Année politique Suisse 1981 : Chronique générale / Finances publiques
 
Dépenses
Dans le domaine des réductions de dépenses, le Conseil fédéral a accordé la priorité à l'établissement de principes généraux concernant l'allocation des subventions. C'est à maintes reprises que les deux Chambres avaient réclamé de telles dispositions-cadres que prévoyaient aussi les Grandes lignes de la politique gouvernementale [35]. En février, le DFF donna connaissance des traits généraux de l'avant-projet de loi sur les subventions: il s'agit, d'une part, de s'assurer d'un usage efficient et rationnel des ressources de la Confédération et, d'autre part, d'uniformiser les pratiques des divers départements en matière de subventions. Le Conseil fédéral serait chargé de réexaminer tous les quatre ans les décisions d'allocation de subventions en vigueur et de proposer au parlement la modification de dispositions qui ne correspondent pas à la loi-cadre. Ainsi que le chef du DFF le précisa, on veut surtout éliminer les «subventions-bagatelles» et mettre l'accent sur l'allocation de subventions conçues comme une aide initiale limitée dans le temps [36]. Après de longues controverses au sein de l'administration, la mise en consultation du projet a été décidée en décembre [37].
Quant à l'ampleur des économies que la Confédération réaliserait par le biais de la future loi sur les subventions, il est impossible de l'estimer en raison de son caractère purement régulatif. Ce qui sera déterminant, c'est l'application des principes qu'elle imposera. C'est pourquoi les milieux bourgeois ont insisté pour que les allégements en faveur de la caisse fédérale déjà décidés ne soient pas à nouveau diminués. Pourtant, la majeure partie des mesures d'économie prises en 1980 sont limitées à une durée de trois à cinq ans. Comme on l'a déjà souligné, les deux Chambres ont réclamé, lors des délibérations sur le régime financier, l'établissement d'un programme d'appui qui devrait remplacer cet état provisoire par des mesures définitives. Le conseiller fédéral Ritschard a annoncé en juin l'établissement d'un nouveau programme concret d'économies, destiné à remplacer par des réductions différenciées la réduction linéaire des subventions de 360 millions qui arrivera à échéance à la fin de 1983 [38]. On songe, par contre, à perpétuer la suppression de la part des cantons au produit des droits de timbre ainsi que l'abaissement des parts cantonales au bénéfice de la Régie fédérale des alcools; mesures qui ne sont valables que jusqu'à la date-limite de 1985. Toutefois, dans la version revue et corrigée des «perspectives financières » qu'il a publiée en octobre, le Conseil fédéral a dû admettre qu'il ne pourrait pas rétablir l'équilibre budgétaire avec les mesures prévues jusqu'à présent (propositions de nouveaux impôts, de diminutions des subventions et de transferts de tâches); pour 1985, on s'attend encore à un déficit de 760 millions. Le Conseil fédéral concluait que l'on doit intervenir plus efficacement dans la structure des tâches de la Confédération et mieux maîtriser les mécanismes des dépenses, tout en créant aussi des recettes supplémentaires [39].
Les commissions des finances des deux Chambres se sont référées à ces remarques, en ce qui concerne les dépenses tout au moins, lorsqu'elles ont instamment suggéré au Conseil fédéral de rétablir l'équilibre budgétaire d'ici 1987 et de soumettre, à cette fin, des propositions au parlement dans un délai d'une année [40]. Du côté radical notamment, on a mis l'accent, dans ce contexte, sur le renchérissement et la législation qui entraînent certains automatismes dans la croissance des dépenses [41]. Comme nous l'avons relevé ailleurs, certains groupes parlementaires du Conseil national ont tenté d'imposer à l'exécutif des directives plus concrètes lors de la discussion du rapport intermédiaire sur la mise en oeuvre des Grandes lignes de la politique gouvernementale. Du côté de l'Alliance des indépendants, on a même cru pouvoir chiffrer à 1 milliard la valeur des économies proposées. Ces interventions se sont surtout heurtées à des objections d'ordre formel. Toutefois, la division et la perplexité du parlement sont apparues lorsqu'on a laissé à l'exécutif le soin de transcrire dans les faits l'impératif d'économie [42]. Le conseiller fédéral Ritschard a agréé les propositions des commissions des finances, approuvées par les deux Chambres malgré l'opposition de la gauche, et a envisagé pour 1983 un assainissement supplémentaire, tout en se réservant, cependant, d'y intégrer aussi des nouvelles recettes [43]. Du côté socialiste, on n'a d'ailleurs pas repoussé systématiquement toute politique d'économie. Se référant à l'idée d'autogestion et remettant en cause l'«équivalence mythique» entre le progrès social et l'intervention de l'Etat, une voix romande a mis en garde contre le risque de laisser la droite s'occuper seule du problème des économies et de vouloir oublier que les deniers publics finissent souvent dans la poche des privilégiés [44].
 
[35] Cf. APS, 1977, p. 84, note 43 (motion Muheim, pdc, UR : BO CE, 1977, p. 321 ss. ; BO CN, 1977, p. 1219) et APS, 1979, p. 86 (motion du groupe UDC: BO CN, 1979, p. 1196; BO CE, 1980, p. 138) ainsi que FF, 1980, I, p. 668 (Grandes lignes).
[36] Presse du 6.2.81; cf. Ww, 28, 8.7.81 (interview avec le CF Ritschard); NZZ, 177, 4.8.81; BaZ, 196, 24.8.81.
[37] NZZ, 285, 8.12.81. Cf. Ww, 28, 8.7.81.
[38] Mesures d'économie de 1980: cf. APS, 1980, p. 75 ss. Programme d'appui: BO CN, 1981, p. 256 ss.; cf. supra, Régime financier. Préavis du CF Ritschard: BO CN, 1981, p. 795 s.
[39] Message budget 1982, p. 63* ss. Cf. FF, 1981, III, p. 808 ss.
[40] BO CE, 1981, p. 460 s.; BO CN, 1981, p. 1584. La commission du CN, demandant une revision du plan financier, s'est exprimée d'une manière plus impérative que celle du CE.
[41] Cf. la motion du CE Letsch (prd, AG) (BO CE, 1981, p. 444, 447 s.) et l'intervention du CN Rüegg (prd, ZH) (BO CN, 1981, p. 1544). Cf. également le postulat Letsch concernant plus généralement les rapports entre l'indexation des dépenses et l'inflation (supra, part. I, 4a, Konjunkturpolitik et infra, part. I, 7a, Salaires).
[42] Rapport intermédiaire: BO CN, 1981, p. 1468 ss., notamment p. 1504 ss.;cf. supra, part. I, 1c (Regierung). Sur la question de savoir qui devrait faire des propositions concrètes en matière d'économies, cf. BO CE, 1981, p. 463 s. (Ritschard); BO CN, 1981, p. 1542 (Weber, pdc, AG) et 1544 (Rüegg).
[43] BO CE, 1981, p.460 ss. ; BO CN, 1981, p.1584 ss. Les Chambres ont également approuvé une motion Letsch concernant le programme d'appui, et qui est identique à celle du PRD mentionnée plus haut (BO CE, 1981, p. 125 s.; BO CN, 1981, p. 1598 ss.; cf. supra, Régime financier).
[44] Domaine public, 584, 19.3.81.