Année politique Suisse 1979 : Politique sociale / Population et travail
Marché du travail
Durant l'exercice 1979, les conditions sur le marché du travail, après une période transitoire incertaine, se sont quelque peu améliorées par rapport à l'année précédente. Le nombre des chômeurs complets qui avait atteint un maximum saisonnier de 17 153 en janvier a constamment diminué jusqu'en septembre pour tomber à 7704. Il est remonté par la suite et s'est inscrit à 8903 en décembre. La répartition par branches économiques montre que le groupe professionnel «administration, commerce, bureau» (25%) a été le plus touché. Comparés à la population active, les taux de chômage les plus élevés ont été enregistrés au Tessin (1,1%), suivi immédiatement par les cantons de Genève (1%), du Jura (0,9%), du Valais (0,7%) et de Bâle-Ville (0,7%). La moyenne annuelle nationale s'est située à 0,3 % (1978: 0,4%)
[4]. Le regroupement des chômeurs par sexe révèle que la tendance à l'augmentation de la proportion des femmes dans le chômage total — observée depuis 1976 — s'est poursuivie en 1979. La moyenne des chômeurs partiels pour sa part a été de 11 395 (1978: 9195) et l'ensemble des heures chômées s'est chiffré à 431 035 (1978 : 329 786), soit une augmentation d'environ 30%
[5].
Si de manière générale l'économie suisse a enregistré une croissance modérée en 1979, en revanche le marché de l'emploi est demeuré encore nettement instable. Certes, le chômage a perdu un peu de son acuité sur le plan quantitatif et le nombre de places vacantes a continué de s'accroître en regard de 1978 (moyenne 1979: 8900, 1978: 8300), mais cette situation ne reflète que partiellement une réalité caractérisée à la fois par la persistance d'un chômage structurel important et une pénurie de main-d'oeuvre (principalement des ouvriers qualifiés). De surcroît, on a noté des disparités flagrantes dans l'offre d'emplois selon les branches ou les régions et les qualifications professionnelles des personnes à la recherche d'un travail n'ont souvent pas satisfait aux exigences requises pour les places vacantes, ce qui à terme soulève des problèmes tant au niveau de la mobilité de la main-d'oeuvre qu'aux possibilités des entreprises d'adapter leurs conditions de travail et d'investir dans la formation
[6]. Toutes ces questions et d'autres encore ont été largement évoquées dans la rubrique chômage et plein emploi. Pour les uns, la solution résiderait dans la réduction de la durée du travail et dans l'amélioration des instruments de la politique de l'emploi (réforme de la formation professionnelle, renforcement du caractère préventif de l'assurance-chômage, nouvelle affectation des réserves destinées à créer des occasions de travail et promotion d'une politique régionale plus efficace). Pour d'autres, c'est dans la faculté d'adaptation, dans le haut niveau de qualification et dans la mobilité plus grande des travailleurs et des entreprises que réside le succès du renouvellement constant des emplois
[7].
Sur le plan politique, ces préoccupations se sont traduites par plusieurs interventions. C'est ainsi qu'une
initiative populaire intitulée «Un emploi pour tous» a été lancée conjointement par le Parti suisse du travail (PST), les Organisations progressistes (POCH) et le Parti socialiste autonome (PSA). A la faveur d'un nouvel article constitutionnel, la Confédération est invitée à prendre des mesures pour assurer le plein emploi et lutter contre le chômage. Il conviendrait d'assurer en premier lieu un nombre suffisant de places de travail et d'offrir à toute personne licenciée un nouvel emploi à des conditions équivalentes. Deuxièmement, le travailleur devrait pouvoir bénéficier d'une protection efficace contre les licenciements. Troisièmement, le texte exige que la suppression des places de travail consécutive au transfert à l'étranger des unités de production soit interdite. Cette initiative constitue la première démarche concrète commune aux trois formations suisses qui se situent à gauche du PS
[8]. L'USS a vivement critiqué les modalités de l'initiative en estimant qu'elle n'apportait en soi rien de neuf
[9]. De son côté, la Fédération suisse des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH) a déposé en février à la Chancellerie fédérale une pétition demandant que des mesures coordonnées soient prises pour sauvegarder d'une part les emplois des travailleurs, menacés qu'ils sont par la transplantation des centres de production à l'étranger, et d'autre part pour lutter contre la surévaluation du franc qui entrave l'exportation de nos produits
[10]. Enfin, lors de son dernier congrès, la Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux (FCOM) a mandaté ses organes pour préparer le texte d'une initiative populaire destinée à protéger légalement les travailleurs contre les licenciements collectifs abusifs
[11].
