Année politique Suisse 1985 : Politique sociale / Population et travail
 
Temps de travail
L'apparition des nouvelles technologies a inévitablement posé la question de la durée du temps de travail dans les entreprises. En 1984, l'Union syndicale suisse (USS) avait déposé une initiative populaire «pour la semaine de 40 heures». Les objectifs de celle-ci sont les suivants: réduire progressivement la durée légale du travail par tranche de deux heures chaque année jusqu'aux 40 heures, sans réduction du revenu salarial. Actuellement, on trouve la semaine de 40 heures dans les arts graphiques, mais la moyenne suisse se situait au dernier trimestre autour de 43,0 heures par semaine pour l'ensemble des travailleurs. Dans le secteur privé, le mouvement vers la réduction des horaires hebdomadaires s'est fait sentir par le biais des conventions collectives. Dans le cadre de la procédure de consultation, les patrons se sont mobilisés contre l'initiative de l'USS. Tant le Vorort que l'USAM ont recommandé le rejet du texte. De plus, les organisations patronales se sont opposées à tout contre-projet, tant sur le plan constitutionnel que législatif. Pour le monde patronal, cette initiative souffre de plusieurs défauts. Elle ne tiendrait pas compte des réalités de l'économie et de la diversité des conditions qui règnent suivant les branches et les entreprises. Le Vorort a estimé que les petites et moyennes entreprises en pâtiraient aussi, car leurs possibilités de rationalisation s'avèrent souvent limitées. Le Vorort a déclaré que la capacité de concurrence de l'économie serait par là sérieusement affaiblie, d'autant plus que les coûts de la main-d'oeuvre en Suisse sont déjà parmi les plus élevés du monde. De plus, la réduction du temps de travail ne résoudrait selon lui en aucun cas le problème du chômage. Les associations patronales ont par contre préconisé la concertation entre partenaires sociaux. Celle-ci permettrait de trouver des réponses adaptées aux contraintes économiques, différentes d'une branche à l'autre, auxquelles sont soumises les entreprises. Les partis de droite ont eux aussi rejeté tant l'initiative que l'idée d'un contre-projet. Le Parti socialiste, les autres partis de gauche, les fédérations affiliées à l'USS, la Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux (FCOM), la Confédération romande du travail ainsi que les immigrés ont par contre appuyé cette initiative pour la semaine de 40 heures. Les organisations de travailleurs étrangers ont, en effet, déposé à la Chancellerie fédérale une pétition munie de 40 000 signatures la soutenant. Cette manifestation de participation et de solidarité avec les travailleurs suisses a été lancée conjointement par la Fédération des colonies libres et italiennes (FCLIS) et par l'Association des travailleurs émigrés espagnols en Suisse (ATEES) [4].
L'année fut cependant surtout marquée par la votation sur l'initiative populaire «pour une extension de la durée des vacances payées». Cette initiative du PS et de l'USS exigeait que la Constitution fût complétée par une disposition précisant que tous les salariés aient au moins droit à quatre semaines de vacances jusqu'à l'âge de 39 ans et à cinq dès 40 ans, le même droit valant pour les jeunes travailleurs et les apprentis n'ayant pas encore 20 ans. Les propositions de l'initiative n'avaient toutefois par reçu l'aval du Conseil fédéral et du parlement qui ont préféré améliorer la réglementation sur les vacances en révisant le Code des obligations. Ainsi, depuis le ler juillet 1984, tous les adultes de l'économie privée ont droit à quatre semaines de vacances et à cinq pour les jeunes de moins de 20 ans. Les partis bourgeois (PRD, PDC, UDC, PLS et PEP), l'Action nationale, Vigilance et les associations patronales se sont prononcées contre l'initiative, alors que les partis de gauche (PS, POCH, PdT et PSO), alliés à l'USS et à la Fédération des syndicats chrétiens, la soutenaient. A l'appui de l'initiative, les arguments relatifs à la réduction du temps de travail en général étaient également évoqués: lutte contre le surmenage, prolongation du temps consacré aux loisirs, partage équitable des gains de l'augmentation de la productivité, charges salariales supportables, lutte contre le chômage. Partis bourgeois et associations patronales ont estimé que la réglementation sur les vacances devait avant tout rester du domaine des conventions collectives. Ainsi, les discussions entre partenaires sociaux devraient pouvoir aboutir à des solutions tenant compte des particularités de chaque secteur économique. L'initiative fut repoussée le 10 mars par 63,5% des votants (participation: 34,6%) et par dix-huit cantons et six demi-cantons. Seuls le Tessin et le Jura l'acceptèrent. Un sondage effectué après le vote a montré que le contre-projet législatif a fortement influencé la décision du corps électoral [5].
