Année politique Suisse 1982 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Europe
La structure du DFAE a subi une retouche qui reflète la place croissante des affaires multilatérales dans la politique étrangère suisse; la Direction des organisations internationales a été reconstituée, avec à sa tête l'ambassadeur E. Brunner [18].
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Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe
La participation de la Suisse à la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) est à la fois un test pour notre diplomatie et un point d'appui pour la défense des droits de l'homme. Pour montrer l'importance que le Conseil fédéral attache au problème polonais, le chef du DFAE s'est rendu en personne à la reprise des travaux de la Conférence de Madrid, en février 1982. Les tensions avivées par le coup de force du régime de Varsovie n'avaient fait que s'aggraver depuis la suspension de la réunion en décembre 1981. D'entrée, les ministres des pays de l'OTAN se sont affrontés aux manoeuvres procédurières des diplomates du bloc de l'Est. Empêché comme bon nombre de ses collègues de s'exprimer le premier jour, le conseiller fédéral Aubert a saisi l'occasion d'une rencontre informelle pour proposer le renvoi de la suite des travaux à des temps meilleurs. Son intervention a obtenu un écho international [19]. En Suisse, les milieux bourgeois ont marqué leur approbation pour cette attitude, tandis que le PdT l'a condamnée. Dans son propre parti, notre ministre a rencontré une certaine réserve; les parlementaires socialistes auraient en effet souhaité que la Suisse n'agisse pas sans consulter les autres pays neutres. Le responsable des affaires étrangères autrichien, en particulier, s'était montré plus souple que son homologue helvétique [20].
L'ajournement des travaux, obtenu au bout de plusieurs semaines, a permis aux neutres et aux non-alignés (NN) de comparer une nouvelle fois leurs points de vue. Comme seuls les pays de l'Est continuaient à vouloir accepter tel quel le projet d'acte final présenté par les NN en 1981, ceux-ci se sont démarqués de leurs anciennes propositions. Jugeant que le résultat de ses efforts passés était devenu inacceptable, la délégation suisse aurait admis de compléter ce document au moyen des amendements — relatifs, entre autres, aux libertés syndicales — que voulaient y apporter les pays européens de l'OTAN. Elle se serait même satisfaite d'un texte limité à l'essentiel, c'est-à-dire le lieu et la date d'une nouvelle réunion et la constitution de groupes de travail appelés à préparer des progrès dans les domaines des droits de l'homme et du désarmement. Or, à la reprise de la conférence, en novembre, la confrontation n'avait pas cessé et les délégations n'ont pas tardé à se séparer à nouveau. La Suisse n'en est pas moins restée déterminée à maintenir sa participation active et à préserver l'existence du cadre de coopération paneuropéen, avec l'espoir qu'un éventuel radoucissement des relations entre les deux Grands fasse redescendre les discussions sur la sécurité de l'Europe à la portée des neutres [21].
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Divers conflits
En Suisse même, la situation de la Pologne a vivement touché les sentiments humanitaires et les sensibilités politiques. Au début de l'année, des actions de secours ont été montées en quelques semaines par les oeuvres d'entraide — en premier lieu l'organisation catholique Caritas — les collectivités publiques et certaines entreprises. Tout au long de 1982, les syndicats suisses ont témoigné leur soutien aux syndicalistes polonais internés ou emprisonnés; ils ont aidé de leurs deniers une délégation du syndicat «Solidarnosc» qui s'est trouvée bloquée en Suisse au moment de l'instauration de l'état de guerre [22]. L'état d'exception en Pologne a suscité un vif débat au Conseil national. A cette occasion, le gouvernement a renouvelé son appel en faveur d'un complet rétablissement des libertés fondamentales. Berne a maintenu son aide humanitaire indirecte, mais n'a pas voulu jouer dans la campagne d'assistance à la population polonaise le rôle que proposait le motionnaire A. Dürr (pdc, SG). Par contre, la Confédération a accueilli un contingent de plus de mille réfugiés sélectionnés parmi ceux que l'Autriche hébergeait dans ses camps de transit [23].
