Année politique Suisse 1982 : Politique sociale / Assurances sociales
 
Assurance-vieillesse et survivants
Les travaux relatifs à la dixième révision de l'AVS se sont poursuivis. Les deux commissions d'experts chargées de présenter un avant-projet sur l'introduction de la limite d'âge flexible de la retraite et sur la réforme du statut de la femme n'ont pas encore été en mesure de formuler un texte de loi, si bien que le message correspondant ne sera vraisemblablement pas publié avant la fin de la législature en cours. Les experts ont cependant déjà précisé les contours de la future retraite «à la carte»: elle entraînerait une réduction approximative des rentes de l'ordre de 7% par année d'anticipation. L'Union syndicale suisse (USS) admettrait jusqu'à 9% de diminution, mais ses représentants tiennent à une atténuation des conséquences pour les revenus modestes et à une possibilité d'accorder la rente entière aux salariés prématurément usés par le travail. Pour leur part, les milieux patronaux craignent que l'application généralisée de la retraite flexible n'entraîne, dans un deuxième temps, la revendication d'un niveau de prestations plus élevé [10]. Les aménagements en vue d'une meilleure égalité entre les sexes dans le régime de l'AVS ne mobilisent plus un front uni au sein des milieux politiques féminins. Contrairement à ce qu'elle avait affirmé dans une motion déposée en 1979, la conseillère nationale C. Füeg (prd, SO) ne pense plus que le droit de la femme à une rente indépendante puisse être institué dans l'immédiat. Au contraire, pour les organisations féministes, des réformes minimales en faveur de la femme divorcée et de la symétrie entre veufs et veuves signifieraient qu'une occasion sans doute unique aurait été manquée. Au demeurant, ces organisations n'admettraient pas non plus que la révision en cours vise à relever l'âge de la retraite pour la femme [11]. Le conseiller national P. Günter a déposé une motion invitant le Conseil fédéral à présenter un projet propre à établir l'égalité de droit entre les deux sexes pour l'âge de la retraite [12].
Parallèlement à ces travaux, les Organisations progressistes (POCH) ont fait campagne pour leur initiative en vue de l'abaissement, cette fois «à 62 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes», de l'âge donnant droit à la rente AVS. Après que les Parti du Travail (PdT), Parti socialiste autonome (PSA) et Parti socialiste ouvrier (PSO) eurent apporté leur soutien, le succès de la récolte de signatures semblait acquis en fin d'année [13]. Par ailleurs, une étude prospective a avancé l'hypothèse que si les conditions de croissance actuelles se maintenaient, une augmentation du taux de cotisation de l'AVS ne serait pas nécessaire pendant les soixante prochaines années. Tandis que le PdT se félicitait à ce propos de l'«extrême solidité du premier pilier», l'USS faisait observer que le chiffre de 2% de croissance annuelle des salaires réels lui semblait trop optimiste [14].
Pour la deuxième et la troisième année consécutive, le compte AVS a enregistré des excédents en 1981 et 1982 (respectivement 745 et 563 millions de francs). Après être redevenu positif en 1981, le solde de l'AI a de nouveau révélé un déficit en 1982, soit 23 millions de francs. Le surplus de recettes du régime des allocations pour perte de gain est passé de 171 millions en 1981 à 198 en 1982. Vu l'adaptation des rentes et des allocations intervenue en janvier 1982, personne ne s'est trop réjoui des bons résultats obtenus en 1981. Le volume des rentes versées par l'AVS a fait un bond de 1503 millions de francs en 1982, soit une augmentation de 14% par rapport à 1981 [15].
L'adaptation des prestations au renchérissement n'a pas été suffisante aux yeux de la gauche. Dans son initiative, discutée à la session d'automne, la conseillère nationale R. Mascarin (poch, BS) proposait de charger le Conseil fédéral d'indexer les rentes au moins chaque année. Le groupe socialiste l'a suivie, estimant le moment venu de dépasser le compromis auquel le parti s'était arrêté lors de la neuvième révision. Les autres partis gouvernementaux ont préféré observer d'abord les effets du mode d'adaptation introduit lors de cette révision, si bien que le rejet de l'initiative n'a pas tardé. Tout au plus démocrates-chrétiens et démocrates du centre ont-ils indiqué leur volonté de voir faciliter l'accès aux prestations complémentaires pour les cas où le système existant entraînerait des privations insupportables [16].
Plusieurs parlementaires se sont inquiétés du sort de quelque quatre mille Suissesses de l'étranger. En effet, le Tribunal fédéral des Assurances a statué que, contrairement à l'opinion répandue, l'affiliation à l'AVS des épouses de ressortissants helvétiques employés à l'étranger par la Confédération ou par des firmes suisses est facultative. Le préjudice important qui pourrait s'ensuivre pour les femmes ayant dépassé l'âge limite de cinquante ans ne sera pas réparé par la simple extension de l'assurance du mari, du moment que, a fait valoir le Conseil fédéral, un grand nombre d'étrangères dont l'époux travaille en Suisse seraient alors en droit de mettre l'AVS à contribution [17]. Par ailleurs, l'exécutif a assuré que toute l'attention nécessaire serait accordée, à l'occasion de la dixième révision, au problème du rattrapage de lacunes dans la continuité des cotisations [18].
 
[10] BaZ, 185, 11.8.82; Ww, 45, 10.11.82 (interview CF Hürlimann); question Dafflon (pdt, GE) in BO CN, 1982, p. 715 ; H. Walser, «Zum Stand der 10. AHV-Revision», in Revue suisse des assurances sociales, 1982, no 1, p. 11 ss. UCAP: SAZ, 3, 21.1.82. USS: «Résolution concernant l'égalité des droits et des chances entre hommes et femmes» du 46e congrès (USS, 31, 18.10.82). Voir APS, 1981, p.134 s.
[11] L'Hebdo, 25, 24.6.82; TA, 184, 11.8.82; BaZ, 208, 7.9.82; TAM, 38, 25.9.82.
[12] Délib. Ass. féd., 1982, V, p. 48.
[13] VO, 23, 10.6.82; BaZ, 245, 20.10.82; cf. APS, 1981, p. 135.
[14] H. R. Schulz, K. Masuhr, « Finanzwirtschaftliche Aspekte von Veränderungen des Pensionierungsalters », in Revue suisse d'économie politique, 118/1982, no 2, p. 141 ss.; TA, 175, 31.7.82; USS, 24, 11.8.82; SAZ, 40, 7.10.82 (K. Hug); VO, 43, 28.10.82.
[15] 1981: RCC, 1982, p. 266; Bund, 51, 3.3.82. 1982: JdG, 52, 3.3.83. Cf. APS, 1981, p. 135.
[16] BO CN, 1982, p. 1127 ss. et 1398 s. ; TW, 224, 24.9.82; cf. APS, 1981, p. 135.
[17] Postulat M. Bauer (pl, GE): BO CE, 1982, p. 358 s.; motion A. Muheim (ps, LU), transmise comme postulat: BO CN, 1982, p. 959 s.; interpellation K. Schüle (prd, SH): ibid., p. 978 s.; pétition d'une particulière: ibid., p. 1774 s. et BO CE, 1982, p. 715; voir RCC, 1982, p. 154.
[18] Postulat Bührer (ps, SH) in BO CE, 1982, p. 704 s. Voir aussi, au sujet d'une éventuelle compensation par ajournement de la rente, le postulat Huggenberger (pdc, ZH) in BO CN, 1982, p. 1430.