Année politique Suisse 1985 : Eléments du système politique / Structures fédéralistes
Rapports entre la Confédération et cantons et entre les cantons
Alors qu'elles auraient dû contribuer à donner un souffle nouveau au fédéralisme helvétique, les votations sur les cinq révisions constitutionnelles rendues nécessaires par le premier paquet de la nouvelle
répartition des tâches entre Confédération et cantons ont montré au contraire le scepticisme habitant le peuple suisse à l'égard d'un fort pouvoir financier des cantons. Du message publié par le Conseil fédéral à fin 1981 et dans lequel était proposée une première série de mesures visant à débroussailler l'enchevêtrement des attributions entre les deux niveaux administratifs, ont en effet succombé successivement deux des objets les plus importants: après le refus des Chambres l'année précédente de supprimer l'aide fédérale à la construction de logements, c'était au tour du projet de suppression des subventions fédérales aux bourses d'études de ne pas trouver grâce devant le peuple et les cantons au cours du week-end du 10 mars. Avec une majorité de «non» élevée à 52,4% (et 14 1/2 cantons contre 8 1/2), le souverain a ainsi signifié sa méfiance quant à une délégation excessive de compétences trop importantes à des cantons susceptibles de ne pas pouvoir les supporter financièrement. Ce qui pourrait être considéré comme une victoire de l'Etat central n'en est cependant pas une. Au contraire, celui-ci devra ainsi continuer à verser annuellement quelque 70 millions de francs aux cantons, une somme dont il espérait bien être dispensé dans l'optique de son plan d'assainissement des finances fédérales directement lié à ce processus de nouvelle répartition. Des cinq objets soumis au verdict populaire, celui devant décider de la suppression ou non des subsides à la formation a été de loin le plus discuté, les quatres autres n'engendrant pas de véritable polémique, parce que de nature trop floue pour le citoyen. C'est ainsi que le 10 mars, la suppression de l'aide fédérale aux écoles primaires et à la santé publique passait la rampe sans passion par respectivement 58,5% et 53,0% de suffrages favorables. Trois mois plus tard, le 9 juin, le souverain décidait par 66,5% et 78,7% de «oui», après l'avoir déjà approuvé provisoirement cinq ans plus tôt, que les cantons ne toucheraient définitivement plus à l'avenir de pourcentage au produit du droit de timbre et, que leur part au bénéfice de la Régie des alcools descendrait de 50% à 10% (5% de 1981 à 1985). La faible participation (34,4% et 35,1%) enregistrée à l'occasion de ces scrutins illustre bien dans quel climat s'est déroulée la campagne. Mis à part les subsides de formation, les citoyens ne se sont guère sentis concernés par les objets qui leur étaient soumis ainsi que l'a confirmé par la suite un sondage effectué après la première votation
[1]. Ceux-ci avaient en outre recueilli les faveurs des grands partis, à l'exception des socialistes qui avaient recommandé le maintien de l'aide fédérale aux bourses d'études
[2].
A la demande des directeurs cantonaux des finances,
le Conseil fédéral a décidé d'échelonner l'entrée en vigueur de ce premier train de mesures. C'est ainsi que les nouvelles normes édictées sur la protection civile, l'école obligatoire, la santé publique, les prestations complémentaires à l'ANS/AI, les contributions à l'AVS et la péréquation financière ont pris effet au lei janvier 1986, de même que la réglementation définitive des parts cantonales au droit de timbre et au bénéfice de la Régie des alcools. Celles touchant l'exécution des peines, l'enseignement ménager, la gymnastique et le sport, ainsi que l'aide aux réfugiés ont été reportées à une année plus tard. Comme la révision partielle de l'assurance-maladie a pris un retard considérable et n'entrera vraisemblablement pas en vigueur avant 1988, les Chambres ont toutefois approuvé, sur proposition du Conseil fédéral, un arrêté qui suspend temporairement la suppression de la charge des cantons au titre de l'ANS. Il est en effet prévu de compenser cet allégement par une participation de ceux-ci à la moitié des subventions fédérales en faveur des caisses-maladies
[3].
