impôt avant que les autres mesures de la conception globale des transports ne soient prises, ceci afin de ne pas perdre l'appui que les associations routières accordent à la CGST. Par conséquent, la décision de la chambre du peuple est restée sans suite. Etant donné que des mesures basées sur la loi réglementant la circulation routière (des interdictions par exemple) ne peuvent être utilisées en matière de politique des transports, il ne reste plus qu'à souhaiter que les camions voudront bien utiliser le transport par moyen de ferroutage que les CFF vont mettre sur pied, mais qui sera plus onéreux. La décision du Conseil national de créer sans retard une base constitutionnelle permettant de percevoir une taxe auprès des usagers des autoroutes (c'est-à-dire la vignette), était inspirée par des motifs relevant plus de la politique financière que de celle des transports et elle a connu le même sort que l'impôt sur les poids lourds. La question de savoir si la création d'une base constitutionnelle permettant l'institution d'un impôt sur le trafic routier lourd et de la vignette est désirable sera donc éclaircie lors de la procédure de consultation sur la CGST. Toutefois, les deux Chambres ont prié le Conseil fédéral par le moyen d'une motion, de leur soumettre un message à ce sujet jusqu'à fin 1979 au plus tard
[4].
[1] Rapport final de la conception globale suisse des transports, Berne 1977 (cité par suite: CGST). Cf. également Revue suisse d'économie des transports (cité par suite: RSET, 33/1978, n 1/2; Revue suisse de sociologie, 4/1978, no 3, p. 95 ss. ; C. Kaspar, «Die schweizerische Gesamtverkehrskonzeption als multidisziplinäre Grundlage künftiger Verkehrspolitik », in RSET, 33/1978, no 4, p. 25 ss. ; Dokumente und Informationen zur Schweizerischen Orts-, Regional- und Landesplanung, 1978, no 49/50.
[2] Révision de la Constitution: CGST, p. 199 ss. et 251 ss. Administration: CGST, p. 260 ss. Lors des délibérations de la nouvelle loi sur l'organisation de l'administration, le CN ne s'est pas prononcé sur la question de savoir à quel département l'office fédéral des routes devrait être rattaché (BO CN, 1978, p. 441 s.; FF, 1978, II, p. 753 ss.; cf. aussi supra, part. I, 1c (Verwaltung) ainsi que APS, 1977, p. 101). Procédure à suivre: Rapp. gest., 1978, p. 269 s. ; BO CN, 1978, p. 951 s.; NZZ, 289, 12.12.78. Pour mieux coordonner ses efforts sur le plan des transports, le CF a déjà intégré l'état-major de la commission pour la CGST au DFTCE (RO, 1978, p. 1238 ss.).
[3] Presse du 12.5.78; NZZ, (sda), 109, 13.5.78. Usagers de la route: Touring, 20, 18.5.78; J. Schälchli, « Positive Haltung der Strassenverkehrsverbände», in Schweiz. Bankverein, Der Monat, 1979, no 2, p. 13. Transports publics: J. Favre, «Lumières et ombres de la conception globale suisse des transports», in RSET, 33/1978, no 3, p. 15 ss.; NZZ, 132, 10.6.78; LITRA, Jahresbericht, 1977/78, p. 28 ss. Les voix qui ont critiqué fondamentalement les thèses de la CGST étaient très clairsemées (H. R. Meyer, «Die GVK-CH aus wirtschaftswissenschaftlicher Sicht », in Internationale Transport-Zeitschrift, 39/1978, no 24, p. 2895 ss. Cf. même auteur in «Zu viele Unstimmigkeiten in der schweizerischen Gesamtverkehrskonzeption», in RSET, 33/1978, no 4, p. 27 ss.).
[4] BO CN, 1978, p. 1238 ss. et 1654 ss.; BO CE, 1978, p. 563 ss. et 666 ss. Cf. également infra, part. I, 5 (Weitere steuerliche Massnahmen); APS, 1976, p.97; CF Ritschard in Documenta, 1978, no 1, p. 13 ss. Les motions du CE Weber (ps, SO) et du CN Welter (ps, ZH) qui demandaient, elles aussi, des mesures urgentes contre le trafic des poids lourds, n'ont été transmises que sous forme de postulat (BO CE, 1978, p. 491 ss. ; BO CN, 1978, p. 1768). Protestations des entreprises de transport routier: JdG, 199, 26.8.78. Procédure à suivre: Rapp. gest., 1978, p. 269; 80 CE, 1978, p. 567 s.; BO CN, 1978, p. 1657. Au sujet des efforts des CFF visant à mettre en disposition le système de transport par moyen de ferroutage cf. APS, 1976, p. 101 et Groupe de travail Transit 80, Mesures d'appoints propres d éviter un trafic démesuré de poids lourds sur nos routes, 1978.
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