Année politique Suisse 1983 : Politique sociale / Population et travail
Temps de travail
Au moment où le chômage frappe en moyenne 10% de la population active dans les pays de la Communauté européenne, et où la Suisse, bien que relativement épargnée, connaît également des problèmes d'emploi, la restructuration du temps de travail revêt un intérêt croissant. D'après les résultats d'une enquête réalisée pour le compte de la «Schweizerische Handels-Zeitung», de nombreuses personnes exerçant une activité lucrative dans notre pays seraient disposées à accepter une réduction de leur salaire: proportionnelle à une diminution de la durée de leur labeur
[19]. Mais l'abaissement de la durée du travail n'a pas que des partisans. Elle rencontre en fait une double opposition: si le patronat proteste en affirmant qu'une diminution uniforme pèse sur la productivité des entreprises, des dirigeants syndicalistes craignent pour le pouvoir d'achat des travailleurs et appréhendent également la réorganisation de la semaine de travail
[20]. Malgré les réticences manifestées par certaines de ses fédérations, l'USS a lancé en septembre une nouvelle initiative populaire en faveur d'un abaissement de l'horaire hebdomadaire de travail. Le texte prévoit de réduire progressivement la durée légale à 40 heures par semaine, avec maintien du revenu salarial. De plus, l'USS entend contraindre la Confédération à adapter par la suite la législation au mouvement général de réduction du temps de travail
[21]. De son côté, l'Union fédérative du personnel des administrations et des entreprises publiques a décidé de maintenir sa revendication d'abaisser de 44 à 42 heures l'horaire hebdomadaire des fonctionnaires fédéraux. Dans une requête adressée au Conseil fédéral, le comité directeur de l'Union fédérative a invité ce dernier à soumettre d'ici 1984 un nouveau projet au parlement
[22].
L'Assemblée fédérale s'est penchée à son tour sur
l'initiative populaire du PSS et de l'USS
en faveur d'une amélioration du régime des vacances. Déposée en 1979, elle vise à insérer dans la Constitution une disposition garantissant à tous les salariés le droit à quatre semaines de congés payés par année et à cinq pour les jeunes, les apprentis et les employés âgés de plus de 40 ans. Dans un message publié en 1982, le gouvernement avait recommandé aux Chambres de rejeter l'initiative et de lui opposer, en guise de contreprojet indirect, une modification du Code des obligations (CO) tendant à augmenter d'une semaine ce minimum légal. Alors que le Conseil des Etats s'était rallié au projet gouvernemental, le National, tout en rejetant les modalités de l'initiative, a fait néanmoins un pas dans sa direction. Il a en effet accepté les propositions faites par sa commission de porter, dans le cadre du CO, de deux à quatre semaines la durée minimale des vacances pour les salariés âgés de plus de 20 ans, de trois à cinq semaines pour les jeunes travailleurs et les apprentis. En revanche, il a refusé le principe d'accorder aux cantons l'autorisation de majorer ces minima légaux d'une semaine. Il a décliné en outre un amendement Renschler (ps, ZH) visant à octroyer une cinquième semaine dès 40 ans et une suggestion soutenue par certains députés démocrates-chrétiens réclamant une semaine supplémentaire à partir de 50 ans. Au terme de la procédure d'élimination des divergences, la chambre haute s'est finalement ralliée à la réglementation plus généreuse adoptée par le Conseil national
[23].
Parmi les diverses formes d'aménagement de la durée de travail flexible, le
travail à temps partiel volontaire est sans doute l'une des formules les plus appréciées. Selon les estimations établies par l'OFIAMT, 13% du personnel occupé en Suisse dans les établissements industriels, artisanaux et des services travaillent à temps partiel. Cette forme d'occupation présente toutefois pour l'employé un certain nombre de risques: moins bonne intégration dans l'entreprise, prestations sociales et rémunérations fréquemment inférieures. Pour remédier à cette situation, d'aucuns se sont interrogés sur l'opportunité de réglementer ce type d'activité. Le conseiller national Carobbio (psa, TI) avait déposé en 1981 une initiative parlementaire chargeant le gouvernement d'élaborer une législation spéciale en la matière, mais la chambre basse a décidé de ne pas donner suite à sa requête. Le National a également repoussé une proposition Jaggi (ps, VD) demandant l'institution d'une commission ad hoc pour étudier tous les aspects du travail à temps partiel
[24].
[19] 49% des personnes interrogées ont admis en effet l'idée d'une diminution d'un jour moins de la durée hebdomadaire de travail avec une réduction correspondante de leur salaire, afin de fournir un emploi aux chômeurs. Seul un tiers y sont farouchement opposés. Cf. SHZ, 22, 2.6.83. Un sondage réalisé par la Société suisse de recherches pratiques dans la région zurichoise confirme cette tendance (NZZ, 15.8.83).
[20] Au sujet des conséquences sur l'emploi de la réduction de l'horaire de travail, cf. BaZ, 17.1.83; SGT, 25.2.83; 19.3.83; LNN, 29.4.83; TA, 30.4.83 (CN Schmid, ps, SG); RFS, 25, 21.6.83 (référence à un rapport de l'OCDE); TAM, 25, 25.6.83.
[21] C'est la seconde tentative de l'USS d'introduire par voie d'initiative la semaine de 40 heures. A la suite du rejet en 1976 par le peuple suisse d'une initiative analogue des POCH, I'USS avait lancé en 1977 son propre texte qui, faute de signatures, n'avait pu être déposé. Cf. presse du 13.9.83; USS, 26, 14.9.83 (communiqué); Vr, 15.12.83. Voir aussi RFS, 38, 20.9.83 ; NZZ, 29.9.83; 11.11.83, ainsi que APS, 1976, p. 127 s. ; 1977, p. 126 ; 1978, p. 123; 1982, p. 206.
[22] SP VPOD, 1, 13.1.83; 39, 29.9.83; Suisse, 25.1.83. Voir également Ww, 45, 10.11.83.
[23] BO CN, 1983, p. 858 ss., 1371 ss., 1555, 1776 et 1871; BO CE, 1983, p. 474 ss., 585, 655 ss., 693 et 724. Cf. aussi presse des 23.6.83 (CN) et 28.9.83 (CE); Suisse, 15.12.83 (élimination des divergences), ainsi que APS, 1979, p. 137; 1982, p. 123.
[24] BO CN, 1983, p. 1289 ss.; La Vie économique, 57/1984, p.12 s. Cf. en outre BaZ, 10.12.83; 14.12.83; 16.12.83; 20.12.83; 21.12.83 et 23.12.83 (dossier consacré à la durée de travail flexible); OFIAMT, Formes spéciales de l'aménagement du temps de travail, Berne 1983 ; C. Lalive d'Epinay et al., Temps libre — Culture de masse et cultures de classes d'aujourd'hui, Genève 1983; G. Thélin, Freizeitverhalten im Erholungsraum, Bern 1983.
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