Année politique Suisse 1986 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Aide publique au développement
Comme à son habitude, notre aide publique au développement (APD) a été concentrée à nouveau sur certains pays prioritaires figurant parmi les plus défavorisés. Alors qu'elles se montaient en 1985 à 327,7 millions de francs, les dépenses pour la coopération technique et l'aide financière bilatérales suisses ont atteint 355,7 millions. La part allouée au continent africain est à cet égard significative des priorités choisies: de 39,8% de notre APD bilatérale en 1984, elle était montée à 43 % en 1985 pour finalement atteindre 53,5 % en 1986. Dans son rapport bisannuel, le Comité d'aide au développement de l'OCDE a cependant relevé que l'aide suisse demeurait sensiblement inférieure à la moyenne des dix-sept pays membres par rapport à leur produit national brut (PNB). L'APD suisse plafonne depuis quelques années aux alentours des 0,30–0,32%, alors que la moyenne des pays membres était de 0,36% en 1984. Le comité a par contre fait l'éloge de la qualité des programmes de l'aide helvétique, tournée essentiellement vers l'agriculture et le développement rural [34]. Pour les prochaines années, les Chambres ont accepté un crédit de programme de 430 millions de francs pour le financement de mesures de politique économique et commerciale au titre de la coopération internationale au développement. Celui-ci est le troisième du genre adopté par le parlement depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 19 mars 1976. Il s'étendra sur trois ans au moins. Les crédits mixtes inclus dans ce programme pour une somme de 240 millions ont suscité les critiques de l'extrême-gauche qui voit dans ceux-ci un instrument dans le jeu de la concurrence pour les marchés d'exportation [35].
Notre aide au Nicaragua a; quant à elle, été remise en question à plusieurs reprises. Formée uniquement de parlementaires du blóc bourgeois, une délégation du Conseil national, au terme d'un voyage d'études en Amérique centrale, a exprimé sa préoccupation face à la prétendue «dictature communiste» régnant au Nicaragua. Apportant sa caution aux forces contre-révolutionnaires de la «Contra», la délégation s'est demandée si notre aide au développement dans ce pays revêtait encore un sens réel. Mais ce sont surtout les assassinats de deux coopérants suisses par cette même «Contra» qui ont amené le Conseil fédéral à réexaminer les conditions de notre coopération au Nicaragua. Les décès de M. Demierre et d'Y. Leyvraz, survenus les 16 février et 28 juillet, ont démontré que la sécurité des coopérants helvétiques oeuvrant dans le pays était devenue bien précaire. Face à ces problèmes, le DFAE a opté pour la continuation de sa politique : lors d'une entrevue à Berne avec le vice-président nicaraguayen S. Ramirez, P. Aubert, tout en exprimant ses soucis face à l'état d'urgence régnant au Nicaragua et qui enfreint certains droits fondamentaux, a assuré que la Suisse allait poursuivre son aide au développement. Le gouvernement fédéral a toutefois posé comme condition que les coopérants quittent les zones dangereuses du nord du pays pour se replier vers le centre. Si le Conseil fédéral, par le biais de son ambassade à Washington, est intervenu auprès du gouvernement américain à la suite des deux assassinats et des attaques dirigées par la «Contra» contre certains projets soutenus par les oeuvres d'entraide helvétiques, il s'est par contre refusé à lui adresser une quelconque protestation officielle, ainsi qu'à condamner le soutien de Washington à la «Contra» [36].
Si les besoins en aide alimentaire se sont faits moins pressants que lors des années précédentes en raison des récoltes abondantes de 1985 et 1986, l'aide humanitaire suisse s'est par contre vue très sollicitée une nouvelle fois par la situation préoccupante des réfugiés dans le monde entier et en particulier au Pakistan et en Iran (réfugiés afghans), ainsi qu'en Somalie et au Soudan (réfugiés éthiopiens). Les dépenses totales au titre de l'aide humanitaire (y compris la contribution annuelle au CICR) ont légèrement régressé par rapport à 1985 en se montant à 148,5 millions de francs (1985: 149,4 millions) [37]. Tenue à Genève du 23 au 31 octobre, la 25e Conférence internationale de la Croix-Rouge a été marquée par une forte politisation. Sous la pression des pays du tiers monde, la délégation gouvernementale de l'Afrique du Sud a été suspendue de la conférence. Cette expulsion a ainsi porté un coup très dur à l'universalité du mouvement. De nouveaux statuts, ainsi qu'une trentaine de résolutions, ont été adoptés au cours des neuf jours de débats. Trois mois auparavant, l'assemblée du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avait choisi C. Sommaruga, secrétaire d'Etat au DFEP, pour succéder en 1987 à A. Hay au poste de président de l'organisation. Les Chambres fédérales ont, quant à elles, accordé un crédit additionnel de 480 000 francs pour la construction de l'Agence centrale de recherche du CICR [38]. En fin d'année, le chef du Corps suisse d'aide en cas de catastrophe, E. Blaser, a annoncé sa démission. Des dissensions entre E. Blaser et la Direction de la coopération au développement et de l'aide humanitaire (DDA) sont à l'origine de ce départ [39].