Les Chambres fédérales ont ratifié en automne la proposition gouvernementale de proroger de quatre années la validité de l'arrêté fédéral de 1976 qui modifie la loi sur le service de l'emploi. Cette prorogation a été liée à l'octroi d'un crédit de 3 millions de francs. D permettra à la Confédération de continuer à verser des subventions en faveur des mesures visant à procurer du travail et à financer des cours de reclassement ou de perfectionnement professionnels
[12], Les milieux syndicaux se sont à nouveau penchés sur le problème des répercussions prévisibles des nouvelles technologies sur l'emploi. Ils craignent en effet que, d'ici 1983, l'introduction des microprocesseurs dans certaines branches de l'industrie et dans le secteur des services supprime plus d'emplois qu'elle n'en créera. La réponse syndicale à ce défi pourrait s'orienter dans quatre directions au moins: une politique de l'emploi plus active, une réduction de 10% du temps de travail, la mise en place d'un système complet de sécurité sociale et une meilleure humanisation du travail
[13].
La question du
chômage des jeunes, et plus particulièrement la difficulté de trouver un emploi approprié au terme des années de formation, a été abondamment évoquée par divers groupes politiques
[14]. Parallèlement, dans le cadre des travaux actuellement en cours sur la révision de la loi fédérale réglementant la protection du travailleur à domicile, travaux qui devraient se terminer en 1980/81, l'OFIAMT a publié une enquête statistique sur le travail à domicile des entreprises industrielles. D'après les résultats de cette étude, 21,9% des exploitations suisses avaient remis du travail à 21 303 travailleurs à domicile (1441 hommes et 19 861 femmes) en septembre 1978. Parmi ces derniers, le 26,4% était occupé dans l'horlogerie, le 16,5% dans l'industrie des machines, le 15,4% dans celle du vêtement et le 11,2% dans celle du textile
[15].
[4] Cantons dépassant en outre la moyenne nationale: NE (0.6%). BL (0.5%) et FR (0,4%).
[5] Contrairement à 1978, le chômage partiel qui était trés élevé en janvier 1979 (19 158 contre 6623 en 1978) a fortement diminué en fin d'année (4407 contre 16 810 en 1978). Il en va de méme pour les heures chômées: 814 000 en janvier 1979 (1978: 260 591) contre 155 671 en décembre 1979 (1978: 670 000). Cf. La Vie économique, 53/1980, p. 101 ss.
[6] Cf. Bulletin de la Commission de recherches économiques, no 262 (supplément de La Vie économique, 53/1980, fasc. 2). p. 8 s. Cf. également supra. part. I, 4a (Konjunkturlage).
[7] Propositions de la FSE (JdG, ats, 18. 23.1.79). celles du PL (JdG, 65, 19.3.79; Opinion libérale, no 210, mars 1979) et l'avis des syndicats (CSS, 35, 10.10.79). Voir également Domaine public, 448, 15.2.79 ; 490, 1.3.79 ; RFS, 26, 26.6.79; SAZ, 42, 18.10.79 (M. Kamber) et C.R. Kohli, «Niveau de l'emploi et exportation du chômage». in Wirtschaft und Recht, 31/1979, p. 315 ss.
[8] FF, 1979, I, p. 206 ss. ; presse du 10.2.79 ; VO, 28. 12.2.79. Cf. infra. part. Illa (Äusserste Linke).
[9] CSS, 6. 14.2.79 ; JdG, 39. 16.2.79 ; TW, 41.17.2.79 : SP VPOD, 8.22.2.79. Pour sa part. la CSC a réservé à l'initiative un accueil plutôt favorable (Lib., ats. 121. 24.2.79).
[10] Presse du 14.2.79; SMUV-Zeitung, 7. 14.2.79; 8. 21.2.79; VO, 32. 22.2.79; 42. 2.3.79.
[11] JdG (ats), 252. 29.10.79; VO, 222. 19.11.79.
[12] FF, 1979, I, p. 397 ss. ; BO CN, 1979, p. 781. 1211 ss. et 1351 ; BO CE, 1979, p. 423 s. et 496; FF, 1979, II, p. 1010; CSS, 9. 7.3.79; 16, 2.5.79. Cf. APS, 1976, p. 121.
[13] Vr, 122, 26.5.79 (B. Kappeler); CSS, 22, 20.6.79; 43.21.11.79; SP VPOD. 48.21.11.79 (B. Hardmeier); Revue syndicale. 71/1979, p. 291 ss. Voir également BaZ. 120. 25.5.79; Brückenbauer. 31. 3.8.79; NZZ, 255. 2.11.79; APS, 1978. p. 119.
[14] PDC, Les jeunes et le monde du travail, élaboré par le groupe d'étude «jeunesse et économie », 1979 ; l'avis du PST (VO. 144. 31.7.79) et du PRD (NZZ, 229. 3.10.79).
[15] La Vie économique, 52/1979. p. 381 ss. ; JdG (ats), 152. 3.7.79: NZZ (sda), 153. 5.7.79; 24 Heures. 206, 3.9.79: SAZ, 29. 19.7.79.
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