Année politique Suisse 1982 : Politique sociale / Population et travail
Marché du travail.
Le fléchissement conjoncturel, déjà perceptible en automne 1981, s'est fortement répercuté en 1982 sur le marché du travail. L'indice de
l'emploi pour l'ensemble des branches économiques a reculé de 1,4%. Le secteur des services a bien enregistré une légère hausse (0,9%), mais elle n'a pas suffi à compenser la baisse dans le secteur secondaire (– 4,1 %). Les branches les plus touchées ont été l'horlogerie (–12%), la construction (– 9,2%), l'industrie des textiles et des machines (– 4% chacune). Le nombre de chômeurs complets n'a cessé de progresser depuis avril pour atteindre son' point culminant en décembre (23 579). La moyenne annuelle s'est élevée à 13 220 (1981: 5889), soit une augmentation de 124,5%. Dans la même période, le taux moyen de chômage a passé de 0,2 à 0,4%. Comparée à la population active, la proportion la plus importante des sans-emploi a été recensée dans les cantons de Neuchâtel (1,2%), Jura (1,1%), Bâle-Ville et Tessin (0,9% chacun). Pour sa part, le nombre moyen de chômeurs partiels s'est inscrit à 36 611 (1981: 5704) et celui des heures chômées à 1 402 844 (1981: 258 411). La forte hausse du chômage partiel, qui s'était déjà manifestée au cours des derniers mois de 1981, s'est pratiquement accentuée durant toute l'année
[5]. Même si notre pays demeure dans une situation privilégiée en regard des autres nations industrialisées, l'évolution sur le front de l'emploi est préoccupante. Renforcés par le tassement conjoncturel, les effets du processus d'adaptation structurelle en cours se sont traduits notamment par un déséquilibre accru entre branches économiques et régions, au premier rang desquelles figurent les contrées de l'arc horloger
[6].
La
multiplication des cas de licenciements, dans l'horlogerie et la métallurgie en particulier, a incité certains milieux professionnels à préconiser un changement de cap de notre politique économique. C'est ainsi que le comité de l'Union syndicale suisse (USS) a saisi le Conseil fédéral d'un faisceau de mesures propres à stimuler et à garantir l'emploi
[7]. Plusieurs manifestations ont été organisées pour protester contre les vagues de licenciements dans les contrées touchées par la récession. La plus imposante s'est déroulée à Bienne. Les quelque cinq mille participants, réunis à l'appel de la Fédération suisse des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH), ont voté à l'unanimité une résolution réclamant le maintien des places de travail dans les régions économiquement menacées
[8]. D'autre part, les partis de gauche de l'arc horloger ont créé un comité unitaire d'action «pour la défense des emplois». Une pétition placée sous le slogan «vivre et travailler dans les régions où nous habitons» a été déposée à l'adresse des autorités fédérales et cantonales
[9].
Sur le plan parlementaire, les représentants des partis de gauche et des syndicats ont exigé du gouvernement qu'il prenne des mesures immédiates en matière de renforcement de la politique régionale, de reclassement et d'assistance aux chômeurs. Ces exigences ont été réitérées par les porte-parole des cantons horlogers lors du grand débat au National sur la situation économique de la Suisse
[10]. Deux motions ont d'ores et déjà été transmises sous forme de postulats au Conseil fédéral, le conviant à élaborer, entre autres, un nouveau programme d'investissements et de relance en cas d'augmentation généralisée du chômage ainsi qu'à favoriser une plus large mobilité de la main-d'oeuvre
[11]. Par ailleurs, le gouvernement â accepté un postulat Bircher (ps, AG) lui demandant d'établir des statistiques plus précises concernant les places vacantes et le chômage
[12]. En revanche, il n'a pas jugé opportun de renforcer sa surveillance sur le marché du travail, ni de créer, par voie législative, un moratoire pour les dettes bancaires et fiscales des chômeurs qui auraient épuisé leur droit aux prestations de l'assurance-chômage
[13].
