Année politique Suisse 1981 : Infrastructure, aménagement, environnement / Sol et logement
Aménagement du territoire
Il y a quelques années, l'organisation du territoire était considérée comme une tâche publique centrale au même titre que les autres. De nos jours, elle se trouve dans une phase critique, où se mêlent désillusions et regrets. L'aménagement du territoire n'assume plus en effet totalement les fonctions directrices qui étaient les siennes, dans la mesure où l'accent a été mis sur la planification sectorielle. De plus, la prise en charge de cette tâche par l'administration et sa délégation à diverses instances menacent directement la fonction intégratrice d'un aménagement bien compris. Le débat portant sur la stratégie à adopter se heurte à deux grands problèmes. Le premier concerne le processus de décision et le second a trait au découpage, territorial ou sectoriel
[1].
De par son caractère fédéraliste prononcé, la loi sur l'aménagement du territoire (LAT) laisse une grande latitude aux cantons pour l'élaboration de leurs plans directeurs. Toutefois, lors de la procédure de consultation sur l'ordonnance d'exécution, plusieurs cantons ont estimé qu'elle ne leur laissait pas assez de liberté de manoeuvre. Ils s'en sont pris en particulier à l'article 24 relatif aux plans d'affectation à qui ils reprochaient d'empiéter sur leurs attributions. Cette critique et d'autres ont été examinées et concrétisées dans le texte remanié qui est entré en vigueur en octobre
[2]. Par ailleurs, l'ouvrage de synthèse publié dans le courant de l'année par le DFJP sur les travaux préparatoires du projet de loi ainsi que sur les débats parlementaires qu'il a occasionné devrait faciliter l'interprétation des diverses dispositions quant aux tâches des cantons en matière de planification
[3].
Le
redimensionnement des zones à bâtir, tel qu'il est prévu par la LAT, a également été contesté. Des voix radicales ont souligné que celui-ci avait conduit à une hausse disproportionnée du prix du terrain
[4]. Saisi de 42 recours de droit public contre le plan d'ensemble du Conseil d'Etat zurichois, le Tribunal fédéral a rendu pour sa part deux jugements exemplaires. Le premier concernait des problèmes de délimitation de zones à bâtir dans le cadre du plan d'urbanisation et le second mettait en cause la délimitation des territoires d'exploitation et de dépôt de matériaux dans le plan des paysages. Dans les deux cas les recourants ont fait valoir que les indications du plan d'ensemble constituaient une atteinte à leur droit de propriété. Partant du principe que ce plan directeur lie les autorités et non les propriétaires fonciers, le Tribunal fédéral a jugé que dans les deux cas, le plan d'affectation ne portait pas atteinte au droit constitutionnel de la garantie de la propriété
[5].
Le problème de la participation de la population à l'établissement des plans, telle qu'elle figure à l'article 4, a aussi été évoqué. Le Conseil des Etats avait prévu en son temps de solliciter uniquement «l'avis» des citoyens et non de les faire «participer de manière adéquate». Or pour certains, l'aménagement du territoire aurait tout «à gagner de s'étayer d'une légitimation supplémentaire en introduisant une participation active de la population», et ce d'autant plus que des expériences concluantes ont été enregistrées dans ce sens
[6]. D'autres controverses ont éclaté au sujet de l'application de la LAT. Ainsi dans le canton de Zurich, le plan régional dans le Pfannenstiel a une nouvelle fois été repoussé et l'initiative des milieux bourgeois en faveur d'une atténuation de la loi de planification et de construction déposée
[7].
Cette volonté d'aménager sectoriellement notre espace ne va pas sans susciter des réactions. Auteur d'une motion, le conseiller national Ott (ps, BL) a exigé du gouvernement qu'il définisse «une politique du cadre de vie», destinée à faciliter l'élaboration de plans dans des domaines aussi variés que ceux du peuplement, des transports, de l'énergie et de la mise en valeur des ressources. Dans sa réponse écrite, le Conseil fédéral a indiqué que cette question serait abordée une fois les plans directeurs cantonaux totalement exécutés; le délai d'exécution étant fixé pour fin 1984
[8].
