Année politique Suisse 1981 : Politique sociale / Population et travail
 
Salaires
Selon les résultats de la statistique trimestrielle publiée par l'OFIAMT, les salaires mensuels ont progressé en moyenne de 4,2% entre le dernier trimestre 1980 et celui de 1981. Durant la même période, les salaires horaires ont connu une hausse de 5,9%. Toutefois, en termes réels, les gains ont été respectivement inférieurs de 2,6% et de 1,1 (moyenne: — 1,9%) à ceux enregistrés en 1980. Cette baisse en valeur réelle est imputable avant tout à la hausse des prix qui s'est manifestée avec vigueur durant la majeure partie de l'année [11]. La résurgence de l'inflation ranime régulièrement la polémique sur les risques liés à l'indexation automatique des traitements au coût de la vie. Face aux avertissements réitérés des milieux patronaux contre les conséquences économiques d'une indexation étendue se dressent les partisans d'une compensation intégrale. Les premiers considèrent que les syndicats sous-estiment le caractère inflationniste d'une telle mesure. En accélérant la hausse des coûts qui se répercute sur les prix et nécessite un nouveau relèvement des salaires (spirale inflationniste), la compensation automatique tend à nourrir en effet une inflation malsaine. Pour les organisations syndicales, au contraire, cette dernière ne fait qu'accentuer l'effet de retard constaté entre l'indice des prix et des salaires. Il faut par conséquent éviter que ne s'élargisse le fossé qui sépare ces deux termes [12]. Sur le plan parlementaire, c'est le radical argovien H. Letsch qui a amorcé le débat [13]. Auteur d'un postulat, il a demandé au Conseil fédéral de renoncer au système de l'adaptation automatique des salaires, mais aussi des rentes AVS et de chercher à éliminer de l'indice des prix à la consommation un certain nombre de taxes. Le but de l'opération consiste évidemment à obtenir une indexation aussi assouplie que possible pour lutter efficacement contre l'inflation. D'autre part, il a proposé à nos autorités d'intervenir auprès des partenaires sociaux pour que cette question soit négociée dans le secteur privé [14]. De son côté, le responsable de l'économie publique, F. Honegger, est également descendu dans l'arène. Il s'est efforcé de démontrer les limites de l'indexation intégrale et n'a pas exclu la possibilité de s'en écarter. Cette déclaration a été accueillie comme une provocation au sein de la gauche et dans les milieux syndicaux. Alors que l'Union syndicale suisse (USS) réaffirmait que le maintien du pouvoir d'achat demeurait une revendication minimale, socialistes et communistes ont interpellé le gouvernement au National pour savoir s'il cautionnait l'analyse présentée par son ministre. Enfin les indépendants ont tenté d'expliquer que l'adaptation des traitements, en raffermissant la paix sociale, contribuait à long terme à renforcer notre économie. Répondant d'une manière évasive à ces diverses interventions parlementaires, le Conseil fédéral a indiqué en substance qu'il partageait les inquiétudes formulées par le député argovien sur le problème de l'indexation et de ses répercussions. Il s'est même déclaré prêt à le suivre sur ce terrain-là. Par contre, il n'a pas jugé opportun d'intensifier ses contacts avec les partenaires sociaux, ni de modifier les bases de calcul de l'indice des prix à la consommation [15].
Les Chambres, pour leur part, ont approuvé le projet de modification de la loi sur le statut des fonctionnaires. L'objectif essentiel de cette, révision consistait à augmenter le salaire réel des agents de la fonction publique appartenant aux classes de traitement les plus basses. La dernière amélioration en valeur réelle remonte à 1973. Depuis lors, salaires et allocations avaient été uniquement adaptés au renchérissement [16]. Compte tenu de l'évolution de ceux-ci dans le secteur privé, les associations du personnel de la Confédération réclamèrent dès 1979 une hausse uniforme. Deux requêtes avaient même été transmises dans ce sens aux autorités fédérales. Mais les doléances syndicales avaient été jugées trop élevées par un gouvernement préoccupé par la précarité du ménage financier [17]. Face à l'intransigeance des pouvoirs publics, l'Union fédérative durcissait le ton. En novembre 1980, elle lançait un véritable ultimatum. Si d'ici février 1981 aucun compromis satisfaisant n'était trouvé, les fonctionnaires descendraient dans la rue. Une partie de ceux-ci perdit même patience et manifesta son mécontentement à Berne et à Genève [18]. Le Conseil fédéral mit à profit ce délai pour ficeler un certain nombre de propositions qui demeuraient, toutefois, bien en deçà des exigences des syndicats. Les points d'achoppement portaient notamment sur l'ampleur du coût ainsi que sur l'importance et l'échelonnement du montant. Les associations du personnel s'étaient efforcés de faire en sorte que le montant en faveur des classes de traitement inférieures soit élevé et la dégression prévue aussi modeste que possible; tandis que le gouvernement n'était favorable qu'à une augmentation pour les fonctionnaires les plus mal lotis [19]. C'est en définitive la variante des autorités qui a été examinée et ratifiée par le parlement. Celle-ci prévoit un relèvement des montants maximum de traitement de respectivement 1200 francs (classes 25 à 12), 900 francs (classes 11 à 9) et 600 francs (classes 8 à 4) ainsi qu'une hausse substantielle des diverses allocations (naissance, mariage, résidence). Lors de la discussion de détail, plusieurs amendements émanant de représentants syndicaux ont été débattus. Seuls les socialistes et les petits partis de gauche les ont appuyés. Le reste de l'Assemblée s'est prononcée en bloc pour le projet minimal du Conseil fédéral [20].
