Année politique Suisse 1985 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Politique économique extérieure
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Relations économiques bilatérales
Les relations économiques bilatérales entretenues par la Suisse avec ses voisins européens ont été assombries par l'introduction, en début d'année, des redevances routières dans notre pays. Celles-ci sont en effet considérées par la majorité des gouvernements qui nous entourent comme une entrave au transport international. Si la vignette autoroutière a elle aussi été l'objet de vives critiques, l'essentiel des réactions s'est toutefois porté sur la taxe poids lourds. A la protestation de l'Union internationale des transports routiers (IRU) se sont ajoutées celles de plusieurs Etats membres de la CE, de même que celles de certains pays de l'Est. Le différend opposant les deux parties a tourné en fait autour de l'interprétation juridique de la taxe: alors que celle-ci a été présentée par Berne comme une simple redevance affectée à un service rendu, elle a par contre été ressentie par les pays européens comme un impôt contraire à l'esprit des accords de libre-échange signés par la Suisse en 1972. Certains de nos voisins ont ainsi pris des mesures analogues frappant uniquement les routiers suisses. Si le Conseil fédéral n'a pu s'opposer à celles-ci, il a par contre mené de nombreuses et fructueuses discussions bilatérales par l'intermédiaire de son délégué aux accords commerciaux compétent et par celui de nos ambassades afin de veiller à ce que ces taxes ne soient pas sans commune mesure avec le tarif helvétique. C'est ainsi que l'Allemagne fédérale s'est contentée d'instituer une taxe équivalente. La Confédération est d'autre part parvenue à des accords avec la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie et la République démocratique allemande après que celles-ci eussent pris des mesures de rétorsion contre les routiers suisses. L'Espagne, pour sa part, a supprimé en cours d'année son «canon de coincidencia» après que le Conseil fédéral eut pris une contremesure de rétorsion. L'Italie a quant à elle renoncé à toute taxe supplémentaire [59].
Les discussions entre la Pologne et ses principaux pays créancie Is occidentaux ont débouché dans le courant de l'année sur la signature de deux procès-verbaux de consolidation et de rééchelonnement de dettes. Les négociations entre notre pays et l'Etat polonais portant sur le rééchelonnement de 276 millions de francs n'ont toutefois pas pu encore être menées à terme. Le Conseil fédéral a cependant conclu avec la Yougoslavie un nouvel accord de consolidation de crédits garantis par la GRE d'un total de 85 millions de francs [60].
Grâce aux conditions économiques générales favorables et à un dollar surévalué, nos exportations vers les Etats-Unis ont poursuivi leur progression spectaculaire. Malgré cela, certains points litigieux se sont faits la source de conflits. En raison de l'important déficit de sa balance commerciale et du cours du dollar, Washington a signifié sa volonté de renforcer à l'avenir ses mesures protectionnistes. Parmi celles-ci, celles touchant les machines-outils, les chaussures en cuir et les produits contenant du sucre menacent plus particulièrement nos intérêts. Un projet de loi prévoyant un plafonnement des taux de croissance pour les importations de textiles a suscité quant à lui de la part de nos autorités de vives protestations car en violation flagrante des règles du GATT: le Canada et la CE seraient en effet exemptés de cette restriction. Face aux multiples tracasseries causées par le gouvernement américain aux entreprises suisses désireuses d'acquérir aux Etats-Unis des produits de haute technologie, le Conseil fédéral a décidé d'étendre au transit les restrictions apportées à l'exportation de marchandises de ce type. La révision de cette ordonnance rapproche ainsi les exigences suisses de celles du «Coordinating Committee for Multilateral Export Controls» (Cocom) qui permet aux pays de l'OTAN et au Japon de contrôler les exportations de produits de technologie sensible vers les pays de l'Est [61].
Conséquence directe de l'affaire Marc Rich, la Suisse a engagé avec les Etats-Unis des pourparlers visant à clarifier les mécanismes d'entraide judiciaire entre les deux pays. Si, du côté américain, l'on s'est déclaré prêt à mieux respecter ceux-ci, la délégation helvétique a déclaré la volonté de notre pays à accélérer la procédure d'entraide. Pour cela, il est prévu de renoncer à l'effet suspensif des recours contre les décisions de l'Office fédéral de la police (OFP). C'est également en partie à la suite d'un différend avec Washington que le Conseil fédéral a présenté un projet de loi réprimant les opérations boursières dites «d'initiés» et a approuvé un nouveau traité d'extradition avec les Etats-Unis. Ce dernier ne touche toutefois pas les délits fiscaux comme le désiraient les Etats-Unis [62].
La Suisse a conclu avec le Canada, en mars à Ottawa, un accord secret qui n'a été révélé au grand public qu'une année plus tard à la suite d'une indiscrétion. Cet accord offre la possibilité à certaines entreprises suisses de transférer, lors d'un état d'urgence, leur siège juridique en territoire canadien [63].
Du côté asiatique, le volume de nos exportations en direction du Japon et de la Chine populaire a fortement augmenté, passant même du simple au double pour la seconde nommée. Grâce au vaste programme de libéralisation des importations élaboré par le gouvernement japonais et qui devrait être concrétisé au cours des trois prochaines années si toutefois le parlement l'accepte, les exportateurs suisses devraient tirer bénéfice à l'avenir de cette ouverture des frontières nippones [64].
 
[59] Suisse, 17.1.85 ; 15.2.85 ; 24.9.85 ; NZZ, 27.2.85 ; 23.3.85 ; 25.4.85 ; 12.9.85; 24.9.85 ; BaZ, 29.8.85 ; 24 Heures, 30.10.85. Voir interpellation Eisenring (pdc, ZH, BO CN, 1985, p. 651 ss.), ainsi que A. Fisch, «Lastwagenkriege an der Aussen- und Innenfront», in Schweizer Monatshefte, 65/1985, p. 192 ss. Cf APS, 1984, p. 79 s. et infra, part. I, 6 b (Generelle Verkehrspolitik).
[60] FF, 1986, I, p. 540 s. Cf. APS, 1984, p. 80. La dette polonaise atteignait en fin d'année quelque 30 milliards de dollars.
[61] Commerce avec les EU: RFS, 10, 11.3.86. Mesures protectionnistes: FF, 1986, I, p. 542 ss.; LM, 12.11.85. Voir également question orale Nauer (ps, ZH, BO CN, 1985, p. 2077). Révision de l'ordonnance: RO, 1985, p. 2023 ss. ; JdG, 21.12.85.
[62] NZZ, 30.3.85; 4.5.85; 31.8.85; 24 Heures, 4.5.85; LM, 24.6.85. Le CF a renoncé à poursuivre pénalement Marc Rich (NZZ, 17.8.85). Cf. APS, 1984, p. 80. Projet de loi sur les opérations boursières: cf. supra, part. I, 4 b (Banken).
[63] NZZ, 11.7.86; 12.7.86; 14.7.86.
[64] FF, 1986, I, p. 546 s.; 24 Heures, 2.2.85. Le gouvernement japonais envisage également de libéraliser les possibilités d'activité des banques étrangères sur son territoire. Voir aussi NZZ, 6.9.85 (fondation de la Chambre économique Suisse-Japon).