Année politique Suisse 1986 : Chronique générale / Défense nationale
Places d'armes
Le crédit octroyé par le parlement au programme des
constructions militaires a atteint la somme totale de 443,6 millions de francs (1985: 333 millions de francs). Si les deux chambres ont approuvé ce crédit pratiquement sans aucune opposition, elles ont différé leur décision quant à l'octroi d'une somme de 8,7 millions de francs pour l'aménagement d'une place de tirs sur la commune de Medel (GR) à leur session d'hiver dans l'attente d'un complément d'informations promis par le chef du DMF. Deux rapports de l'Office fédéral de la protection de l'environnement et de l'Office fédéral des forêts et de la protection du paysage ayant démontré que la construction de cette place de tirs était, sous certaines conditions, supportable du point de vue naturel et écologique, le crédit a finalement été adopté en fin d'année
[22].
Si ce projet de place de tirs dans le Val Cristallina a trouvé une solution rapide, il n'en est pas de même pour la place d'armes prévue à
Rothenthurm, empêtrée dans une bataille juridique depuis 1983. En juillet, le Tribunal fédéral a admis partiellement les nombreux recours déposés par les opposants au projet et a conséquemment annulé les décisions d'expropriation prononcées l'année précédente par le DMF. La première Cour de droit public a en effet estimé à l'unanimité que les renseignements fournis par le DMF en cours de procédure s'étaient révélés bien trop insuffisants pour pouvoir apprécier objectivement l'impact de l'ensemble du projet sur l'environnement, privant ainsi les principaux intéressés des moyens nécessaires de faire valoir leurs droits lors de la procédure d'opposition à l'expropriation. En conclusion, le Tribunal fédéral en a déduit que le droit d'être entendu garanti aux opposants avait été violé et a renvoyé le dossier au DMF pour une nouvelle instruction plus complète. Il a en outre invité celui-ci à tenir compte de toutes les données statistiques nouvelles, ainsi que des exigences de la nouvelle loi sur l'environnement. Ce verdict a été salué tant du côté des promoteurs que du côté des opposants à la place d'armes. Les premiers se sont félicités de voir la plus haute instance juridique du pays admettre implicitement la nécessité d'une place d'armes à Rothenthurm, alors que les seconds ont considéré celui-ci comme une première leçon pour le DMF
[23]. Parallèlement, le Conseil des Etats a suivi la recommandation du Conseil fédéral au sujet de l'initiative populaire «Pour la protection des marais» dite «
Initiative de Rothenthurm». La chambre des cantons a pris très nettement position contre ce projet de texte constitutionnel qui vise indirectement à empêcher la construction d'une place d'armes à Rothenthurm. Elle a par contre approuvé la proposition du gouvernement de réviser partiellement la loi sur la protection de la nature et du paysage afin de renforcer tout de même la protection des marais et du biotope
[24].
La création de places de tirs pour obusiers M-109 au Mont-Tendre (VD) a continué de susciter des réactions au sein de la population de la Vallée de Joux. Lancée en 1985 par trois groupes écologistes, la pétition «Sauvegarde des crêtes du Jura» a recueilli 43 100 signatures. Le Conseil d'Etat vaudois s'est toutefois contenté de transmettre celle-ci au DMF en précisant que pour sa part, il n'entendait pas revenir sur les engagements pris en 1980 pour l'édification de ces places de tirs
[25]. Les Chambres, sans lui donner suite, ont pris acte d'une autre pétition demandant la couverture avec des végétaux proches du milieu naturel des toits des halles pour les chars à Elgg (ZH)
[26].
[22] Programme des constructions: FF, 1986, I, p. 1045 ss. ; BO CN, 1986, p. 876 ss. ; BO CE, 1986, p. 517 ss. ; FF, 1986, III, p. 393 ss.; TA, 4.3.86; NZZ, 9.4.86; 19.6.86; 11.7.86; 30.9.86. Par rapport à l'ensemble des investissements militaires, la part réservée aux crédits de constructions est passée de 24% pour la législature 1976-1979 à 15% pour celle de 1984-1987 (FF, 1986, 1, p. 1047). Medel : BO CN, 1986, p. 1902 ss. ; BO CE, 1986, p. 808 s. ; FF, 1987, I, p. 49 ; NZZ, 26.11.86 ; 17.12.86 ; 18.12.86. Le crédit a été accepté au CN par 94 voix contre 31 et au CE par 37 voix sans opposition. Lors d'un vote, la population de la commune de Medel/Lucmagn s'est prononcée par 153 voix contre 139 pour l'édification de la place de tirs (NZZ, 8.12.86).
[23] Presse du 26.7.86; WoZ, 32, 8.8.86. Cf. APS, 1985, p. 56.
[24] BO CE, 1986, p. 351 ss. La commission du CN s'est prononcée contre l'initiative et pour la révision de la loi fédérale (NZZ, 17.9.86). Cf. APS, 1985, p. 56 et 132 et infra, part. I, 6d (Natur- und Heimatschutz).
[25] 24 Heures, 5.2.86; 26.2.86; 21.3.86; 9.5.86; 26.6.86. Cf. APS, 1985, p. 56 s. Le gouvernement vaudois a rejeté les recours déposés contre le défrichement d'une surface de 2305 m2 au Mont-Tendre pour permettre la création d'une route d'accès aux places de tirs projetées (24 Heures, 19.11.86). Voir également interpellation Gloor (ps, VD) au CN (BO CN, 1986, p. 1160 ss.) et Friedenszeitung, 53/54, Januar/Februar 1986.
[26] BO CN, 1986, p. 885 ss. ; BO CE, 1986, p. 514 s.
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