Eclipsée par d'autres crises, la Pologne suscitait un peu moins d'attention auprès du public lorsque, dans les premiers jours de septembre, son ambassade à Berne fut attaquée par un groupe d'exilés qui l'occupèrent pendant trois jours avant d'être délogés par la police bernoise. A l'Est, la réaction des media fut d'attribuer cet acte de terrorisme aux opposants polonais de l'intérieur, voire à la collaboration de ceux-ci avec les services secrets occidentaux. En Suisse, le doute n'a pas plané longtemps; les partis gouvernementaux ont condamné cette prise d'otages et nié tout rapport entre celle-ci et les aspirations justifiées du peuple polonais à la liberté. Les autorités polonaises ont remercié notre gouvernement pour le dénouement heureux de cet épisode [24]. Lorsque, quelques semaines plus tard, elles ont interdit tous les syndicats, le DFAE a convoqué le chargé d'affaires du régime de Varsovie pour protester contre cet acte au nom du Conseil fédéral [25].
Les violations des droits de l'homme en Turquie ont également préoccupé l'exécutif fédéral. Il a constaté que les pays européens avaient refroidi leur attitude à l'égard du régime turc et, comme il n'avait pas encore pris de décision au sujet de l'action de soutien économique de l'OCDE que divers gouvernements s'efforçaient de bloquer, il a choisi de se cantonner dans la réserve jusqu'à nouvel avis. Au Conseil de l'Europe, la délégation parlementaire suisse s'est opposée à l'exclusion des représentants du gouvernement d'A.nkara mais, à Berne, plusieurs députés socialistes ont estimé que les militaires turcs ne devaient plus être ménagés. L'opposition de la gauche et des syndicats aux contacts avec le régime turc a d'ailleurs entraîné l'annulation précipitée de la visite que devait lui rendre une délégation du Tribunal fédéral. Conséquence de la situation économique et politique en Asie Mineure de même que des mesures prises par les pays voisins du nôtre, l'afflux de ressortissants turcs sur notre territoire a contraint le Conseil fédéral à réintroduire le visa obligatoire pour ces voyageurs [26].
L'invasion du Sud-Liban par l'armée israélienne a été l'élément dominant du conflit israélo-palestinien en 1982. Les dimensions prises par l'opération de «pacification» et les massacres survenus en septembre dans les camps palestiniens de Beyrouth ont suscité dans notre pays un malaise d'autant plus sérieux qu'une partie de l'opinion continuait de croire possible la normalisation des relations entre les différents peuples du Proche-Orient. Le Conseil fédéral partageait cette conviction et il a exhorté les belligérants à cesser immédiatement les hostilités au Liban conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU. Après les tueries de septembre, le gouvernement a proclamé son horreur et son indignation, sans toutefois mentionner le nom d'Israël, vu l'incertitude qui régnait au sujet des circonstances exactes de ces événements [27]. La guerre du Liban a entraîné une série de protestations de la part des milieux socialistes, progressistes, communistes et tiers-mondistes; les critiques ont non seulement visé Israël, mais aussi les relations de la Suisse avec ce pays, dans le secteur militaire en particulier [28]. Comme d'autres pays, la Suisse a reçu un appel à l'aide urgent du président libanais, à la fin du mois de juin. Les bons offices helvétiques n'ont cependant pas été requis et l'assistance suisse a pris la forme d'une aide humanitaire [29]. Par ailleurs, le Conseil fédéral a été amené à se prononcer sur la violence en Amérique centrale; il a souhaité que les problèmes du Salvador soient résolus démocratiquement, sans recours à la force ni ingérence étrangère [30].
