Année politique Suisse 1984 : Politique sociale / Santé, assistance sociale, sport
Politique de la santé
Bien que l'assurance-maladie ne soit qu'un des supports de la politique de la santé, son nouveau projet de révision partielle a occupé l'avant-scène des débats en la matière. Il a ainsi posé le cadre d'une réflexion tant synthétique que prospective sur ses divers champs d'intervention. En raison de l'augmentation exponentielle des coûts des prestations médicales, les prises de position se sont à nouveau principalement concentrées sur les aspects financiers de la sécurité médico-sociale. Au-delà des enjeux spécifiquement politiques du problème, acteurs et observateurs de la santé ont tenté de définir les raisons de cette «inflation sanitaire». De nombreuses analyses ont mis en cause le mode de financement de la santé comme son organisation générale. Les responsabilités ont donc été distribuées de manière très diffuse indiquant par là, les difficultés d'un tel exercice et, a fortiori, la complexité du système sanitaire. Au niveau de l'offre, on a notamment stigmatisé la densité excessive de médecins et le niveau élevé de leurs rémunérations qui, modulé en fonction du nombre de consultations et d'actes techniques, favoriseraient une sorte «d'activisme médical» jugé disproportionné. La planification défectueuse du secteur hospitalier et la prise en charge automatique par les autorités des déficits des établissements publics sont également interprétées, comme des éléments dynamiques de cette explosion des coûts. Au même titre, le développement des cliniques privées à but lucratif, notamment celles de la société «American Medical International», a suscité de vives polémiques, compte tenu du nombre des hôpitaux surdimensionnés et suréquipés. Un débat plus général s'est engagé sur l'efficacité et les répercussions des investissements considérables affectés à la technologie médicale de pointe. Pour sa part, la gauche a particulièrement incriminé la situation financière de plus en plus florissante de l'industrie pharmaceutique. La demande d'assistance médicale serait également partie prenante de cette «crise financière» de la santé. Le patient agirait en méconnaissance totale des coûts qu'il occasionne et qui tombent ainsi à la charge de la collectivité. Dans ce sens, les prestations des assurances et des caisses-maladie auraient un effet démobilisateur sur l'assuré et stimulateur sur la demande. Ces observations ont mis en évidence qu'aucun des partenaires «classiques» de la santé (médecins et hôpitaux, patients et caisses-maladie) n'est incité à l'économie.
Les propositions envisagées dans le cadre de la révision partielle de l'assurance-maladie, afin d'enrayer cette progression disproportionnée des coûts, restent principalement orientées vers l'assainissement du secteur médical et hospitalier, sans toutefois apporter de modifications significatives à sa structure actuelle. On constate en effet, que les préoccupations financières des parlementaires contreviennent à l'adoption de mesures qui détacheraient la politique de la santé de la seule médecine. Cependant, nombreux sont les défenseurs d'une approche plus globale et décentralisée de la question. Leurs solutions reposent sur l'intégration de l'ensemble des facteurs susceptibles d'influencer l'état de santé de la population, impliquant une sorte de «ventilation» appropriée des investissements. Afin d'assurer au patient une prise en charge aussi large que possible, ils postulent notamment le développement des soins à domicile et l'autothérapie. Ils préconisent également le renforcement effectif de la médecine préventive et relèvent la nécessité d'encourager une «hygiène de vie» plus saine
[1]. A ce propos, suite à la désapprobation de la majorité des cantons et des milieux économiques, le Conseil fédéral a renoncé à l'idée d'une législation fédérale sur la prévention. En revanche, comme les oppositions s'attachaient plus à la forme de la loi, jugée trop centralisatrice et dirigiste, qu'à ses objectifs, des mesures de remplacement sont à l'étude. Il s'agirait de mieux soutenir et de mieux coordonner, à l'échelon fédéral, le travail des différentes commissions consultatives, compétentes en matière de santé publique. Significativement, le nouveau rapport de la Commission fédérale pour l'alimentation, consacré à l'état nutritionnel de la population, relève que de gros efforts doivent encore être entrepris pour lutter contre «l'analphabétisme sanitaire». Elle démontre en effet qu'en Suisse, 40% des décès prématurés sont imputables à de mauvaises habitudes alimentaires
[2].
[1] Explosion des coûts de santé: Vr, 13/14.1.84; TA, 24.1.84; VO (édition Genève), 27.4.84; Bund, 2.6.84; BaZ, 4.10.84; 9.11.84; 14.11.84; 17.11.84; 22.11.84; 24.11.84; 28.11.84; RFS, 16/17, 17.4.84; G. Koch, Entwicklungsanalyse und Entwicklungsperspektive von Angebot und Nachfrage in der Schweiz, St. Gallen 1984; G. Pedroni, «Nachfragesteuerung im Gesundheitswesen», in Studien zur Gesundheitsökonomie, Basel 1984, no 6; voir aussi APS, 1983, p. 141 ss. Concernant le débat sur le programme d'urgence de la révision partielle de l'assurance-maladie et son contexte voir infra, part I, 7 c (Assurance-maladie). Solutions alternatives: JdG, 12.1.84; 11.5.84; TA, 17.1.84; TAM, 4.2.84; BaZ, 2.7.84. Cliniques privées: SGT, 25.5.84; VPOD, 23/24, 7.6.84; TA, 22.8.84; VO, 45, 8.11.84; voir aussi Motion Meyer, ps, BE (Délib. Ass. féd., 1984, V, p. 65) et BO CN, 1984, p. 988 s.
[2] Loi sur la prévention : SZ, 1 .2.84 ; BaZ, 6.8.84 ;NZZ, 4.12.84 ; cf. APS, 1983, p. 142 s. ; 1982, p. 126. Rapport de la Commission fédérale pour l'alimentation : presse du 7.3.84. Dans le cadre de la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, le Conseil national a décidé de supprimer des subventions mineures au domaine de la santé publique (BO CN, 1984, p. 91 s.).
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