Année politique Suisse 1985 : Politique sociale / Assurances sociales
 
Assurance-invalidité
Alors que certains acquis sociaux sont remis en question et que l'on s'interroge sur les limites du bien-être individuel ou collectif, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a profité du 25e anniversaire de l'assurance-invalidité pour publier une plaquette commémorative visant à rendre compte de l'impact matériel et qualitatif de cette institution sur les conditions de vie des handicapés. Divers instituts médico-éducatifs et homes pour invalides ont également marqué l'événement par l'organisation d'une journée «portes ouvertes». Si l'OFAS a dressé un bilan globalement positif du système actuel, il n'a pas manqué de souligner ses lacunes ainsi que la modicité de certaines de ses prestations [7].
Le projet gouvernemental relatif à la deuxième révision du régime a soulevé, pour sa part, un front d'oppositions morcelé. Le remplacement des deux paliers d'invalidité, reconnus néfastes à la réinsertion professionnelle des handicapés, par un échelonnement dégressif à quatre niveaux s'est trouvé au centre des controverses. Le corps médical, invoquant des arguments juridiques et techniques, a notamment observé que la formule proposée renforcerait le travail administratif des organes chargés d'appliquer la loi. Elle rendrait d'autre part la détermination du degré d'invalidité plus arbitraire qu'auparavant. De leur côté, la gauche et les associations proches des invalides se sont insurgées contre le caractère asocial et régressif d'un tel modèle. Elles ont toutefois convenu que l'échelle des rentes envisagée tendrait à améliorer la situation des handicapés légers. En revanche, sous prétexte de remédier au déficit budgétaire de l'assurance et de lutter contre les abus, elle pénaliserait de manière inacceptable les rentiers présentant un taux élevé d'invalidité. Elle détériorerait ainsi leur capacité de réintégration sociale contrairement à l'esprit du système.
Les travaux préliminaires de la commission du Conseil des Etats se sont ressentis du nombre de nouveaux modes de calcul des rentes soumis au débat. Suite à un examen des répercussions humaines et surtout financières de chacun d'entre eux, aucun consensus n'a pu être dégagé. Une majorité s'est en revanche prononcée en faveur d'un système à trois degrés prévoyant l'octroi d'une demi-rente à partir d'un taux d'invalidité de 50%, de trois quarts de rente dès 60% et d'une rente entière dès 70%. Une demi-rente serait en outre accordée, en considération des cas pénibles, lorsque l'invalidité se situe entre 33 1/3% et 50%, comme c'est le cas actuellement. Cet aménagement de compromis, significativement le moins coûteux tout en permettant d'atténuer les effets discriminatoires de la formule gouvernementale, a fini par emporter l'adhésion des députés. Le principe d'un échelonnement plus nuancé du droit au prestations n'a donc pas été contesté, l'enjeu s'est fixé sur l'ampleur de la réforme. Pour couvrir les frais supplémentaires qu'elle devrait entraîner, la chambre des cantons a donné à l'exécutif, conformément à sa demande, la compétence d'augmenter à 1,2% des salaires les cotisations des assurés, malgré le vote négatif des représentants de l'économie [8].
Dans sa version soumise en consultation, le second train de mesures relatives à la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons touche à divers secteurs de l'AI. Pour l'essentiel, il s'agirait, par la suppression de certaines subventions fédérales, de faire supporter aux cantons la plus grande partie de l'aide aux invalides. En contrepartie, ceux-ci seraient déchargés de 12,5% à 7% de leur contribution au financement de l'assurance. Cette proposition s'est heurtée à une large opposition. Les partis et les associations interrogés ont estimé que l'organisation interne du régime en vigueur fonctionnait de manière efficace. Elle n'appelait dès lors aucune modification sous peine de compliquer inutilement son application et de nuire à la qualité de la prise en charge des intéressés. Pour ce qui a trait au désengagement financier de l'AI du domaine de l'assistance, il a été jugé par la gauche et les associations de handicapés de nature à porter atteinte aux droits acquis [9].
Simultanément à son arrêté relatif à l'adaptation des prestations AVS/AI, l'exécutif a révisé quelques-unes des dispositions du règlement sur l'AI. Les modifications portent avant tout sur les montants de certaines limites de revenu donnant droit à la rente extraordinaire d'invalidité. De nombreuses revendications, issues d'organisations d'invalides, ont par ailleurs abouti à élargir le champ d'application de l'ordonnance sur la remise de moyens auxiliaires par l'AI [10].
 
[7] Presse du 30.8.85. DFI, 1960-1985, 25 ans d'Al, Lausanne 1985.
[8] NZZ, 16.1.85; 17.1.85; 15.3.85;16.3.85;19.3.85; 5.11.85; 9.11.85; SAZ,17, 25.4.85; TA, 11.9.85; RFS, 46, 19.11.85; BO CE, 1985, p. 740 ss. Cf. aussi APS, 1984, p. 141 s.
[9] VO, 23, 13.6.85; NZZ, 14.6.85; 28.6.85; 16.12.85; BZ, 24.10.85; TA, 31.12.85 ainsi que supra, part. I, 1d (Confédération et cantons) et 7b (Assistance sociale).
[10] RAI: RO, 1985, p. 924 ss.; RCC, 1985, p. 449 ss.