Année politique Suisse 1984 : Politique sociale / Santé, assistance sociale, sport
Assistance sociale
Depuis de nombreuses années, l'opinion publique comme la classe politique partagent le sentiment d'une disproportion injustifiée entre les mesures de protection légale et sociale en faveur des délinquants et
l'assistance aux victimes d'infractions pénales. On estime en effet que les difficultés tant matérielles que psychologiques de ces dernières sont insuffisamment prises en charge par la collectivité. Pour tenter d'établir une certaine «égalité de traitement», en assurant une meilleure indemnisation aux victimes d'actes de violence, les Chambres se sont prononcées sur les deux solutions en présence: l'initiative des journalistes du «Beobachter», déposée en 1980, et le contre-projet du gouvernement. Si le principe même de la requête n'a pas été contesté, des divergences se sont manifestées d'une part sur la délimitation du cercle des bénéficiaires, en raison de son enjeu financier, et d'autre part sur la répartition des compétences. Soucieux de n'accorder à l'Etat central qu'un rôle subsidiaire, afin de laisser aux cantons l'organisation principale de la solidarité, les parlementaires ont préféré le texte gouvernemental au projet des auteurs de l'initiative, jugé plus conforme aux besoins réels des victimes comme aux préoccupations d'économies de la Confédération. Dans ce sens le contre-projet donne la priorité au soutien moral des victimes éventuelles et envisage de ne verser de prestation en nature qu'en dernier recours et à celles d'entre elles qui seraient confrontées à des difficutés matérielles. Sur ce point, la décision des Chambres dépasse les dispositions du Conseil fédéral qui ne prévoyait de solliciter l'assistance des pouvoirs publics qu'au profit des seuls cas sociaux. Au cours des délibérations, les conseillers nationaux libéraux ont dénoncé l'intervention de l'Etat dans ce domaine qu'ils jugent du ressort exclusif de la responsabilité individuelle. Satisfaits de la solution négociée au Parlement, laquelle dépasse sur certains points leurs intentions, les promoteurs de l'initiative ont abandonné leurs prétentions. Le 2 décembre, 82% du corps électoral s'est prononcé en faveur du contre-projet, soumis seul à son verdict. Seuls les libéraux et le Redressement national se sont opposés à l'adoption des mesures proposées
[9].
Plusieurs démarches, visant une meilleure canalisation des
revendications des handicapés ont ouvert le débat sur les voies et moyens d'une politique plus efficace d'intégration sociale. Un comité, fondé en 1983, a demandé au Conseil fédéral la création d'une commission fédérale pour les handicapés. Son projet de règlement prévoit une représentation majoritaire de handicapés au sein de cette institution, laquelle entreprendrait notamment des études continues et approfondies sur cette catégorie de défavorisés. Face à la diversité des intérêts en présence, certains organismes d'entraide doutent qu'une action centralisée et institutionnalisée puisse satisfaire la demande. D'autres s'opposent à la conception même de ce forum tant elles craignent l'instauration d'une politique d'assistance sélective. Pour le Bernois Fritz Bütikofer, la mise sur pied d'un parti suisse des handicapés se justifiait par la nécessité de leur garantir une participation directe à l'élaboration des décisions les concernant. Conçu comme une formation d'obédience centriste, axée sur un programme de politique sociale, ce parti envisageait de se faire connaître par le lancement d'une initiative revendiquant le «droit au travail» pour ceux qui sont souvent les premières victimes de la récession et des restructurations économiques. Il s'agissait d'imposer à chaque entreprise l'introduction d'un pourcentage obligatoire de travailleurs handicapés. La majorité des partis et des organisations spécialisées ont refusé d'adhérer au principe d'une telle force politique, basée sur une sorte de corporatisme, qu'ils considèrent comme un instrument de marginalisation. Pour répondre à l'exigence d'une meilleure communication sociale, ses opposants préconisent un militantisme plus actif des handicapés à l'intérieur de la structure partisane existante. Sceptique quant à ses chances d'expansion, le nouveau parti s'est résigné à voter sa propre dissolution
[10].
[9] APS, 1983, p. 145 ; BO CN, 1984, p. 253 ss. ; p. 271 ss. ; BO CE, 1984, p. 243 ss. ; p. 416 ss. Campagne : BaZ, 13.11.84; NZZ, 13.11.84; 23.11.84; 27.11.84; JdG, 20.11.84; 24 Heures, 21.11.84; TA, 24.11.84. Résultats: FF, 1984, I, p. 273 ss.; Vox, Analyse des votations fédérales du 2 décembre 1984, Zurich 1985; voir aussi APS, 1980, p. 125.
[10] Commission fédérale pour les handicapés: NZZ, 20.1.84; 10.2.84; BO CN, 1984, p. 103 (CF Egli). Parti suisse pour les handicapés: Suisse, 4.2.84; NZZ, 27.3.84; 9.10.84; BaZ, 1.8.84; TA, 22.10.84. Handicapés et marché du travail: Bund, 3.4.84; NZZ, 2/3.6.84 ; BZ, 11.8.84. Intégration dans la défense nationale: BaZ, 23.1.84; NZZ, 23.1.84. La fondation suisse «Mütter-Pflegekinderhilfswerk» a donné une impulsion à l'aide non-institutionnelle en tentant de stimuler un mouvement d'assistance individuelle au niveau du voisinage (NZZ, 11.1.84); voir aussi APS, 1983, p. 145.
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