Année politique Suisse 1985 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Politique économique extérieure
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Exportations contestées
Alors qu'elle avait, au cours de ces dernières années, accusé unei baisse constante, atteignant 0,65% en 1984, la part des exportations d'armements sur le total des marchandises suisses vendues à l'étranger est brusquement remontée en 1985 à 0,81 %. Le DMF a cependant tenu à préciser que cette hausse n'était pas due à un changement dans la pratique des autorisations, mais aux fluctuations des commandes, ainsi qu'à la complexité toujours plus grande du matériel fourni [48]. Sur la base du rapport de la commission d'étude ad hoc du DMF, le Conseil fédéral a finalement décidé de ne pas soumettre le Pilatus PC-7 à la législation sur le matériel de guerre. Le gouvernement a toutefois reconnu que l'appareil pouvait facilement être transformé en avion de combat par certains pays où celui-ci était livré. Les considérations d'ordre juridique (éviter de créer un précédent), militaire (une législation trop sévère nuirait à l'apport technique de Pilatus), économique (Pilatus emploie 850 personnes, soit 22% de la main-d'oeuvre de Stans) et diplomatique (ces exportations ne nuisent pas à notre pays au point de devoir les interdire) l'ont cependant emporté sur celles d'ordre moral. Le débat parlementaire, suscité au Cónseil national par un postulat de la minorité de la Commission de gestion lors de la session d'été, a largement conforté le Conseil fédéral dans sa position [49].
En vendant, par l'intermédiaire de l'Italie, une septantaine de kilos de plutonium à la France pour son surrégénérateur Superphénix, les Forces motrices bernoises (FMB) ont placé le Conseil fédéral dans une position difficile. La politique suisse, en matière de livraisons de matériel destiné à des installations nucléaires, entend en effet respecter le Traité de non-prolifération des armes nucléaires dont notre pays est membre. Or, la France n'a jamais ratifié celui-ci et elle n'a pas exclu d'utiliser le surrégénérateur pour la fabrication de bombes atomiques [50]. De son côté, le Conseil national a approuvé l'amendement de l'article VI du statut de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) garantissant un siège permanent à la Chine populaire au sein du Conseil des gouverneurs, de même que la Convention sur la protection physique des matières nucléaires signée par la Suisse en 1980. Il a en outre accordé une rallonge de 15 millions de francs pour permettre la poursuite du projet de réacteur à haute température en collaboration avec l'Allemagne fédérale. Ces trois dossiers doivent encore passer devant la chambre des cantons. La Commission de l'énergie du Conseil national a quant à elle pris position en faveur de l'approbation de l'accord de coopération sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire signé l'année précédente avec l'Egypte après avoir toutefois demandé un rapport complémentaire au Conseil fédéral. Cet accord a soulevé le mécontentement de nos principales ceuvres privées d'entraide, désireuses de voir nos exportations favoriser avant tout les petits projets axés sur les besoins des couches les plus pauvres de la population [51].
 
[48] NZZ, 25.1.86. Au total, 84 pays nous ont acheté pour 540,6 millions de francs de matériel de guerre. Le destinataire le plus important a été la Turquie (118,9 millions), suivie de l'Arabie séoudite (101,1) et du Nigéria (83,6).
[49] Décision du CF: presse du 12.3.85. Débat parlementaire: BO CN, 1985, p. 1200 ss.; 24 Heures, 21.6.85. Le postulat, qui allait dans le sens d'une restriction dans l'exportation du PC-7, a été rejeté par 95 voix contre 39 (en majorité socialistes). Utilisation du PC-7 à des fins militaires: voir TA, 12.1.85 (Guatemala) et 24 Heures, 26.1.85 (Irak). Cf. APS, 1984, p. 77 s. L'Arabie Séoudite a signé un contrat pour l'acquisition de trente PC-9 à Pilatus (Vat., 27.9.85).
[50] 24 Heures, 3.6.-5.6.85. Malgré son mécontentement lié à cette livraison, le gouvernement américain a autorisé le retransfert en Suisse de 200 kilos de plutonium entreposés à La Hague et issus d'uranium enrichi américain (TA, 9.8.85). Traité de non-prolifération: cf. APS, 1977, p. 41 s.
[51] AIEA: FF, 1985, II, p. 157 ss.; BO CN, 1985, p. 1983; NZZ, 10.12.85. Convention: FF, 1985, II, p. 353 ss.; BO CN, 1985, p.1883 ss.; NZZ, 3.12.85. Réacteur à haute température: FF, 1985, II, p. 1293 ss.; BO CN, 1985, p. 2202 ss.; 24 Heures, 12.9.85; 20.12.85. Accord avec l'Egypte: FF, 1985, II, p. 49 ss.; BZ, 22.10.85; NZZ, 24.10.85; 15.11.85. Cf. APS, 1984, p. 78. La motion déposée par A. Fetz (poch, BS) demande que la GRE soit systématiquement refusée pour les exportations de matériel nucléaire soumises à autorisation et notamment vers les pays les plus pauvres du tiers monde (Délib. Ass. féd., 1985, V, p. 51).