Année politique Suisse 1986 : Chronique générale / Défense nationale
 
Service civil
Amorcé en 1985, le recul du nombre des objecteurs de conscience s'est poursuivi. Ils n'ont ainsi été que 542 (1985: 686) à comparaître devant les tribunaux en 1986, alors qu'en 1984, année record, 788 refus de servir avaient été recensés. Parmi ceux-ci cependant, seuls 153 ont invoqué des raisons religieuses ou éthiques entraînant un grave conflit de conscience, les autres refusant leurs obligations militaires soit pour les mêmes motifs, mais sans crise de conscience, soit pour des raisons purement politiques ou encore par peur de l'effort et de la discipline. Deux hypothèses ont été avancées par le DMF pour expliquer ce reflux : le rejet, en 1984, de l'initiative populaire pour un authentique service civil et la prise de conscience au sein de la jeunesse de l'importance de la défense de notre pays, une dernière explication qui entre toutefois en contradiction avec les propos émis par E. Lüthy sur le désintérêt constaté chez les jeunes de moins de 20 ans pour la chose militaire et qui ont été évoqués auparavant [27].
Malgré cette baisse du nombre des refus de servir, les travaux visant à décriminaliser l'objection de conscience n'en ont pas moins continué. La procédure de consultation, lancée par le Conseil fédéral en 1985, a dans l'ensemble été bien accueillie dans son principe. Sans ouvrir la porte à un véritable service civil (repoussé à deux reprises par le peuple et les cantons en 1977 et 1984), le projet entend décriminaliser l'exécution de la peine frappant les objecteurs en remplaçant celle-ci par une mesure d'astreinte au travail. Cette dernière ne serait pas inscrite au dossier judiciaire. Le refus de servir serait toutefois toujours considéré comme un délit pénal et les objecteurs continueraient d'être jugés par des tribunaux militaires. Il devrait être motivé par des convictions religieuses, éthiques ou morales. Au sein des cantons, seul Zurich s'est opposé au projet en préconisant un éventuel service de remplacement dans le cadre de la défense générale. Du côté des partis, si le PDC a accueilli favorablement le projet, les autres grands groupes se sont contentés de donner un oui de principe, les socialistes ne considérant celui-ci que comme une solution transitoire avant l'instauration urgente d'un service civil. Seuls l'Action nationale et le POCH, pour des raisons diamétralement opposées, ont exprimé leur désapprobation. Le Conseil fédéral a chargé le DMF d'élaborer un message et un projet de loi. Les demandes d'exécuter un service militaire non armé ont également accusé un léger recul, s'élevant à 356 en 1986 (1985: 368). Dans l'attente de pouvoir ancrer la réglementation actuelle dans la loi fédérale sur l'organisation militaire, le Conseil fédéral a décidé de prolonger de trois ans à partir de janvier 1987 l'ordonnance décrétée pour cinq ans en 1982 [28].
 
[27] Presse du 6.2.87. Voir A. Stucki, Dienstverweiger — Prophet, Patient oder Parasit?, Frauenfeld 1986.
[28] Procédure de consultation : JdG, 4.7.86. La durée de cette «astreinte au travail» n'a pas encore été fixée, mais elle ne devrait pas dépasser deux ans (LM, 4.7.86). Voir également BO CN, 1986, p. 1321 s. Les motions Graf (udc, ZH), Carobbio (psa, TI), Gurtner (poch, BE) et du groupe Adl/PEP, toutes déposées en 1984, ont été classées (Délib. Ass. féd., 1986, I, p. 32 et 55 s. ; II, p. 53 ; III, p. 65). Service non armé : RO, 1986, p. 2067 ; presse du 6.2.86 (nombre de demandes); NZZ, 20.11.86. Cf. APS, 1981, p. 53.