Année politique Suisse 1986 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Europe
Alors que l'Europe poursuivait sa lente mais sûre construction, le problème de l'intégration européenne de notre pays s'est à nouveau posé devant l'importance croissante prise par la Communauté économique européenne (CEE) qui réunissait dès 1986 douze des 21 Etats membres du Conseil de l'Europe. Si la question d'une éventuelle adhésion ne se pose pas encore officiellement eu égard à notre système politique basé sur le fédéralisme et la démocratie semi-directe, certains milieux de tous horizons politiques se sont tout de même posé lâ question de savoir si notre pays n'était pas en train de manquer le bon wagon avec tous les risques d'isolement que cela suppose. Réalisé moins de huit mois après la votation populaire sur l'adhésion de la Suisse à l'ONU, un sondage a laissé apparaître à ce sujet des résultats étonnants: si 67,5% des personnes interrogées estimaient que la Suisse ne court aucun danger à s'isoler du reste de l'Europe en restant hors de la CEE, 42,8% se sont montrées plutôt ouvertes à l'idée d'une éventuelle adhésion contre 42,5% qui s'y opposaient farouchement. L'«idée européenne» semble à cet égard mieux ancrée en Suisse romande qu'en Suisse alémanique, puisque 54,6% des Suisses de langue française ont dit oui à une entrée à la CEE contre seulement 36,4% des Suisses germanophones. A l'occasion du débat au Conseil national sur le rapport de la délégation au Conseil de l'Europe, l'exécutif a réaffirmé ses options: sauvegarde de la force du Conseil de l'Europe face à la montée de la CEE, recherche de contacts et d'échanges entre la Suisse et les organisations européennes auxquelles elle n'appartient pas, cohérence des politiques nationales au niveau européen et enfin meilleure information de la population au sujet de la construction européenne afin d'essayer de davantage la sensibiliser [17].
Les activités du Conseil de l'Europe, tout au cours de l'année, se sont surtout concentrées sur des domaines où il a une contribution réelle à fournir en évitant des chevauchements avec les activités d'autres organisations et en développant la coopération avec la CEE. Ont ainsi été traités des sujets tels que le terrorisme, les réfugiés, les médias, la drogue, ainsi que la protection de l'environnement. Dans ce dernier domaine, E. Kopp, lors de la Conférence d'Oslo des ministres européens de la justice, a lancé l'idée, après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, d'une convention européenne sur les dégâts causés à l'environnement sur le modèle de la Convention européenne des droits de l'homme [18].
Dix ans après l'avoir signée, la Suisse n'avait toujours pas ratifié en 1986 la Charte sociale européenne. Refusée en 1984 par la Chambre des cantons, celle-ci a buté en février devant la commission du Conseil national qui a chargé le Conseil fédéral d'organiser une nouvelle procédure de consultation auprès des cantons au sujet de l'égalité de traitement des étrangers dans la sécurité sociale. Le gouvernement fédéral a également décidé de soumettre à la consultation des cantons, partis et associations l'opportunité pour la Suisse de signer ou non la Charte européenne de l'autonomie locale. Il a en outre invité les Chambres à approuver la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées. Elaboré dans le cadre du Conseil de l'Europe également, ce texte prévoit la possibilité, par une procédure simple et rapide, de transférer des détenus étrangers vers leur pays d'origine [19]. Lausanne a accueilli au printemps la Conférence européenne des ministres des transports auxquels s'étaient associés les représentants canadien, américain, australien et japonais. Présidée par le conseiller fédéral L. Schlumpf, l'assemblée a adopté une résolution pour accroître la coopération internationale contre les actions terroristes dans les aéroports. Dans les domaines techniques, le Conseil fédéral s'est une nouvelle fois engagé à favoriser la collaboration technique et scientifique ouverte à tous les gouvernements, entreprises et instituts de recherche. C'est ainsi qu'un accord-cadre a été conclu entre notre pays et les communautés européennes qui crée les bases de diverses formes de coopération. La participation de la Suisse à 16 projets d'EUREKA a ainsi pu être assurée. L'exécutif a d'autre part mandaté les services compétents de préparer un message sur un crédit de programme pluriannuel pour le financement de la coopération technologique en Europe [20].
 
[17] JdG, 18.11.86; L'Hebdo, 47, 20.11.86. Cf. également L'Hebdo, 45, 6.11.86. Sondage: L'Hebdo, 46, 13.11.86. Débat aux Chambres: BO CE, 1986, p. 375 ss. ; BO CN, 1986, p. 1324 ss. Voir aussi J. Freymond, «La Suisse et l'Europe — entre le témoignage et l'histoire», in Europa, 53/1986, no 3/4, p. 6 ss. ; G. Coutau, «Imaginons la voie entre l'adhésion et l'isolement », in Europa, 53/1986, no 9/10, p. 8 s. et USS, 27, 17.9.86. Le CN a transmis au CF un postulat l'invitant à élaborer un rapport systématique et détaillé sur les relations de la Suisse avec la CEE (BO CN, 1986, p. 961 s.).
[18] FF, 1987, I, p. 1129 ss. (Rapport annuel du CF sur les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe en 1986); NZZ, 25.4.86; 19.6.86; 21.6.86; BaZ, 6.11.86. Le Comité des ministres a adopté des recommandations visant à renforcer la lutte contre le terrorisme (Europa, 53/1986, no 11/12, p. 16). Voir E. Benda, «Europa als Grundrechtsgemeinschaft », in Zehn Jahre Europatag an der Universität Freiburg, Fribourg 1986, p. 86 ss.
[19] Charte sociale européenne: 24 Heures, 19.2.86 ; cf. APS, 1985, p. 43. Voir également P. Sager, «Schweiz, Europarat und Sozialcharta », in Schweizer Monatshefte, 66/1986, p. 467 ss. et USS, 35, 19.11.86. Charte européenne de l'autonomie locale ; NZZ, 16.1.86 ; cf. supra, part. I, 1d (Gemeinden). Convention sur le transfèrement des personnes condamnées; FF, 1986, III, p. 733 ss.; cf. supra, part. I, 1b (Strafrecht). La Suisse a signé une convention sur le statut juridique des organisations internationales non gouvernementales (NZZ, 25.4.86).
[20] Conférence européenne des ministres des transports: 24 Heures, 22.5.86; 23.5.86. Domaines techniques: Rapp. gest., 1986, p. 123 s. ; BO CN, 1986, p. 1109 ; cf. APS, 1985, p. 44. Voir aussi L'Hebdo, 18, 1.5.86 ; RFS, 42, 21.10.86; A.M. Danzin, «La métamorphose technologique de l'Europe et le Programme «ESPRIT», in Revue économique et sociale, 44/1986, p. 133 ss. EURÊKA: cf. également infra, part. I, 4a (Konjunkturpolitik) et 8a (Forschung).