Année politique Suisse 1985 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Organisation des Nations Unies
Le débat relatif à l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies (ONU) s'est poursuivi en cette année qui marquait le 40e anniversaire de la Conférence de San Francisco. Lors des cérémonies célébrant celui-ci, le chef du DFAE, au Palais des Nations à Genève, et le secrétaire d'Etat E. Brunner, devant l'Assemblée généralé à New York, ont rappelé la tâche accomplie par l'ONU depuis 1945, notamrnent dans le domaine humanitaire et lors de l'accès à l'indépendance d'un grand nombre de nouveaux Etats. Ils ont en outre évoqué tout spécialement la
votation populaire qui sera organisée dans notre pays en 1986 et qui décidera de l'entrée ou non de la Suisse au sein de l'organisation. Le scrutin a été fixé par le Conseil fédéral au 16 mars. Vu l'importance de celui-ci, aucun autre objet ne sera soumis à votation ce jour-là. Pourtant, et même s'il est activement soutenu tant par le Conseil fédéral que par une large frange des parlementaires fédéraux, le projet d'adhésion semble devoir rencontrer bien des problèmes. L'ONU traverse en effet actuellement l'une des crises les plus graves de son histoire. Depuis quelques années, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour dénoncer son inefficacité
[19].
Dans notre pays,
les opposants à l'adhésion appuient également partiellement leur argumentation sur ce fait. Leur principal cheval de bataille reste toutefois la neutralité helvétique qu'ils jugent incompatible avec un siège à l'Assemblée générale. Au contraire, ceux qui sont favorables an projet, emmenés par le Conseil fédéral, estiment que cette neutralité sortira encore renforcée par une entrée à l'ONU, car ainsi nous pourrons mieux l'expliquer aux 159 autres Etats membres. P. Aubert a par ailleurs rappelé qu'une adhésion ne changerait en rien l'orientation de notre politique étrangère. Elle permettrait même d'augmenter les possibilités d'offrir nos bons offices. Lors d'une visite à Berne, le secrétaire général de l'ONU, X. Perez de Cuellar, a déclaré que c'est justement en raison de sa neutralité que la Suisse se devait d'entrer dans l'organisation. En cours d'année, de nombreux comités en faveur ou en défaveur de l'adhésion se sont constitués au sein des cantons. Socialistes et Action nationale mis à part, les partis politiques sont divisés sur le problème
[20]. Selon plusieurs sondages réalisés en cours d'année, les adversaires de l'adhésion étaient toujours estimés plus nombreux que les partisans
[21].
De même que l'ONU,
l'UNESCO est toujours aux prises avec une crise aiguë. Après le retrait américain survenu à la fin de l'année 1984, une interpellation urgente déposée par J.-P. Bonny (prd, BE) a déclenché un débat virulent sur ce sujet au sein du Conseil national. Certains parlementaires des partis bourgeois ont saisi l'occasion pour dénoncer la politisation et la bureaucratisation croissantes de l'organisation, ainsi que l'influence déterminante de son directeur général M'Bow dans cette évolution. En face, la gauche s'est efforcée d'atténuer le malaise en mettant en évidence le fait que, depuis la création de l'UNESCO, les rapports de force s'étaient modifiés avec la décolonisation. P. Aubert s'est pour sa part déclaré convaincu que c'est en restant à l'intérieur de l'UNESCO que la réforme de celle-ci est possible. En automne, lors de la Conférence générale de Sofia, la délégation suisse a adopté une attitude critique et constructive. C'est ainsi qu'elle a refusé d'augmenter sa cotisation pour compenser le départ des Etats-Unis qui fournissaient à eux seuls le 25% du budget. Elle a vu d'autre part adopter son plan d'action visant à éliminer d'ici l'an 2000 l'analphabétisme dans le monde entier. Malgré certains signe de décrispation, la crise semble cependant loin d'être surmontée. La Grande-Bretagne a en effet décidé, en fin d'année, de se retirer à son tour de l'organisation
[22].
