Année politique Suisse 1982 : Infrastructure, aménagement, environnement / Sol et logement
Aménagement du territoire
Au terme de dix années d'organisation du territoire sur le plan fédéral, l'époque de l'approche globale des problèmes d'aménagement et de l'élaboration des concepts généraux semble à priori révolue. Les
questions qui se posent aujourd'hui ont trait à l'interprétation et à l'application de la loi fédérale sur l'aménagement (LAT)
[1]. En édictant des dispositions d'après lesquelles la Confédération, les cantons et les communes sont en quelque sorte «coresponsables» d'une répartition «mesurée» du sol entre ses diverses affectations, le législateur a voulu que les décisions interviennent là où les conflits d'intérêts sont susceptibles de surgir. Or, c'est au niveau des collectivités locales que ceux-ci revêtent souvent le plus d'acuité. Si les communes disposent d'une relative liberté d'appréciation en matière de délimitation des zones — l'établissement des plans d'affectation est essentiellement de leur ressort (article 2, 3e al. LAT) — en revanche, le découpage projeté doit être conforme aux buts et principes de la LAT de même qu'aux plans directeurs cantonaux. Les cantons ont en effet l'obligation de déterminer dans ses grandes lignes le cours que suivra l'aménagement de leur territoire. La loi fédérale ne précise cependant pas le degré d'élaboration de ces études prospectives; il est loisible au canton soit de se borner à fixer des objectifs, soit de mettre au point une conception directrice qui définisse de manière précise comment il entend délimiter son territoire. Les cantons ont jusqu'à fin 1984 pour établir leurs plans directeurs et les présenter aux autorités fédérales; ces dernières les examineront et leur donneront force de loi en 1987 au plus tard. Les collectivités locales ont donc tout intérêt à élaborer de solides dossiers d'aménagement, si elles ne veulent pas se voir imposer des décisions par trop unilatérales et ce d'autant plus que le gouvernement a accepté un postulat le conviant à exiger que les cantons délimitent déjà dans leur plan directeur les diverses zones d'affectation de l'ensemble de leur territoire
[2]. A cet égard, le canton des Grisons a été le premier à soumettre son plan à l'examen du Conseil fédéral
[3].
La LAT fixe en outre aux
zones de construction une norme de grandeur qui doit correspondre aux besoins probables dans les quinze prochaines années. Les plans de zones cantonaux, établis avant la promulgation de la loi fédérale, resteront en vigueur jusqu'en 1987. D'ici là, les plans d'affectation seront prêts. Les collectivités locales s'engageront alors à équiper leurs zones à bâtir. Mais entre le cadre juridique prévu par la LAT et la réalité économique, il y a une marge. Le terrain à bâtir disponible tend à se raréfier et, malgré les efforts consentis par de nombreuses communes pour acquérir en temps opportun des parcelles suffisamment vastes, il est devenu difficile de le soustraire à la spéculation. Face à une telle situation, l'arsenal juridique de la Confédération et des cantons dans le domaine de l'aménagement n'offre pas toujours de solution adéquate, permettant par exemple à la population autochtone d'acheter un terrain à un prix modéré. Le Conseil fédéral avait bien prévu en son temps d'introduire dans la loi des prescriptions concernant l'expropriation, afin d'assurer l'exécution des plans d'affectation, mais le projet de loi correspondant fut rejeté par le corps électoral en 1976. Pour l'heure, le gouvernement n'envisage pas de réviser la LAT
[4]. Toutefois, il suit de près l'expérience tessinoise consistant à doter les communes d'un nouvel instrument au service d'une politique foncière active : «la zone à bâtir d'intérêt communal». Cet instrument devrait contribuer à assainir le marché foncier et à augmenter la quantité de terrains de construction à disposition de la population indigène
[5].