 
[11] La Vie économique, 55/1982, p. 126 ss.; USS, 8, 3.2.81.
[12] Milieux économiques: NZZ, 241, 17.10.81 et Sonntags-Blick, 13, 25.10.81 (H. Allenspach). Syndicats: USS, 28, 23.9.81; TW, 233, 6.10.81 et Journal des fonctionnaires fédéraux, 19, 22.10.81 (B. Kappeler). Cf. aussi 24 Heures, 208, 209, 8-9.9.81; TA, 237, 13.10. 81; LNN, 270, 20.1 1.81. En 1980, une convention collective sur trois ne prévoyait rien au chapitre de la compensation du renchérissement; deux tiers des textes abordaient donc le sujet (68,1%), mais l'indexation automatique était l'exception (14,3%) alors que prédominait la négociation si l'indice variait (53,7%). Voir Domaine public, 609, 15.10.81.
[13] En fait la question avait déjà été soulevée en 1980 lors du débat parlementaire sur le projet de prolongation des allocations de renchérissement accordées au personnel de la Confédération. Une minorité du CE voulait en effet que l'on prévoie la possibilité de ne pas accorder une pleine compensation en cas de circonstances particulières. Cf. APS, 1980, p. 121.
[14] Une interpellation du groupe démocrate-chrétien au CN a également été déposée dans ce sens. Cf. BO CN, 1981, p. 1261.
[15] Postulat Letsch: BO CE, 1981, p. 403 ss.; BaZ, 175, 30.7.81; RFS, 49, 8.12.81. Déclarations de Honegger: Blick, 218, 19.9.81; cf. également SHZ, 38, 17.9.81. Interpellations: BO CN, 1981, p. 261 ss. ; presse du 8.10.81. Voir également USS, 25, 2.9.81 (communiqué); L'Hebdo, 3, 25.9.81 («Salaires: l'épreuve des forces»).
[16] A partir de 1977, la compensation intégrale au renchérissement n'a plus été accordée aux fonctionnaires. Cf. APS, 1978, p. 124.
[17] La première, transmise en 1979, exigeait une augmentation uniforme de l'ordre de 5 à 7 % en termes réels (cf. APS, 1979, p. 137). La seconde fut adressée en juillet 1980. L'accent était cette fois mis sur un système dégressif dont le taux moyen de hausse n'excédait pas 5% (SP VPOD, 6, 5.2.81).
[18] Décembre 1980: manifestations du personnel du train à Berne et des postiers à Genève (SP VPOD, 1, 15.1.81; VO, 2, 15.1.81). Janvier 1981, c'est au tour de l'ensemble du personnel de la fonction publique de Genève de descendre dans la rue (presse du 19.1.81).
[19] Presse des 28 et 29.1.81; TLM, 31, 31.1.81; 36, 5.2.81; SP VPOD, 6, 7, 6-12.2.81; Vr, 28, 10.2.81.
[20] Message: FF, 1981, I, p. 869 ss.; cf. Journal des fonctionnaires fédéraux, 8, 24.4.81. Débats parlementaires: BO CE, 1981, p. 309 ss., 435 et 513 ; BO CN, 1981, p.1146 ss. et 1392 ; presse des 18.6. et 2.10.81. Texte de loi: RO, 1982, p. 31 ss. Voir également Journal des fonctionnaires fédéraux, 12, 25.6.81; 19, 22.10.81; SP VPOD, 41, 42, 8-15.10.81 (W. Renschler).