Présenté par le Conseil fédéral, le Vaudois J.-P. Hocké a été élu par l'Assemblée générale de l'ONU Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Celui-ci a succédé au Danois P. Harding. La délégation suisse à la Conférence mondiale de la femme à Nairobi, dirigée par E. Kopp, a pour sa part réussi à faire inscrire dans le rapport final de celle-ci le principe du respect des droits de l'homme
[23]. Enfin, les Chambres ont décidé d'augmenter sensiblement notre contribution au Fonds des Nations Unies pour la lutte contre l'abus de drogues. Le trafic des stupéfiants étant en effet de plus en plus imbriqué dans des réseaux internationaux, la collaboration entre pays s'avère essentielle
[24].
[19] 40e anniversaire: 24 Heures, 19.10.85; Suisse, 24.10.85; 25.10.85; E. Brunner, «Que ferait la Suisse à l'ONU», in Documenta, 1985, no 4, p. 16 s. Date du scrutin: FF, 1985, III, p. 440. Crise de l'ONU: selon un sondage populaire effectué dans 17 pays du monde entier, neuf parmi ces derniers considèrent comme «mauvais» le travail fait par l'ONU, contre sept, dont la Suisse (48% contre 24% et 28% sans opinion), qui l'estiment «bon» (Ww, 16, 18.4.85). Cf. APS, 1984, p. 48 s.
[20] Opposants: cf. «La Suisse et l'ONU», publication des Cahiers de la Renaissance vaudoise, 1985. Favorables: cf. BO CN, 1985, p. 1975 s. (questions orales Wyss, prd, BS et Mühlemann, prd, TG) ; BaZ, 1.7.85 (F. Pometta, observatrice suisse à l'ONU); 24 Heures, 2.7.85 (X. Perez de Cuellar); JdG, 30.11.85 (appel des anciens CF Petitpierre, Spühler et Graber); K. Furgler, «Quarante ans d'ONU», X.P. de Cuellar, «L'organisation mondiale par excellence» et P. Aubert, «Le rôle des neutres et des non alignés», in Documenta, 1985, no 2, p. 2 s., 5 et 6 s. ; K. Furgler, «Neutralität und Wirtschaft — zwei Aspekte eines UNO-Beitritts» et P. Aubert, «L'adhésion de la Suisse à l'ONU», in Documenta, 1985, no 4, p. 6 ss. et 11 ss. ; E. Kopp, «Überlegungen zum UNO-Beitritt», in Schweizer Monatshefe, 65/1985, p. 1021 ss. Helvetas s'est prononcé en faveur de l'adhésion (NZZ, 10.9.85) ; le Vorort n'a pas voulu prendre position (NZZ, 18.12.85). Un comité pour l'entrée de la Suisse à l'ONU s'est formé sur le plan national sous la direction de l'ancien CF Friedrich (BaZ, 16.4.85). Voir aussi SGT, 20.9.85; 18.10.85; 19.10.85; 4.11.85.
[21] Sondages: 24 Heures, 30.5.85 (39,6% défavorables à l'entrée contre 36,4% favorables et 24% d'indécis); Ww, 31, 1.8.85 (38% contre 35% et 27% d'indécis); JdG, 24.12.85 (51,4% contre 43,9% et 4,7% d'indécis selon sondage de Coopération). Voir aussi R. Escher, Friedliche Erledigung von Streitigkeiten nach dem System der Vereinten Nationen, Zürich 1985.
[22] Débats parlementaires: BO CN, 1985, p. 512 ss. et 2069 s.; presse du 15.3.85. Le 70% du budget de l'UNESCO est actuellement absorbé par les frais d'administration, 30% seulement étant consacrés aux programmes (24 Heures, 14.5.85, CN Pidoux, prd, VD). Voir en outre Ww, 18, 2.5.85 ;NZZ, 4.5.85 ; P. Aubert, «La Suisse, l'UNESCO et l'ONU», in Documenta, 1985, no 1, p. 4 ss. Conférence de Sofia: NZZ et 24 Heures, 12.11.85. Retrait britannique: BaZ, 6.12.85. Cf. APS, 1984, p. 49.
[23] Hocké: TA, 11.-13.12.85. Conférence de Nairobi: Suisse, 1.8.85.
[24] BO CN, 1985, p. 577 ss.; BO CE, 1985, p. 275; FF, 1985, II, p. 312. La contribution suisse passera de 100 000 à 200 000 francs en 1986. Depuis la mi-juillet, la Suisse prend également part aux travaux du «Groupe Pompidou» (BO CN, 1985, p. 778). Voir également infra, part. I, 7b (Produits engendrant la dépendance).
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