 
[34] Rapp. gest., 1986, p. 37 ss. ; NZZ et 24 Heures, 22.3.86 ; APS, 1985, p. 47. La coopération technique et l'aide financière multilatérales se sont montées en 1986 à 106,6 millions de francs (Rapp. gest., 1986, p. 42). La Direction de la coopération et de l'aide humanitaire (DDA) a célébré en 1986 ses vingt-cinq ans d'existence (Bund, 11.9.86 ; JdG, BaZ et TA, 12.9.86; USS, 27, 17.9.86). Cf. aussi USS, 22, 16.7.86, ainsi que C.-D. Aresin, Das Konzept der «Integrierten Entwicklung» in der internationalen Entwicklungszusammenarbeit: eine Analyse grundlegender Aspekte, Bern 1985 ; Fédération genevoise de coopération, Communes genevoises et tiers monde 1985: effort des collectivités publiques genevoises pour la coopération au développement et l'aide humanitaire, Genève 1986; Al Imfeld, Hunger und Hilfe - Provokationen, Zürich, 1986.
[35] FF, 1986, I, p. 1289 ss. ; BO CE, 1986, p. 386 ss. et 623; BO CN, 1986, p. 1086 ss. ; FF, 1986, III, p. 387 s.; TA, 20.2.86; 24.9.86; BaZ, 19.6.86. Le premier crédit alloué en 1978 portait sur une somme de 200 millions de francs, celui de 1982 sur 350 millions auxquels sont venus s'ajouter 100 autres millions en 1983 (FF, 1986, I, p. 1290).
[36] Délégation du CN: JdG, 7.5.86; USS, 17, 28.5.86; L'Hebdo, 22, 29.5.86. La délégation était formée de P. Couchepin (prd, VS), J.-S. Eggly (pI, GE), T. Fischer (pdc, LU), P. Sager (udc, BE) et G. Stucky (prd, ZG), assistés de P. Gygi, conseiller économique. Assassinats: JdG, 20.2.86; 25.2.86; 12.7.86;USS, 7, 26.2.86; 23, 6.8.86; 24 Heures, 30.7.86; 31.7.86. Visite de S. Ramirez en Suisse: 24 Heures, 11.6.86; JdG, 13.6.86; 14.6.86; NZZ, 13.6.86. Poursuite du programme de coopération : JdG, 12.7.86 ; 25.7.86 ; L'Hebdo, 31, 31.7.86 ; Ww, 32, 7.8.86 ; 24 Heures, 13.8.86 ; Suisse, 30.11.86. Débat parlementaire: BO CN, 1986, p. 665 ss. ;1323 ; 1535 s. ; BO CE, 1986, p. 481 ss. ; JdG, 10.6.86 ; 24 Heures, 23.9.86 ; 25.9.86. Dans une étude, le CN Sager, directeur de l'Institut suisse de l'Est, a accusé certains groupes et mouvements, ainsi que le quotidien TA, de diffamation et de manipulations dans l'information sur le Nicaragua, trop axée selon lui sur le soutien aux sandinistes (TA, 13.9.86 ; 23.9.86 ; USS, 28, 24.9.86). Cf. également Ww, 38, 18.9.86.
[37] Rapp. gest., 1986, p. 45 ss. Voir Ww, 4, 23.1.86; JdG, 13.5.86. La motion G. Cotti (pdc, TI), qui prônait la création d'un centre de coordination des interventions en cas de catastrophe sur le plan international, de môme que la motion Rechsteiner (ps, SG), qui demandait un accroissement de l'aide économique et humanitaire au Mozambique, Zimbabwe, Zambie et Angola, ont toutes deux été transmises comme postulats au CF (BO CN, 1986, p. 440 s. et 2011 s.). Cf. APS, 1985, p. 48 et Rapp. gest., 1985, p. 37 ss.
[38] Conférence de la Croix-Rouge: TA, 24.10.86; 25.10.86; 27.10.86; JdG, 25.10.86; Ww, 44, 30.10.86; L'Hebdo, 44, 30.10.86. CICR: presse du 10.7.86. A. Hay occupait ce poste depuis 1976. Crédit: FF, 1985, III, p. 449 ss.; BO CN, 1986, p. 2; BO CE, 1986, p. 374 s.; FF, 1986, II, p. 696.
[39] Bund, 27.12.86 ; NZZ, 29.12.86 ; 30.12.86 ; JdG, 29.12.86. Le CF avait modifié en août l'ordonnance sur la coopération au développement et l'aide humanitaire internationales en limitant les responsabilités du délégué pour l'aide en cas de catastrophe (NZZ, 28.8.86).