Année politique Suisse 1982 : Politique sociale / Population et travail
 
Salaires
D'après les résultats de la statistique trimestrielle publiée par l'OFIAMT, les salaires mensuels ont progressé en moyenne de 5,2% entre le dernier trimestre 1981 et celui de 1982. Au cours de la même période, les salaires horaires ont connu une hausse de 6,3%. En termes réels, ces gains ont été respectivement de 0,6% inférieurs et 0,5% supérieurs (moyenne : – 0,1 %) à ceux enregistrés en 1981 [19]. Les discussions relatives à la nouvelle méthode de calcul de l'indice suisse des prix à la consommation ont relancé la polémique au sujet de l'adaptation des salaires et des rentes au renchérissement. Cette controverse a pris un ton plus animé en 1982, en raison de la profonde récession sectorielle et de la mauvaise situation dans laquelle se trouvaient nombre d'entreprises. Les distorsions relevées dans l'indice depuis 1977 et qui se seraient traduites par une compensation excessive du renchérissement ont donné le signal à une offensive concertée des milieux patronaux contre le principe de l'automatisme de l'indexation. Le secteur bancaire a du reste été le premier à réagir, en n'accordant à ses employés qu'un ajustement partiel de leur salaire à la hausse des prix [20]. En fait, les détracteurs de la compensation intégrale s'en sont pris avant tout à la rigidité avec laquelle ce mécanisme est appliqué. L'indexation uniforme des salaires risque à leurs yeux de freiner les ajustements structurels en cours, d'introduire une répartition des revenus et des coûts qui ne reflète pas forcément la performance des entreprises et surtout de favoriser certains déséquilibres comme l'inflation ou le chômage. Sans remettre formellement en cause le maintien du pouvoir d'achat, les employeurs souhaiteraient que l'on se soucie davantage à l'avenir de la situation particulière de chaque branche économique. Pour leur part, les associations ouvrières ont réaffirmé que la pleine et entière compensation du renchérissement demeurait une exigence minimale. Toutefois, elles se sont déclarées prêtes à tenir compte de la situation individuelle de chaque entreprise, pour différer momentanément une adaptation [21].
Cette confrontation théorique entre partisans et adversaires de la compensation intégrale du renchérissement pourrait laisser croire que la majorité des salariés de notre pays bénéficient actuellement de l'indexation automatique de leurs revenus à la hausse des prix. Or, selon une enquête menée par l'OFIAMT, il existe au contraire une large diversité de situations entre les diverses catégories d'employés. Si la majorité des conventions collectives de travail contiennent une clause sur la compensation du renchérissement, seules 16,8% d'entre elles prévoient une «échelle mobile des salaires». Pour les autres, une adaptation des salaires au coût de la vie n'intervient qu'après négociation, lorsque l'indice des prix varie d'un certain montant. Les plus grands bénéficiaires du processus d'indexation automatique se comptent dans les rangs de la fonction publique, mais aussi dans certains secteurs privés, comme les arts graphiques ou la chimie [22].
Le réajustement automatique des salaires des fonctionnaires a également été remis en question. Le conseiller aux Etats Letsch (prd, AG) a demandé au Conseil fédéral de négocier avec les syndicats la suppression de la compensation semestrielle de renchérissement accordée au personnel fédéral. Dans son rapport sur la planification financière pour les années 1984 à 1986, le gouvernement n'a pas caché son intention de revenir à un système de compensation annuelle d'ici 1985. La commission des finances du National proposa même d'y renoncer avant que ne soit échu l'arrêté réglementant ces allocations [23]. Pour leur part, les milieux bourgeois de la ville de Winterthour ont eu recours à la procédure référendaire pour faire échec à la décision des autorités locales d'accorder aux employés communaux une allocation de renchérissement et le gouvernement grison n'a accordé au personnel cantonal qu'une compensation partielle [24].
 
[19] La Vie économique, 56/1983, p. 139 ss.
[20] BaZ, 224, 25.9.82 ; NZZ, 223, 25.9.82. Voir aussi Vr, 201, 15.10.82; JdG, 291, 14.12.82 (critiques) ainsi que supra, part. I, 4b (Geldmenge und Banken).
[21] Patronat: TA, 126, 4.6.82; SAZ, 23, 10.6.82 (F. Halm, UCAP); BaZ, 149, 30.6.82; 151, 2.7.82 (CN Wyss, prd, BS); Suisse, 295, 22.10.82. Syndicats: BaZ, 145, 25.6.82; Ww, 39, 29.9.82 (B. Kappeler, USS); USS (communiqué), 30, 6.10.82; 29, 29.9.82; 39,15.12.82; Vat., 233, 7.10.82 (CSC); Vr, 243, 14.12.82 (B. Hardmeier, USS). Voir aussi BaZ, 20, 25.1.82; 37, 13.2.82 (Prof. Wittmann) ; 179, 4.8.82; 248, 23.10.82; 225, 28.9.82 ainsi que APS, 1981, p. 124 s. et supra, part. III b (Industrie und Handel).
[22] La Vie économique, 55/1982, p. 587 ss. ; JdG, 226, 29.5.82 ; 24 Heures, 231, 5.10.82. Voir aussi NZZ, 286, 8.12.82.
[23] BO CE, 1982, p. 514 s. (interpellation); TW, 236, 9.10.82; SP VPOD, 41, 14.10.82; 43, 28.10.82; 46, 18.11.82 ; Journal des fonctionnaires fédéraux, 19, 28.10.82. Cf. en outre BaZ, 274, 275, 23-24.11.82 ; 277, 26.11.82; NZZ, 274, 24.11.82; 304, 29.12.82 (CN Flubacher, prd, BL) ainsi que APS, 1981, p. 125.
[24] Winterthour: NZZ, 196, 15.8.82; 263, 11.11.82; TA, 274, 24.11.82; 278, 19.11.82. Grisons: SP VPOD, 1, 13.1.83.