Année politique Suisse 1982 : Infrastructure, aménagement, environnement / Sol et logement
Location
La situation toujours précaire du marché immobilier, les hausses réitérées des taux hypothécaires, en 1981 et mars 1982, plaident en faveur d'un renforcement de la protection des locataires. Le dépôt d'une nouvelle initiative et le contreprojet gouvernemental qui se dessine devraient contribuer à améliorer leur sort.
En novembre 1982, l'indice global des loyers a augmenté de 2,9% par rapport au mois de mai de la même année (1981: 4,6%), tandis qu'entre novembre 1981 et mai 1982, il avait progressé de 5,8%. En l'espace d'une année, le niveau des loyers s'est élevé de quelque 8,9% (1981: 7,6%). Ce renchérissement est imputable en partie à la majoration des taux hypothécaires enregistrée au cours du premier semestre — les taux des anciennes hypothèques ont en effet passé en moyenne de 5,56à 6 % — ainsi qu'à la mise sur le marché d'appartements neufs en fin d'année
[33]. Bien que les fluctuations du taux d'intérêt hypothécaire relèvent traditionnellement du marché monétaire, elle donnent prise de nos jours à une confrontation politique particulièrement acerbe. Il est vrai que, dans la situation actuelle du marché, une hausse de ces taux se traduit inexorablement par une augmentation des loyers. C'est pourquoi le Conseil fédéral a lancé un pressant appel aux institutions bancaires, afin qu'elles profitent du fléchissement probable des taux d'intérêts en Suisse pour diminuer ou du moins différer le relèvement des hypothèques prévu au printemps 1982
[34].
Lors du débat général sur le logement au National, une discussion nourrie, arbitrée par le chef du DFEP, s'est engagée entre les défenseurs des locataires et ceux des banques. Les socialistes Meizoz (VD) et Grobet (GE), le groupe PdT/PSA/POCH ont déploré l'intervention beaucoup trop tardive des autorités fédérales. Ils ont reproché aux établissements bancaires de ne pas avoir appliqué des taux différentiels pour les logements à caractère social et dénoncé la pratique des propriétaires de répercuter systématiquement sur les loyers chaque hausse du taux hypothécaire, alors que bon nombre d'entre eux n'avait procédé à aucune baisse lorsque celui-ci avait diminué. Considérant que la Suisse pratique l'un des taux les plus bas des pays de l'Europe occidentale, les députés proches des milieux bancaires ont rétorqué que la majoration décrétée en mars était vitale pour la survie des petits établissements et des caisses d'épargne. Ils ont en outre souligné les impératifs économiques du moment: la nécessité d'attirer les capitaux des épargnants pour financer les hypothèques, les effets de la politique monétaire restrictive menée par la Banque nationale pour endiguer l'inflation. Pour sa part, le ministre de l'économie publique s'est borné à convier les propriétaires immobiliers à ne pas appliquer aveuglément les règles de l'adaptation des loyers aux modifications du taux hypothécaire. Il a toutefois indiqué que le mécanisme inscrit dans l'ordonnance relative à l'arrêté fédéral sur les abus dans le secteur locatif serait modifié, comme le proposait une motion Nauer (ps, ZH)
[35].
L'initiative populaire en faveur d'un renforcement de la protection des locataires a abouti dans le courant de l'année. Lancée en 1980 par la Fédération suisse des locataires, elle vise pour l'essentiel à accorder une meilleure protection contre les résiliations de contrats de location et à améliorer les moyens de défense contre les loyers abusifs
[36]. Par ailleurs, le contreprojet que le gouvernement entend opposer à l'initiative prend forme. Publiées en 1981, les propositions des experts fédéraux qui prévoient de protéger les locataires dans la Constitution, dans le Code des obligations et dans la loi ont en effet reçu un accueil en principe favorable lors de la procédure de consultation. L'extension à l'ensemble du territoire suisse de la protection contre les loyers abusifs, limitée aujourd'hui aux seuls cantons et communes où sévit la pénurie de logements, a rencontré un large écho. Par contre, la grande majorité des milieux consultés décline l'idée de donner au juge la possibilité d'annuler un congé, comme le prévoit l'initiative. Seuls les partis de gauche, les Indépendants, l'AN ainsi que les cantons de Genève et du Jura souhaitent l'introduction d'une telle disposition. Les cantons du Nord-Ouest, de Lucerne et de Zoug, appuyés par les démocrates du centre, proposent une solution de compromis. Le droit, pour le propriétaire, de congédier un locataire serait maintenu; seuls les «congés abusifs» pourraient faire l'objet d'une annulation
[37]. A partir de ces résultats, le Conseil fédéral a chargé un groupe de travail interdépartemental de lui soumettre pour 1983 une proposition de contreprojet. En attendant l'entrée en vigueur d'une telle réforme, le Conseil des Etats a accepté, à la suite du National, de prolonger pour cinq nouvelles années l'actuelle législation sur les abus dans le secteur locatif
[38].
[33] La Vie économique, 55/1982, p. 343 ss. ainsi que supra, part. I, 4b (Geld- und Kapitalmarkt).
[35] Pour ralentir les effets des hausses successives du taux hypothécaire sur les loyers, le DFEP propose qu'un relèvement de 0,25 % du taux ne se traduise que par une augmentation de 3 % des loyers (actuellement 3,5 %). Mais cette limite ne sera exigée que lorsque les taux hypothécaires égalent ou dépassent 6,5 %: 24 Heures, 40, 18.2.82 ; Suisse, 62, 3.3.82. BO CN, 1982, p.183 ss. (motion Nauer transmise sous forme de postulat). BO CN, 1982, p. 574 (question ordinaire Meizoz); BO CN, 1982, p. 1004 (interpellation du groupe PdTIPSA/POCH); BO CN, 1982, p. 1021 (question ordinaire Grobet). Milieux bancaires: Suisse, 41, 10.2.82; TA, 36, 13.2.82; 48, 27.2.82. Voir aussi Ww, 6, 10.2.82 (USS, Kappeler); BaZ, 35, 11.2.82; LNN, 48, 27.2.82; NZZ, 59, 12.3.82; 71, 26.3.82; 258, 5.11.82 ainsi que APS, 1981, p. 116 s.
[36] FF, 1982, II, p. 554; presse du 28.5.82 et APS, 1980, p. 111.
[37] Presse du 25.11.82 ainsi que APS, 1981, p. 117.
[38] BO CE, 1982, p. 55 ss. et 180, de même que APS, 1981, p. 117. Le CN a en outre transmis comme postulat une motion Carobbio (psa, TI), demandant de soumettre aux mesures contenues dans l'arrêté fédéral contre les abus les logements construits avec l'aide des subsides publics (BO CN, 1982, p. 531).
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