Année politique Suisse 1979 : Infrastructure, aménagement, environnement / Sol et logement
Droit foncier
A part l'aménagement du territoire, deux sujets dominèrent l'actualité en matière de droit foncier,
l'initiative pour une propriété foncière sans spéculation et la question de la vente de terrain aux personnes domiciliées à l'étranger. Dès son lancement en 1976
[13], l'initiative paysanne romande avait été dédaignée par les grands partis et par l'Union suisse des paysans, qui la considéraient comme trop radicale. Une action, soutenue surtout par l'Union des producteurs suisses, permit de rassembler 40 000 signatures en Suisse romande avant d'étendre la récolte à la Suisse alémanique. Au début de 1979, l'initiative ne souleva pas un grand intérêt et les responsables des principaux partis déclarèrent que cette question n'était plus d'une actualité brûlante et qu'ils mettaient leurs espoirs dans la LAT, pensant qu'elle apporterait des solutions efficaces aux problèmes de spéculation et d'utilisation du sol. L'Association suisse pour une propriété foncière sans spéculation estimait cependant que son projet méritait encore toute l'attention du public. Début décembre, comme il manquait 20 000 noms sur les listes, le mouvement s'anima. Des groupes divers prirent position en faveur de l'initiative. Le PS recommanda le projet en tant que réforme démocratique du droit foncier, mais aussi pour jeter un pont sur le fossé qui sépare agriculteurs et ouvriers. Divers partis de gauche, des mouvements de protection de la nature ou de lutte contre l'énergie atomique et des groupes de paysans se joignirent au mouvement. Ceci fut pourtant insuffisant et l'initiative n'aboutit pas faute d'avoir obtenu, jusqu'à fin 1979, le nombre de signatures requis. Une discussion fut aussitôt lancée en vue de mettre au point un nouveau projet, dont le but serait semblable
[14].
L'Action nationale en revanche, récolta plus de 100 000 signatures pour son
initiative contre la mise à l'encan du sol suisse, lancée en automne 1978 et visant à réduire la vente de terrain aux personnes domiciliées à l'étranger
[15]. Ce parti ne fut d'ailleurs pas seul à lutter contre I.e «bradage du sol national». Deux motions furent traitées par l'Assemblée fédérale en 1979. L'une demandait que l'on empêche mieux les opérations destinées à éluder les prescriptions et l'autre voulait un régime d'autorisations plus strict. Le Conseil national les accepta malgré la vive opposition de presque tous les députés romands et des représentants des régions de montagne. Le Conseil des Etats en revanche exprima des réserves et elles furent transformées en postulats
[16].
Le deuxième projet d'
ordonnance concernant la vente d'immeubles à des personnes domiciliées à l'étranger dans les régions touristiques, publié en janvier par le Conseil fédéral, visait aussi à renforcer les prescriptions en vigueur. Le nombre d'autorisätions exceptionnelles serait restreint et contingenté, ces autorisations seraient bloquées dans 40 nouvelles localités. Ces dispositions étaient pourtant moins sévères que celles du projet de 1978, puisque l'on avait alors préconisé de supprimer les autorisations exceptionnelles et d'entretenir une plus petite proportion de résidences secondaires appartenant à des étrangers dans le nombre global des immeubles. La presse romande considéra ces mesures comme désagréables, mais les taxa de «moindre mal», compte tenu de la menace que représentait l'initiative de l'Action nationale en cours. Certains journaux de gauche les considérèrent même comme nécessaires. En Suisse alémanique, en revanche, le scepticisme régna quant à l'efficacité de ces dispositions. Ce fut en particulier l'attitude de nombreux socialistes et d'associations de protection de la nature
[17].