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Communauté européenne
1982 marquait le dixième anniversaire des traités de libre-échange entre les pays de l'AELE, dont la Suisse, et la Communauté européenne (CEE). Au-delà des points de discussion bilatéraux dont il est fait état à un autre chapitre, cette étape a été l'occasion de réfléchir à l'engagement futur de notre pays dans l'intégration européenne [31]. Pendant les dix premières années d'association, l'intensité des échanges avec la CEE a considérablement augmenté; par le biais d'accords dits «de seconde génération», la coopération s'est étendue aux transports et communications, à l'énergie, à la recherche scientifique et à la protection de l'environnement. En 1982, la liste des traités spéciaux entre Berne et Bruxelles s'est encore enrichie d'une convention inédite dans le domaine des assurances privées. Compte tenu des problèmes actuels — coopération monétaire, consolidation du libre-échange industriel face aux options hétérogènes des membres de la CEE élargie, revalorisation du rôle des Etats de l'AELE dans l'harmonisation du droit européen — le conseiller national Aider (adi, BL) a demandé au Conseil fédéral un rapport sur les perspectives du développement des relations avec la Communauté [32].
 
[18] Bund, 54, 6.3.82; Rapp. Gest., 1982, p. 13; cf. APS, 1977, p. 38. Cf. également Suisse, 52, 21.2.82 (nomination de Mme F. Pometta en remplacement de l'ambassadeur Marcuard au poste d'observateur auprès de l'ONU à New York); 163, 12.6.82 (l'ambassadeur Staehelin succède à M. Heimo à la tête de la Direction de l'aide humanitaire et de la coopération au développement); 24 Heures, 289, 11.12.82 (nominations au service d'information et de presse du DFAE).
[19] Presse du 11.2.82 ; Bund, 35, 12.2.82 ; NZZ, 36,13.2.82 ; voir aussi NZZ, 21, 27.1.82 (réunion de préparation des NN à Vienne); 30, 6.2.82; Ww, 5, 12.82 (interview de l'ambassadeur E. Brunner); 8, 24.2.82 (interview du CF Aubert); 30, 6.2.82 et APS, 1981, p. 38. Cf. encore le «Rapport...» cité ci-dessus (note 8).
[20] BO CN, 1982, p. 264 ss. (soutien des CN Friedrich, prd, ZH, et Alder, adi, BL, ainsi que des groupes prd et pl); p. 259 (intervention Morel, ps, FR, président du groupe socialiste). Voir aussi ibid., p. 249 (question Humbel, pdc, AG). PdT: VO, 8, 25.2.82 (J. Vincent).
[21] Bund, 61, 15.3.82 (ajournement); NZZ, 199, 28.8.82; 201, 31.8.82 (réunion des NN à Stockholm, avec la participation du CF Aubert) ; 258, 5.11.82; 263, 11.11.82 ; 295, 18.12.82 et BO CE, 1982, p. 582 s. (interpellation Guntem, pdc, VS).
[22] Secours: SGT, 9, 13.1.82; NZZ, 9, 13.1.82; 20, 26.1.82. Plus de 7 millions de francs ont été récoltés en 6 semaines (24 Heures, 38, 16.2.82). La délégation polonaise a pris le nom de «Groupe de coordination syndicale Solidarnosc», tandis que des «Comités de solidarité avec Solidarnosc» s'étaient constitués à l'occasion des journées d'action nationale (presse des 28, 29, 30.1. et 1.2.82); voir encore NZZ, 59, 12.3.82; 134, 14.6.82, 203, 2.9.82, 252, 29.10.82 et presse du 14.12.82 (manifestation de soutien à Berne), ainsi que USS, 2, 21.1.82; 9.12.82; TW, 201, 30.8.82. Cf. APS, 1981, p. 38.