Les autorités fédérales ont pour leur part pris un certain nombre d'initiatives. Elles ont libéré la totalité des réserves de crise de l'économie privée destinées à procurer du travail pour une période de dix-huit mois, institué un organe de concertation pour les régions horlogères et mis en place de nouvelles mesures d'assistance aux chômeurs
[14]. C'est ainsi que le champ d'application de l'ordonnance qui régit l'augmentation du nombre maximum d'indemnités journalières dans l'assurance-chômage a été élargi. Pour les salariés âgés, handicapés ou provenant des contrées dont l'économie est menacée, ce droit aux indemnités a été porté en 1982 de 150 à 180 jours par année et pour les chômeurs partiels, de douze à dix-huit mois en deux ans. A la fin de l'année, une modification de l'ordonnance a en outre étendu la compétence du DFEP d'édicter des dispositions dérogatoires concernant «la justification d'une activité antérieure soumise à cotisation pour avoir droit aux indemnités»
[15]. D'autre part, le Conseil fédéral a décidé de mettre en vigueur par anticipation les dispositions sur l'indemnité en cas d'insolvabilité de l'employeur, prévues dans la future loi sur l'assurance-chômage
[16]. Enfin, des allégements ont été consentis dans les mesures de contrôle, en particulier pendant les vacances et les jours fériés
[17]. De leur côté, la plupart des cantons ont prévu des mesures d'aide spéciale aux chômeurs arrivés au terme de leur période d'indemnisation. Berne, Jura et Soleure ont mis sur pied des programmes d'occupation et de reconversion des chômeurs, tandis que Neuchâtel et Vaud ont octroyé des allocations extraordinaires
[18].
[5] La part des femmes au chômage total s'est quelque peu accentuée, passant de 41,4% en 1981 à 43,4% en 1982. Le nombre des places vacantes a constamment régressé, passant de 8 392 (1981: 14 064) à la fin janvier à 4 343 (1981: 8 917) à la fin décembre. Cf. La Vie économique, 56/1983, p.134 ss. ainsi que infra, part. I, 4a (Konjunkturlage). Pour ce qui est du chômage des jeunes, notre pays se trouve encore dans une situation favorable. En 1982 la part des jeunes au chômage total s'élevait à 23 %. Voir à cet égard NZZ, 200, 30.8.82 ; Bund, 219, 20.9.82 ; BaZ, 223, 24.9.82; 292, 14.12.82; 306, 31.12.82 (statistiques).
[6] NZZ, 42, 20.2.82 (facteurs structurels) ; 54, 6.3.82 (chômage dans les pays de l'OCDE); 195, 24.8.82; 203, 2.9.82. Voir aussi BaZ, 42, 43, 19-20.2.82; 49, 27.2.82; 51, 2.3.82; 59, 11.3.82; 61, 13.3.82 (dossier consacré au chômage en Suisse dans les années 1980); wf, Dokumentation zur Wirtschaftskunde, no 60, mai 82 et no 62, sept. 82; Bois Ph. / Greber P.-Y., Emploi et politique sociale, Lausanne 1982; Schelbert-Syfrig H. / Inderbitzin W., Beschäftigung und strukturelle Arbeitslosigkeit, Diessenhofen 1982.
[7] Mémoire de l'USS concernant l'emploi: TA, 81, 7.4.82; USS (communiqué), 13, 7.4.82; 36, 24.11.82; 39, 15.12.82; SP VPOD, 47, 25.11.82. Situation dans la métallurgie: L'Hebdo, 10, 12.3.82; 30, 30.9.82; Vr, 114, 16.6.82; VO, 35, 2.9.82. Situation dans l'horlogerie: LNN, 195, 24.8.82; 24 Heures, 197, 25.8.82; Suisse, 237, 25.8.82; 329, 25.11.82 ; NZZ, 200, 30.8.82 ; VO, 35, 2.9.82. Voir également la publication d'un «livre blanc» de la FTMH consacré aux problèmes de la répercussion de la micro-électronique sur l'emploi (24 Heures, 120, 26.5.82 ; Vr, 100, 26.5.82) ainsi que supra, part. I, 4a (Strukturpolitik) et APS, 1981, p. 124.