Ce souci de protéger notre cadre de vie a constitué l'un des thèmes majeurs de la
campagne nationale pour une renaissance de la cité. Lancée sous l'égide du Conseil de l'Europe, elle visait avant tout à éveiller l'intérêt du public à la vie urbaine et au rôle des villes dans la société présente et future. Or à ce sujet, le constat est accablant. Le bruit, la pollution, l'isolement ont conduit au dépeuplement de nos cités. En vingt ans, les cinq plus grandes villes suisses ont perdu plus de 11 % de leur population, alors que simultanément les zones sururbaines ont connu une croissance anarchique. Toutes les personnalités helvétiques qui ont patronné cette vaste action et les expositions qui ont été inaugurées
[9], se sont efforcées de placer l'homme au centre de leurs préoccupations, afin de redonner à la ville sa fonction originelle d'authentique carrefour des relations humaines. Cependant, face à l'ampleur du problème, il reste à savoir si les promoteurs de la campagne auront les moyens de leur politique. Le réaménagement récent de certaines cités et la spéculation foncière peuvent laisser songeurs
[10].
[1] M. Lendi, «Innere und äussere Gefahren für die Raumplanung», in Dokumente und Informationen zur Schweizerischen Orts-, Regional- und Landesplanung (cité par la suite DISP), 1981, no 62, p. 5 ss. ; « Beiträge zur Raumordnungspolitik der achtziger Jahre», in DISP, no 64, p. 21 ss.; Bund, 85, 11.4.81 et SGT, 90, 19.4.81 (M. Lendi).
[2] Pour l'état de la législation cantonale complémentaire au printemps 1981, cf. Aménagement du territoire, Bulletin d'Information (Office fédéral de l'aménagement du territoire), 1981, no 2, p.18 s. Procédure de consultation : Aménagement du territoire, Bulletin d'information, 1981, no 2, p. 13 ss. et APS, 1980, p. 109. Ordonnance: RO, 1981, p. 1410 ss.
[3] DFJP/Office fédéral de l'aménagement du territoire, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Berne 1981. Voir également BaZ, 165, 14.7.81; NZZ, 179, 6.8.81.
[4] Vat., 160, 14.7.81; NZZ, 162, 16.7.81.
[5] Arrêts du Tribunal fédéral concernant le plan d'ensemble du canton de Zurich: Aménagement du territoire, Bulletin d'Information, 1981, no 2, p. 20 s. ; NZZ, 47, 26.2.81.
[6] M. L. Veuve, Plan directeur cantonal et participation, Lausanne 1981; Blätter für ein neues Bodenrecht, 1981, cahier 7. Exemple Neukirch (SH): TA, 125, 2.6.81.
[7] Pfannenstiel : NZZ, 135, 15.6.81. Initiative: NZZ, 13, 17.1.81. Voir aussi infra, part. II, 4d ainsi que APS, 1980, p. 108.
[8] Délib. Ass. féd., 1981, I, p. 68; Vat., 129, 5.6.81; BaZ, 132, 10.6.81.
[9] Cf. en particulier l'inauguration simultanée des expositions «des villes pour vivre » à Yverdon (24 Heures, 104, 6.5.81) et Berne (Bund, 103 et 104, 5 et 6.5.81).
[10] Campagne pour la renaissance des villes: presse du 27.2.81; Aménagement du territoire, Bulletin d'Information, 1982, no 1, p. 19 ss. (allocution de K. Furgler à l'occasion de la Journée des villes suisses); Suisse, 253, 31.10.81 et NZZ, 304, 31.10.81 (bilan de la campagne). Cf. également TW, 185, 11.8.81; DISP, 1981, no 64 (F. Wegelin); J.-P. Wolff, Pouvoir et urbanisme, Lausanne 1981.
Copyright 2014 by Année politique suisse
Ce texte a été scanné à partir de la version papier et peut par conséquent contenir des erreurs.