[23] BO CN, 1982, p. 270 ss. (interpellations des groupes prd et pdc, ainsi que motion Dürr, transmise comme postulat). Débat: voir aussi VO, 3, 21.1.82 (CN Magnin, pdt, GE); 10, 11.3.82; TW, 28, 4.2.82; Vat., 30, 6.2.82; Bund, 36, 13.2.82 (A. Blum). Réfugiés : TA, 16, 21.1.82 ; 46, 25.2.82 ; 24 Heures, 69, 24.3.82. Voir encore infra (Relations économiques bilatérales).
[24] Presse des 7, 8, 9 et 10.9.82; voir supra, part. I, 1b (öffentliche Ordnung). Indépendamment de cet événement, des représentations zairoise (TLM, 69, 10.3.82) et iranienne (Suisse, 105, 15.4.82) ont été occupées à Genève.
[25] Presse du 13.10.82. Voir aussi les diverses réactions aux affrontements du mois d'août en Pologne (Susse, 204, 2.9.82; VO, 36, 8.9.82).
[26] Soutien économique: BO CN, 1982, p. 1026 (question Dafflon, pdt, GE); BaZ, 139, 18.6.82; voir aussi BO CN, 1982, p. 559 (interpellation Herzog, poch, ZH) et p. 951 s. (interpellation du groupe socialiste) ; cf. APS, 1981, p. 44. Conseil de l'Europe: BO CN, 1982, p. 678 ss. (discussion du rapport de la délégation parlementaire helvétique; voir interventions Müller, ps, BE et Renschler, ps, ZH). Tribunal fédéral: TA, 92, 93, 22-23.4.82; Lib. 170, 24.4.82. Visa: presse du 1.7.82; NZZ, 150, 2.7.82; cf. infra, part. I, 7d (Politique à l'égard des étrangers).
[27] BO CN, 1982, p. 712 (questions Baechtold, ps, VD et Magnin, pdt, GE); p. 1134 s. (questions Butty, pdc, FR, Meier, pdc, LU et Magnin); p. 1487 (questions Mascarin, poch, BS et Ziegler, ps, GE); NZZ, 155, 8.7.82; 185, 12.8.82; presse du 21.9.82. Voir aussi BO CN, 1982, p. 270 (interpellation Herczog, poch, ZH, à propos de l'annexion du Golan). Cf. encore APS, 1980, p. 41, 1981, p. 39.
[28] BO CN, 1982, p. 1470 (interpellation Herczog, poch, ZH); Délib. Ass. Féd., 1982, III, p. 76 (motion Ziegler, ps, GE); VO, 24, 17.6.82; TA, 152, 5.7.82; TW, 164, 17.7.82; NZZ, 252, 29.10.82; cf infra, part. I, 3 (Landesverteidigung).
[29] Appel : TA, 148, 30.6.82 et presse du 1.7.82. Le 21 juin, le CF a décidé de libérer un crédit supplémentaire de 5 millions de francs au titre de l'aide humanitaire pour le Liban; au 31 juillet 4,3 millions avaient été utilisés (BO CN, 1982, p. 1487).
[30] BO CN, 1982, p. 248 (questions Bäumlin, ps, BE et Morel, ps, FR); p. 966 (postulat Bäumlin pour une aide humanitaire au Salvador, transmis); p. 974 (interpellation PdT/PSA/POCH); BaZ, 53, 4.3.82; Bund, 79, 5.4.82; cf. infra (Exportations d'armements).
[31] Europa, 49/1982, no 12 (supplément spécial et interview du CF Honegger); cf. aussi rapport du PDC, ci-dessus, note 17, et CF Aubert in Documenta, 1982 no 2; ci-dessus, note 12. Voir encore infra (Relations économiques bilatérales).
[32] Assurances: NZZ, 144, 145, 25-26.6.82. Postulat Alder, transmis: BO CN, 1982, p. 1436 et Europa, 49/1982, no 7-8, p. 12. Recherche: voir FF, 1982, I, p. 1 ss. ; BO CE, 1982, p. 157 ; BO CN, 1982, p. 1394 (message et approbation de la participation suisse à la production de la fusée Ariane).