[8] Suisse, 269, 26.9.82; TW, 225, 27.9.82; USS, 29, 29.9.82; Smuv-Zeitung, 39, 29.9.82. D'autres manifestations se sont déroulées à Genève (VO, 9, 4.3.82 ; JdG, 53, 5.3.82), Neuchâtel (TLM, 79, 20.3.82), Moutier (TLM, 35, 4.2.82) et à Bienne après les licenciements opérés chez Bulova (Suisse, 27, 27.1.82) et Omega (24 Heures, 199, 27.8.82).
[9] TLM, 136, 16.5.82; Vr, 114, 16.6.82; Suisse, 247, 4.9.82; VO, 36, 8.9.82; TW, 264, 11.11.82.
[10] BO CN, 1982, p. 1163 ss. et 1236 ss.; USS 29, 29.9.82; RFS, 39, 15.10.82 ainsi que supra, part. 1, 4a (Strukturpolitik). Voir également BO CN, 1982, p. 380 (question Magnin, pdt, GE), p. 712 (question Deneys, ps, NE), p. 945 ss. (interpellation Crevoisier, psa, BE), p. 947 s. (interpellation Rothen, ps, SO), p. 972 s. (postulat Carobbio, psa, TI), p. 998 s. (interpellation Uchtenhagen, ps, ZH), p. 1585 s. (question Müller, ps, BE) et p. 1833 (question Frey, prd, NE).
[11] BO CE, 1982, p. 721 ss. (motion Donzé, ps, GE); BO CN, 1982, p. 1785 ss. (motion Carobbio, psa, TI) ainsi que supra, part. I, 4a (Konjunkturpolitik).
[12] BO CN, 1982, p. 1797 s.
[13] Délib. Ass. féd., 1982, IV, p. 42 (motion Carobbio, psa, TI); BO CN, 1982, p.1783 ss. (motion Crevoisier, psa, BE); Suisse, 331, 27.11.82. Le CN a également rejeté une seconde motion Crevoisier demandant l'adjudication de travaux de la Confédération aux entreprises engageant des chômeurs âgés (BO CN, 1982, p. 1784 s.).
[14] RO, 1982, p. 1499 s.; Rapp. gest., 1982, p. 243 et 257 ainsi que supra, part. I, 4a (Konjunkturpolitik).
[15] RO, 1982, p. 1210 et 1728 (prolongation de la durée de chômage partiel); R0, 1982, p. 1228 s. (augmentation du nombre d'indemnités journalières), RO, 1982, p. 2284 s. (prise en compte des heures de chômage). Voir aussi Suisse, 330, 26.11.82; 334, 30.11.82; 345, 11.12.82 ainsi que infra 7c (Assurance-chômage).
[16] RO, 1982, p. 2184; Suisse, 341, 7.12.82. Le CF a également prévu de verser des indemnités dans les cas d'insolvabilité consécutive à des faillites ouvertes durant les mois de novembre et de décembre 1982 (RO, 1982, p. 2225 ; RCC, 1983, p. 5 s.). Voir également interventions du CN Zehnder (ps, AG) en faveur de la mise en vigueur anticipée de l'indemnité en cas d'insolvabilité ainsi que des mesures préventives (BO CN, 1982, p. 256 et 999 s.).
[17] RO, 1982, p. 1843 s.; Suisse, 190, 9.7.82.
[18] BE: TLM, 321, 17.11.82; Bund, 269, 17.11.82. JU: TLM, 147, 27.5.82. SO: BaZ, 157, 9.7.82; SZ, 216, 16.9.82; 220, 21.9.82. VD: 24 Heures, 208, 7.9.82. NE: Suisse, 275, 2.10.82; 24 Heures, 244, 20.10.82. Ce n'est qu'au mois de décembre que le Grand Conseil NE a adopté une loi «concernant les mesures de crises» et destinée à encourager la réinsertion des chômeurs dans l'économie (Suisse, 350, 16.12.82 ; TLM, 350, 16.12.82). Cf. en outre supra, part. I, 4a (Strukturpolitik).
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