Année politique Suisse 1980 : Politique sociale / Assurances sociales
Prévoyance professionnelle
Les travaux parlementaires consacrés au projet de
loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP) ont fait un progrès de plus lors des délibérations du
Conseil des Etats en juin. Ce dernier a en effet accepté, avec quelques amendements, les propositions de sa commission, lesquelles diffèrent sensiblement de la conception arrêtée pat le Conseil fédéral en décembre 1975 et approuvée dans son ensemble par le Conseil national en automne 1977. Le projet gouvernemental, et à sa suite du National, se fondait sur le principe de la primauté des prestations — fixation au préalable de leur niveau, puis évaluation de leur coût — ainsi que sur une large solidarité (pool) en faveur de la génération d'entrée, de la compensation de renchérissement et des institutions de prévoyance insolvables
[15]. Les sénateurs ont estimé, en revanche, que la primauté devait revenir aux cotisations et en lieu et place d'un fonds national de péréquation des charges, jugé trop onéreux, ils lui ont préféré l'institution d'une «réserve spéciale interne». 3% du salaire coordonné
[16], sur un total de 15%, y seraient affectés: 1,7% destiné à couvrir les risques en cas de décès et d'invalidité, 1% à améliorer la situation de la génération d'entrée
[17], 0,1 % à compenser le renchérissement pour les rentes survivants et invalidité
[18] et 0,2% seraient versés à un fonds national de garantie. Ce dernier offre en réalité l'unique prestation de solidarité qui ne soit pas limitée à l'entreprise ou à l'institution de prévoyance. Il interviendrait lorsque une caisse doit, pour garantir ses prestations, prélever des cotisations supérieures à 15% du salaire assuré
[19]. Enfin, l'objectif défini par la Constitution doit être atteint par étapes. Une révision serait d'ores et déjà prévue d'ici dix ans. Pour le reste, le second pilier, quelle que soit la version retenue, sera obligatoire pour tous les travailleurs de 25 à 65 ans et facultatif pour les indépendants. Avec l'AVS, la pension devrait correspondre à environ 60% du salaire pour les célibataires, à 80% pour les couples
[20].
La solution adoptée par les Etats n'enfreint certes pas les dispositions de l'article 34quater de la Constitution, mais contrevient toutefois à l'esprit des promesses faites à l'époque de la votation populaire de décembre 1972. Les changements intervenus dans la conjoncture n'expliquent pas à eux seuls ce revirement. Les critiques des caisses de pension et les craintes exprimées par les représentants du patronat devant les nouvelles charges imposées par le texte du Conseil national ont été tout aussi importantes. On aurait pu s'attendre alors à des réactions beaucoup plus vives de la part des socialistes et des syndicalistes, car en 1972, PS et Union syndicale suisse (USS) avaient soutenu le principe des trois piliers de la prévoyance sociale défendue par le gouvernement. Avec lui, ils avaient combattu l'initiative du PdT en faveur de «véritables retraites populaires», en espérant que le parlement tiendrait ses engagements
[21]. Or il n'en a rien été. Le PS s'est opposé bien timidement à la version du Conseil des Etats, comptant peut-être sur les députés de l'autre chambre pour redonner un peu de substance à la LPP
[22] et les syndicats, conscients d'avoir été trompés, se sont contentés de dénoncer les insuffisances et les faiblesses de celle-ci
[23]. Quant aux partis bourgeois, ils ont été visiblement satisfaits de cette nouvelle construction jugée réaliste, équilibrée et tenant compte de ce qui existe déjà. Parlement et gouvernement se trouvent malgré tout en présence de deux projets de conceptions fort différentes et il n'est pas certain qu'une entente sur un texte commun voie rapidement le jour. Le Conseil fédéral a cependant recommandé que la solution des Etats serve de base à la procédure d'élimination des divergences et la commission du Conseil national, présidée par A. Muheim (ps. LU), a déjà fait un pas important dans cette voie. Elle s'est en effet ralliée au principe de fixer le niveau des prestations en fonction du montant des cotisations
[24].
[15] Cf. APS, 1975, p. 134 s.; 1976, p. 132 s.; 1977, p. 133.
[16] Salaire assuré servant de base au calcul des prestations et des cotisations. Cf. APS, 1977, p. 134.
[17] Pour cette catégorie de personnes, le CE a prévu un système de bonification plus progressif: 6% du salaire assuré entre 25 et 34 ans et 22% entre 60 et 64 ans, avec cinq étages intermédiaires.
[18] Le renchérissement devrait être obligatoirement compensé pour les rentes versées aux veuves, invalides où orphelins. Pour le reste, les caisses procéderont aux adaptations selon leurs possibilités (du moins durant les dix premières années).
[19] II s'agit principalement des caisses dont les assurés présentent une structure d'àge particulièrement défavorable.
[20] BO CE, 1980, p. 241 ss. ; 288 ss. ; 307 ss.; presse des 10, 11, 12, 13 et 17.6.80. Voir également RCC. 1980, p. 339 ss. ; BaZ, 126.2.6.80 ; NZZ, 125, 2.6.80; 129, 6.6.80 ; 247, 23.10.80; 260, 7.11.80 ; JdG, 230, 2.10.80; 242, 16.10.80; 254, 30.10.80; 266, 13.11.80; 278, 27.11.80; 290, 11.12.80 (dossier).
[21] Cf. APS, 1972, p. 122 s.
[22] Le texte arété par la commission du CE en avril, avait trouvé l'appui de tous les membres, y compris les socialistes. Ce n'est que lors des délibérations au sénat que l'un d'entre eux a rappelé le soutien socialiste à la version du CN: presse du 19.4.80; Vr, 82, 28.4.80; VO, 19, 16.5.80.
[23] USS, 21, 18.6.80 (F. Leuthy); 22, 2.7.80 (communiqué); 28, 10.9.80 (F. Troxler). Voir également Suisse, 161, 9.6.80 ; Lib., 208, 11.6.80.
[24] Presse du 19.11.80. Voir également presse du 16.9.80 (séance d'information) et presse du 15.10.80 (réunion consacrée à la confrontation de principe).
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