Année politique Suisse 1983 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Asile politique
Cependant, le principal débat en matière d'asile a eu lieu à l'occasion de la
révision de la loi sur l'asile politique. Cette question souleva une vive discussion dans l'opinion publique et les milieux politiques et institutionnels. L'aggravation de la situation économique en de nombreuses régions du globe et l'évolution politique de certaines nations ont pour effet d'accentuer le courant migratoire en direction de la Suisse
[10]. Les candidats à l'asile proviennent essentiellement d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique. Avec quelque 8000 demandes en suspens, ce phénomène, déjà perceptible durant les années antérieures, posa une série de problèmes juridiques, politiques et moraux, notamment en raison de l'inégale répartition de la population réfugiée parmi les cantons. Réunis en février autour de R. Friedrich, chef du DFJP, les responsables cantonaux des départements de justice et police ont formulé trois revendications principales: augmentation du nombre de fonctionnaires fédéraux afin d'accélérer le traitement des dossiers, révision de la loi en vigueur dans le sens d'une simplification de la procédure, appel à une plus grande solidarité intercantonale. Ce dernier point fut fortement souligné par les cantons de Genève, Vaud, Zurich, Berne et Fribourg, regroupant la grande majorité des requérants. Devant l'urgence de la situation et les pressantes demandes cantonales, le Conseil fédéral fut amené à infléchir sa position peu favorable à la révision de la loi sur l'asile de 1979, en précisant qu'il entendait faire une distinction entre les personnes poursuivies dans leur pays pour des motifs politiques et les demandeurs d'asile dont les motivations sont d'ordre économique. Néanmoins, le projet officiel soumis à la procédure de consultation dès le mois d'avril alimenta une vive polémique
[11].
A Genève, Vigilance déplora la timidité des mesures envisagées et déposa aux Chambres une pétition munie de 24 000 signatures réunies en Suisse romande et exigeant une politique encore plus restrictive. A l'opposé, diverses organisations caritatives et humanitaires, soutenues par des formations de l'extrême gauche, ont critiqué sans ménagement les modalités de la nouvelle procédure en y voyant une atteinte grave à la notion même de droit d'asile et à la tradition d'accueil helvétique; 26 500 personnes signèrent une pétition rédigée en ce sens et envoyée à Berne
[12].
Au parlement, il faut relever l'accord de tous les partis pour recommander l'entrée en matière sur le projet, à l'exception des Organisations progressistes. Le PS plaida en vain la création d'une autorité de recours, indépendante de l'administration, pour les candidats, tout en reconnaissant la nécessité d'une révision législative. De leur côté, les partis bourgeois insistèrent sur la définition du réfugié politique et sur les risques d'abus à combattre, notamment en période de crise économique. En novembre, les deux Chambres fédérales ont accepté, à une large majorité, cette modification de la loi sur l'asile dont les principaux éléments sont l'introduction d'une instance unique de recours pour le requérant, la non-automaticité du droit à exercer une activité lucrative et la possibilité pour l'autorité d'écarter rapidement des demandes jugées infondées
[13].
[10] Point de la situation: Bund, 4.1.83; 21.1.83; 11.2.83; presse du 11.2.83; Lib., 18.4.83; 22.4.83; JdG, 20.4.83; 23.4.83; L'Hebdo, 37, 15.9.83.
[11] Réunion des responsables cantonaux: presse du 25.2.83. Fonctionnaires fédéraux: cf. infra, part. I, 5 (Voranschlag der Eidgenossenschaft). Genève: JdG, 25.5.83; TA, 14.4.83; Suisse, 1.6.83. Vaud: 24 Heures, 9.6.83. Zurich: NZZ, 21.1.83; 7.6.83. Fribourg: TLM, 3.3.83. Berne: BaZ, 12.3.83; TA, 11.4.83. Bâle-Campagne: BaZ, 10.1.83. Neuchâtel: TLM, 4.3.83. Argovie: TA, 12.1.83. Dans sa réponse du 13.12.1982 à un postulat (Cavadini, lib., NE) le CF avait mis l'accent sur l'aspect humanitaire de la loi de 1979, cf. BO CN, 1983, p. 243 s. ainsi que p. 247 (CF Friedrich). Projet de revision de la loi: presse du 21.4.83; FF, 1983, III, p. 807 s. (message). Cf. APS, 1982, p. 42.
[12] Pétition de Vigilance déposée le 6.6.1983: Suisse, 11.2.83; 6.3.83; 7.6.83. Cf. Le Vigilant, no 183, mars 1983; no 184, avril 1983 (halte aux réfugiés); BO CN, 1983, p. 241 s. (interpellation Soldini, vigilant, GE). Révision jugée insuffisante: Volk + Heimat, no 8, juin/juillet 1983. Révision jugée trop restrictive: NZZ, 7.1.83 (Croix-Rouge suisse); Lib., 7.3.83 (Ligue suisse des droits de l'homme); BaZ, 9.5.83. (Fédération suisse des églises évangéliques); Suisse, 10.6.83 (Conférence des évêques suisses); VO, 24, 16.6.83 (PdT). Pétition du Comité suisse pour la défense du droit d'asile, déposée le 24.11.1983; cf. presse du 25.11.83.
[13] Débat parlementaire: BO CN, 1983, p. 1599 ss.; BO CE, 1983, p. 646 ss. et 724; Ww, 7, 16.2.83; BaZ, 18.2.83; presse des 1 et 7.12.83; 24 Heures, 13.12.83; cf. aussi affaire Polach, ressortissant tchèque expulsé par erreur (Bund, 15.11.83; 24 Heures, 18.11.83). Cf. également W. Kälin, Das Prinzip des Non-Refoulement, Bern 1983.
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