La
procédure de consultation révéla de fortes divergences. Les cantons touristiques particulièrement visés par les nouvelles mesures s'opposèrent fermement au projet. Les gouvernements valaisan, tessinois, grison et vaudois craignirent d'abord des désavantages économiques, un recul du volume de construction, une diminution du tourisme dont ces régions ont grand besoin, et le chômage qui s'en suivrait. Ils nièrent que l'on puisse parler d'un «bradage» du sol, et demandèrent de s'en tenir aux dispositions en vigueur. Les cantons romands, en général, furent défavorables à cette nouvelle ordonnance, soit par esprit de solidarité, soit qu'ils redoutèrent d'être également dans une situation inconfortable si l'on ne tenait pas compte des particularismes locaux. Plusieurs associations économiques se joignirent à ces protestations, critiquant surtout le blocage des ventes dans les communes où le développement n'est pas terminé et les atteintes à l'autonomie cantonale et communale. Les partis se montrèrent très nuancés. S'ils furent d'accord avec le renforcement des prescriptions, presque tous émirent quelques critiques. Le PRD désira que l'on évite d'accroître la césure entre Romands et Alémaniques et entre régions de montagne et régions de plaine, et que l'on tienne compte de l'autonomie cantonale et communale. En revanche, une pression politique nette se fit sentir, en faveur d'un durcissement de la «Lex Furgler» sur le Plateau et en Suisse centrale. Ces cantons se déclarèrent fondamentalement d'accord et donnèrent leur approbation
[18]. Le texte définitif entra en vigueur le 1er juillet. Le Conseil fédéral y prit en considération les doléances des cantons touristiques. Les contingents furent notablement rehaussés et l'on ne soumit plus que 28 nouvelles localités au blocage. La presse romande trouva pourtant les contingents encore bien restrictifs, tandis qu'outre Sarine, on jugea le durcissement modeste. Des voix s'élevèrent alors pour plaider une révision totale, täche à laquelle le groupe de travail du juge fédéral Patry continua de se consacrer
[19].
[13] Cf. APS, 1976, p. 107; 1977, p. 111; 1978. p. 109.
[14] LNN, 23. 29.1.79; 289. 14.12.79; Bund, 223. 24.9.79; NZZ, 221, 24.9.79; 301. 28.12.79; Vr, 283. 7.12.79 ; TW, 290. 11.12.79 ; BaZ, 291, 12.12.79. Les problèmes du droit foncier rural furent également discutés à la Journée des juristes suisses ; cf. R. Hotz, «Bäuerliches Grundeigentum », in Revue de droit suisse. n.s. 98/1979, II, p. 109 ss.; Ph. Pidoux, «Droit foncier rural», loc. cit., p. 381 ss., ainsi que NZZ, 221, 24.9.79.
[15] FF, 1979, III, p. 735 ss.; BaZ, 252, 27.10.79; JdG, 251. 27.10.79; NZZ, 250. 27.10.79. Cf. aussi APS, 1978. p. 109.
[16] Motions Muheim (ps, LU) et Schalcher (pep, ZH); BO CN, 1979, p. 361 ; BO CE, 1979, p. 347; presse des 22.3.79 et 21.9.79.
[17] Presse du 9.1.79; VO, 5. 10.1.79; cf. aussi APS, 1978, p. 110.
[18] 24 Heures, 16, 20.1.79; 50. 1.3.79 ; NZZ, 17, 22.1.79; 19, 24.1.79 ; 19, 24.1.79; 43, 21.2.79; 51, 2.3.79; 58, 10.3.79 ; 67, 21.3.79 ; 68, 22.3.79 ; 69, 23.3.79 ; 76, 31.3.79 ; 79,4.4.79 ; 85, 11.4.79 ; 134, 13.6.79; TA, 27, 20.2.79; 37, 14.2.79; LNN, 44, 22.2.79 ; 65. 19.3.79; Bund, 46, 24.2.79 ; 68, 22.3.79; 70, 24.3.79 ; 92, 21.4.79 ; 100, 1.5.79 ; JdG, 76, 31.3.79.
[19] RO, 1979, p. 806 ss. Presse du 19.6.79; TW, 180. 4.8.79; cf. aussi APS, 1978. p. 110.
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