L'échec enregistré par le projet de la suppression des subsides accordés aux apprentis et aux étudiants risque d'entraîner de fâcheuses conséquences pour la suite des opérations, et ceci tout spécialement dans l'optique du second paquet. Le verdict rendu par les urnes traduit en effet un
manque de confiance certain au sein de la population dans les possibilités des cantons lorsque l'objet prend une importance trop grande. Dès lors, il est probable que la deuxième donne de compétences entre Confédération et cantons rencontre, elle aussi, des obstacles non négligeables sur son chemin. Les premières prises de position affichées en fin d'année par les cantons, partis et associations consultés par le DFJP à ce sujet l'ont d'ailleurs confirmé. Une grande partie des cantons s'est élevée contre la nouvelle charge financière que ce second train de mesures lui apportera s'il est accepté. Celle-ci se monte selon les prévisions à 70 millions de francs. L'un des seize domaines touchés par cette deuxième répartition, la redistribution des charges de l'assurance-invalidité, n'est pas combattu par les cantons, puisque celle-ci leur rapporterait finalement 25 millions de francs, mais elle l'est par contre par les quatres partis gouvernementaux et les organisations concernées. Les socialistes sont même allés plus loin en refusant d'entrer en matière sur ce second paquet. Ceux-ci estiment en effet que ce dernier, comme son prédécesseur, ne vise qu'à assainir les finances fédérales, alors qu'il risque de porter préjudice aux habitants des cantons économiquement faibles
[4]. Dans un autre domaine, le souverain a marqué sa préférence pour l'intérêt collectif au détriment de celui des principes du fédéralisme en acceptant au début de l'automne d'harmoniser la période de la rentrée scolaire entre les cantons. De même, le Conseil des Etats a refusé, lui, d'accorder la garantie fédérale à un passage de la nouvelle Constitution du demi-canton de Bâle-Campagne portant sur la construction d'installations nucléaires. Là également, l'intérêt général a été jugé supérieur aux principes fédéralistes
[5].
A l'heure de cette nouvelle répartition des tâches, la collaboration intercantonale offre des perspectives intéressantes. Le principe de base est simple: un canton ou une région prend à sa charge un service public et en fait profiter les autres membres de l'accord qui, en retour, offrent chacun un autre type de service. Les deux Bâles ont entrepris des démarches dans ce sens à la fin du mois de novembre. Plus concrètement, un avant-projet d'une convention régionale sur l'infrastructure hospitalière a été soumis à la procédure de consultation dans les cinq cantons alémaniques du Nord-Ouest de la Suisse (AG, BL, BS, BE, SO)
[6].
Dans le canton de Zurich, après que le Tribunal fédéral eut rejeté le recours déposé contre les deux premières acceptées par le peuple l'année précédente, la troisième partie du paquet de la péréquation des charges entre canton et communes a recueilli l'approbation du législatif. Celle-ci, qui doit encore passer devant le souverain, a pour but d'apporter une simplification sensible des relations entre les deux niveaux administratifs. Le canton de Zurich s'est en outre agrandi d'un district supplémentaire, celui de Dietikon, à la suite de la scission du district du chef-lieu, devenu trop populeux pour pouvoir être géré convenablement. Le Conseil d'Etat tessinois a pour sa part déposé deux projets de révision de la loi sur les communes et de la loi sur la péréquation financière intercommunale. Le premier prévoit notamment l'obligation pour les communes de se soumettre à un nouveau modèle comptable identique pour toutes
[7].
[1] Votations: FF, 1985, I, p. 733 ss. et 1531 ss.; II, p. 295 ss. et 677 ss.; presse des 11.3 et 10.6.85. Voir en outre RFS, 6, 12.2.85; 20, 21.5.85; TA, 14.2.85; 4.3.85; JdG, 26.2.85; 30.5.85; L'Hebdo, 11, 14.3.85; BaZ, 18.5.85; APS, 1984, p. 28 s., ainsi que APS, 1980, p. 76 s. (part des cantons au produit du droit de timbre et au bénéfice de la Régie des alcools). Sondage: Vox, Analyses de la votation fédérale du 10.3.85, Zurich 1985 ; TA, 24.5.85. Pour ces cinq votations, cf. infra, part. I, 5 (Sparmassnahmen), 7b (Politique de la santé, Produits engendrant la dépendance), 8a (Primar- und Mittelschulen, Stipendien). Littérature en relation avec cette nouvelle répartition des tâches: cf. supra, part. I, 1a (Analysen von Entwicklungen und Prozessen).
[2] Favorables aux cinq objets: PRD, PDC, UDC, PIS. Défavorables uniquement à la suppression des subsides fédéraux aux bourses d'études : PSS, AdI, PEP, AN. Défavorables aux cinq objets : PdT, PSO, POCH (NZZ, 6.3.85 ; BaZ, 6.6.85).
[3] FF, 1985, II, p. 705 ss.; BO CE, 1985, p. 497 ss. et 608; BO CN, 1985, p. 1653 ss. et 1860. Grâce à ces premières mesures, ce sont 140 millions de francs en moins que la Confédération aura à supporter en 1986 (NZZ, 3.12.85).
[4] Bund, 8.11.85; TA, 31.12.85; APS, 1984, p. 29.
[5] Harmonisation de la rentrée scolaire: cf. infra, part. I, 8a (Primar- und Mittelschulen). Constitution de BL: cf. infra, part. I, 6a (Energie nucléaire).
[6] Bâle: BaZ, 29.11.85; 30.11.85. Infrastructure hospitalière: AT, 23.1.85.
[7] Péréquation des charges à Zurich: NZZ, 22.10.85; APS, 1984, p. 30. District de Dietikon: TA, 4.3.85; 11.3.85; 30.4.85. Les onze communes concernées se sont toutes prononcées contre la séparation. Tessin: CdT, 17.7.85. Cf. en outre infra, part. II, 1i et 2c.
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