Face à la concurrence internationale toujours plus vive, le problème de la rentabilité des machines et partant du travail de nuit s'est posé. En août 1984, l'OFIAMT avait refusé une requête du groupe ETA d'ASUAG-SSIH (horlogerie) demandant l'autorisation de faire travailler de nuit des femmes dans ses entreprises de Marin (NE) et de Granges (SO). Ce refus était fondé sur le respect des dispositions de la Convention 89 de l'Organisation internationale du Travail (OIT) et de la loi sur le travail. Le Conseil d'Etat neuchâtelois avait pourtant donné un préavis favorable [6].
Au sujet de l'âge de la retraite, le Conseil fédéral a donné le feu vert au DFF pour entamer avec les syndicats des négociations sur la pleine retraite à 62 ans des fonctionnaires fédéraux. Le Conseil fédéral a donc accueilli avec beaucoup de rapidité les revendications du personnel fédéral. Pourtant, il avait repoussé de manière catégorique l'initiative des Organisations progressistes (POCH) qui voulaient abaisser l'âge de la retraite à 62 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes. La décision du gouvernement a été prise après une discussion approfondie sur les principes du nouveau modèle de la Caisse fédérale d'assurance et de la Caisse de pension et de secours des CFF. La réaction du patronat a été franchement négative. Pour le Vorort, le personnel de la Confédération jouirait, une fois de plus, de privilèges de politique sociale que le secteur privé ne pourrait consentir [7].
 
[4] La Vie économique, 59/1986, p. 119 s.; VO, 25, 26.7.85; Suisse, 27.6.85; 20.11.85; NZZ, 3.10.85; 8.10.85; 12.10.85; 19.10.85; 29.10.85; 29.11.85; LM, 8.10.85; TA, 12.10.85; 24 Heures, 14.10.85; 20.11.85; Domaine public, 798, 28.1 1.85 ; Revue syndicale suisse, 77/1985, no 4. Cf. aussi APS, 1984, p. 128. Pour la fonction publique, voir aussi supra, part. I, 1 c (Verwaltung).
[5] FF, 1985, I, p. 1531 ss. (489 952 oui contre 918 728 non) ; BaZ, 16.2.85; TA, 20.2.85; 9.3.85; 11.3.85; NZZ, 20.2.85; 6.3.85; JdG, 28.2.85; LM, 3.3.85; 11.3.85; Lib. et Suisse, 5.3.85; 24 Heures, 6.3.85; Domaine public, 764, 28.2.85; Vox, Analyse de la votation du 10 mars 1985, Zurich 1985. Cf. aussi APS, 1984, p. 128 S.
[6] Vr, 15.6.85; LM, 16.6.85; NZZ, 1.7.85; Bund, 9.8.85; Domaine public, 782, 25.7.85. Cf. infra, part. I, 7d (Condition de la femme) et APS, 1984, p. 133.
[7] TA, 29.11.85; RFS, 45, 12.12.85. Cf. aussi APS, 1984, p. 130. Initiative POCH: Voir infra, part. I, 7c (Assurance-vieillesse et survivants).