Au carrefour d'intérêts souvent contradictoires, le
réaménagement de nos cités a encore bien des obstacles à surmonter. A l'image des essais de rues résidentielles, entamés depuis quelques années dans notre pays, des efforts sont consentis pour rendre aux zones d'habitation «un visage plus humain». Mais la persistance de nombreuses nuisances occasionnées par le bruit ou la pollution ainsi que le problème, tant quantitatif que qualitatif, du logement ne sont pas de nature à inciter la population à résider en ville. Les personnalités invitées à se prononcer sur ce thème à l'occasion du congrès annuel de l'Union des villes suisses n'ont pas caché leur scepticisme
[6]. De son côté, l'Office fédéral du logement a publié une série d'études sur le «déroulement de la planification d'une réhabilitation de quartier». Conçues sous la forme d'un guide, elles répondent en partie aux questions complexes que posent la rénovation dans les zones urbaines
[7]. Les électeurs des villes de Genève et de Zurich ont pour leur part refusé deux initiatives populaires relatives à la réhabilitation de deux quartiers, devenus célèbres en raison des passions que leur rénovation suscite depuis plusieurs années
[8].
[1] Aménagement du territoire, Bulletin d'information (Office fédéral de l'aménagement du territoire), 1982, no 2, p. 9 s.; RFS, 29, 27.7.82; Bund, 246, 247, 21-22.10.82; 251, 252, 27-28.10.82 (dossier). Voir également APS, 1981, p. 112 s.; EJPD/Bundesamt für Raumplanung, Der Wettstreit um den Boden, Bern 1982; Dilger P., Raumplannungsrecht der Schweiz, Zürich 1982.
[2] Postulat du CN Bircher (ps, AG): BO CN, 1982, p. 536 s. ; NZZ, 46, 25.2.82; Aménagement du territoire, Bulletin d'information, 1982, no 3, p. 16. Cf. aussi Ordre professionnel, 1842, 17.12.82.
[3] NZZ, 158, 12.7.82; Vat., 284, 7.12.82.
[4] BO CN, 1982, p. 1448 s. (interpellation Biderbost, pdc, VS); Aménagement du territoire, Bulletin d'information, 1982, no 3, p.15 s. Cf. en outre APS, 1976; p. 107 ss.
[5] CdT, 6, 11.1.82; 17, 23.1.82; 262, 15.11.82; Aménagement du territoire, Bulletin d'information, 1982, no 2, p. 4 ss.
[6] Suisse, 254, 11.9.82 et BaZ, 214, 14.9.82 (Union des villes suisses). VO, 23, 10.6.82 et Suisse, 279, 6.10.82 (rues résidentielles). Voir également NZZ, 137, 17.6.82 ; Vat., 241, 16.10.82 ; Bassand M., Villes, régions et sociétés, Lausanne 1982; Bächtold H: C., Die Entwicklung der Regionen, Agglomerationen und Städte der Schweiz (1950-1978), Zürich 1982; Häberling G., Zerplante Heimat. Raumordnungspolitik und Verstädterung in der Schweiz, Herisau 1982; Lendi M., «Ist die Stadtentwicklung lenkbar?», in Dokumente und Informationen zur Schweizerischen Orts-, Regional- und Landesplanung, 1982, no 67, p. 5 ss.
[7] Deér S. / Gugger M., Der Planungsablauf bei der Quartiererneuerung. Ein Leitfaden (Schriftenreihe Wohnungswesen, Nr. 24), Bern 1982; Gerheuser F. / Castellazzi E., Grundlagenbeschaffung für die Planung der Que rtiererneuerung. Bewohner und Hauseigentümer (Schriftenreihe Wohnungswesen, Nr. 25), Bern 1982; Furler M. / Oswald Ph., Grundlagenbeschaffung für die Planung der Quartiererneuerung. Klein- und Mittelbetriebe (Schriftenreihe Wohnungswesen, Nr. 26), Bern 1982.
[8] A Genève, il s'agit de la première initiative municipale soumise au verdict du corps électoral et demandant une «rénovation en douceur» du quartier des Grottes (JdG, 260, 261, 8-9.11.82; 266, 15.11.82; VO, 44, 4.12.82. Zurich: NZZ, 116, 22.5.82; 119, 26.5.82; 123, 1.6.82; 128, 7.6.82).
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