Année politique Suisse 1981 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Principes de la politique étrangère
Ces événements ont évidemment eu des répercussions sur le plan intérieur. C'est ainsi qu'à gauche comme à droite, chez les militaires comme chez les antimilitaristes, on s'est interrogé sur les vertus de la neutralité qui, avec le respect du droit dans les relations internationales, forment les deux grands piliers des principes de la politique étrangère helvétique. Lors de la présentation d'une esquisse de leurs programmes politiques, radicaux et socialistes ont remis en question, chacun à leur façon, la politique officielle en matière de neutralité. Pour le PRD, renoncer en partie à cette dernière est un problème qui mérite aujourd'hui d'être discuté. Les théoriciens du parti ont élaboré une série de thèses, dites «thèses du Rigi», et qui n'excluent pas l'adhésion de la Suisse à la Communauté économique européenne (CEE) [2]. De son côté, le PSS a souligné l'importance d'une redéfinition de notre politique de neutralité. Elle devrait se démarquer d'une manière égale de l'Est comme de l'Ouest [3]. Les milieux proches des pacifistes et de certaines formations de gauche se sont élevés contre un ajustement par trop unilatéral de la diplomatie helvétique sur les positions arrêtées par le bloc occidental. Les manifestants réunis devant le Palais fédéral ont dénoncé dans une résolution l'intégration progressive de la Suisse à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Ils ont exigé du Conseil fédéral une politique étrangère plus «solidaire» et plus «indépendante des deux blocs» [4]. Ces diverses réactions vont peut-être inciter nos autorités à ouvrir un débat de fond sur ce thème. Celui-ci pourrait s'engager plus tôt que prévu puisque en 1982, le projet d'adhésion à l'Organisation des Nations Unies (ONU) va entrer dans sa phase parlementaire. D'ores et déjà des spécialistes estiment que la devise traditionnelle «neutralité et solidarité» et dépassée, tout comme les attributs de neutralité «dynamique» ou solidarité «active», auxquels semble adhérer sans réserve notre ministre du DFAE. On peut se demander en effet si à l'avenir la Suisse aura encore les moyens d'assurer totalement son indépendance, compte tenu du fait qu'une défense nationale à la mesure de nos ambitions pourrait dépasser nos possibilités financières. Certains stratèges ne seraient pas défavorables à l'idée d'un rapprochement avec l'OTAN. D'autre part, la controverse qui s'est ouverte à propos de notre aide publique au développement montre à l'évidence qu'il est politiquement difficile de concilier intérêts économiques et aide aux pays les plus démunis [5].
 
[2] Notre pays est lié depuis 1972 à cette organisation par un traité de libre-échange. Cf. APS, 1972, p. 36 ss.
[3] PRD: Revue politique, 60/1981, p. 115 ss. PSS: SP-Information, 105, 22.10.81; Rote Revue, 60/1981, no 10, p. 12 ss.
[4] Presse du 7.12.81 ainsi que interpellation au CN du groupe PdT/PSA/POCH en faveur du désarmement et de la paix (BOCN, 1981, p. 1338; VO, 35, 3.9.81).
[5] Cf. la série de conférences données à l'Université de Bâle sur le thème de la «politique extérieure de la Suisse dans les années 1980»: BaZ, 8, 10.1.81 ; 14, 17.1.81; 20, 24.1.81; 32, 7.2.81; 38, 14.2.81; 43, 20.2.81. Voir également Documenta, 1981, no 1, p. 5 ss. (P. Aubert) et 31 ss. (R. Probst); H. Schäppi, «Neutralität und Landesverteidigung », in Rote Revue, 60/1981, no 2, p. 14 ss.; L'Hebdo, 1, 8.1.82 («Neutralité: le mythe ébranlé»); H. Vogel, Der Kleinstaat in der Weltpolitik, Zürich 1981 ; R. Probst, «Welt im Konflikt — Die Rolle der Schweiz », in D. Frei, Konflikte unserer Zeit — Konflikte der Zukunft, Zürich 1981; E. Bonjour, «Gibt es noch einen Sonderfall Schweiz?», in Schweizer Monatshefte, 61/1981, p. 679 ss.; M. Petitpierre, Seize ans de neutralité active. Aspects de la politique étrangère de la Suisse (1945-1961), Neuchâtel 1980.