Année politique Suisse 1984 : Politique sociale / Population et travail
 
Salaires
Selon les résultats de la statistique trimestrielle publiée par l'OFIAMT, les salaires nominaux ont progressé de 2,7% en moyenne entre les derniers trimestres de 1983 et 1984. Durant la période considérée, le taux de renchérissement s'est élevé à 3,0%. En termes réels, les revenus réels ont donc diminué de 0,3%. A la différence des deux années précédentes, la stabilisation du rythme de l'inflation et l'amélioration de la conjoncture ont quelque peu détendu le climat des négociations salariales. Dans l'évolution des salaires, on constate toutefois de fortes disparités entre les différents secteurs de production. En effet, au niveau des entreprises, la formation des salaires tend progressivement à se dissocier de la référence à l'indice des prix à la consommation dont la crédibilité reste contestée. La performance et les perspectives de développement spécifiques de chaque branche constituent dès lors des critères de plus en plus décisifs pour l'octroi ou le refus de concessions salariales. Cette orientation, perceptible depuis 1982, manifeste la volonté des employeurs de ménager à la politique des salaires une plus grande marge de manoeuvre. Ce retour à une fixation «individualisée» des salaires est interprétée par la gauche comme une nouvelle variante de l'offensive patronale à l'égard du principe de la compensation intégrale du renchérissement. Outre ses répercussions négatives sur le niveau de la demande et de la consommation, donc sur la conjoncture, cette pratique ne pourrait à leurs yeux que menacer les bases même de la politique conventionnelle [16].
Cette confrontation plus que théorique entre partisans et adversaires de l'indexation automatique et rétroactive des salaires s'est également manifesté aux Chambres, lors de l'examen du message concernant la modification du régime des allocations de renchérissement en faveur des fonctionnaires fédéraux. Afin d'établir une certaine parité des rétributions entre les secteurs public et privé et de soulager le ménage financier de l'Etat, le gouvernement préconisait de substituer à l'indexation semestrielle, accordée jusqu'ici, une adaptation annuelle unique. Invité à statuer en première instance, le Conseil des Etats a cautionné ce principe. Il a toutefois durci le projet en refusant de concéder aux autorités fédérales la compétence de verser une allocation de rattrapage, susceptible d'assurer la compensation intégrale du renchérissement en cas de forte inflation. Lesformations de la gauche, avocats des revendications du personnel fédéral, et la droite économique, à des fins diamétralement opposées ont tenté en vain de s'entreposer. Pour les premiers, le renforcement de la capacité concurrentielle de l'Etat à l'égard de l'économie privée sur le marché du travail ainsi que le maintien du pouvoir d'achat et de la paix du travail, jugés indispensables pour lutter contre le chômage, justifiaient pleinement la prorogation du régime en vigueur. En revanche, pour les radicaux notamment, reprenant à leur compte ces critères explicatifs, la situation privilégiée du personnel de la Confédération devait être corrigée. Dans ce sens, ils ont proposé que le Conseil fédéral puisse fixer l'allocation annuelle de renchérissement au-dessous du niveau du coût de la vie, si l'état de la conjoncture l'exige. Au Conseil national, une coalition, réunissant une majorité de la gauche et des démocrates-chrétiens, est néanmoins parvenue à mettre en échec les défenseurs des milieux économiques. Acceptée par 97 voix contre 94, une clause de compromis du conseiller Darbellay (pdc, VS) a renversé le rapport de force. Elle prévoit le versement d'une deuxième allocation annuelle lorsque l'inflation excède les 3% durant le premier semestre de l'année. Le Conseil des Etats a dans un deuxième temps maintenu sa position de principe et la chambre du peuple a infirmé sa décision initiale pour adopter la formule gouvernementale à laquelle les Etats se sont finalement ralliés [17].
 
[16] La Vie économique, 58/1985, p. 133 s. et 353 ss. ; cf. APS, 1983, p. 137. Politique salariale : SAZ, 9.1.84; USS, 7, 22.2.84; BaZ, 29.3.84; 7.12.84; 24.12.84. Au sujet des critiques réitérées à l'endroit des statistiques de l'OFIAMT portant sur la répartition des dépenses des salariés suisses cf. supra, part I, 4a (Konjunkturpolitik). Une statistique publiée par l'Union de banque suisse indique que la main-d'oeuvre suisse est devenue pour la première fois, en 1984, la plus chère d'Europe (G. Wyler in SBG-Wirtschaftsnotizen, Juni 1984, p. 10 s.). Concernant les salaires féminins, voir infra, part. I, 7d (Condition de la femme).
[17] BO CN, 1984, p. 820 ss.,1286 ss.,1460 ; BO CE, 1984, p. 18 ss., 418 ss., 554 ss., 593 ; FF, 1984, III, p. 84 s. Cf. APS, 1982, p. 122; 1983, p. 137.