Année politique Suisse 1986 : Politique sociale / Population et travail
 
Temps de travail
Les syndicats ont été unanimes à reconnaître que 1986 a été l'année des réductions de la durée du temps de travail. Dans le secteur privé, toute une série de conventions collectives ont fixé des réductions de la durée du travail. Dans l'industrie horlogère, la semaine de 40 heures sera introduite dès le lei janvier 1988. Il en ira de même pour l'industrie des métaux et des machines. La chimie a prévu la semaine de 40 heures pour 1990. La Confédération des coopératives Migros a accepté, après des négociations serrées avec le Syndicat des travailleurs du commerce, des transports et de l'alimentation, d'introduire en deux étapes l'horaire de 40 heures dès le ler janvier 1989; mais dès le 1er janvier 1987, la durée hebdomadaire du travail sera ramenée de 42 heures à 41. Toutes les conventions collectives de travail signées en 1986 ont obtenu la réduction du temps de travail sans perte de salaire. Dans le secteur public, la durée du travail du personnel fédéral est passé de 44 à 42 heures par semaine au lei juin 1986 [7].
Le Conseil fédéral a chargé le DFEP de préparer, d'ici février 1987, un message à l'intention de l'Assemblée fédérale relatif à l'initiative «Pour la semaine de 40 heures» déposée par l'USS. Les résultats de la procédure de consultation ayant été jugés négatifs, le message proposera le rejet de l'initiative sans contre-projet. Un sondage réalisé à la demande de l'USS et portant sur un échantillon représentatif de la population a révélé que deux Suisses sur trois sont favorables à la semaine de 40 heures. En Suisse romande et chez les femmes, la majorité était plus prononcée [8]. Dans un document de travail intitulé «Vers un aménagement plus souple et plus personnel du temps libre», l'UDC a fait connaître son opposition à une réduction généralisée du temps de travail. Les aménagements, a-t-elle estimé, doivent être négociés dans chaque branche et réalisés par le biais de conventions collectives [9].
Les Chambres fédérales ont approuvé, sans opposition, la révision partielle de la loi sur la durée du travail (LDT) dans les entreprises de transports publics concessionnées. Celle-ci comporte, entre autres, une adaptation à l'abaissement du temps de travail hebdomadaire à 42 heures par semaine, l'élévation de 20 et 10% à respectivement 30 et 20% de certaines pauses incluses dans le temps de travail et l'abolition des dispositions spéciales généralement appliquées au personnel féminin, sauf celles qui protègent les femmes enceintes, les accouchées et les femmes allaitant leur enfant. Les dispositions transitoires ont prévu que les entreprises contraintes, en raison de la loi ou de l'ordonnance d'exécution, d'accroître leurs effectifs, peuvent adresser aux autorités de surveillance une demande fondée et obtenir après audition des représentants des salariés, pour l'application de certaines prescriptions, un délai maximum de deux ans [10].
Sujet actuel et controversé, l'aménagement du temps de travail a été au centre de vives polémiques à l'occasion de la signature de l'accord entre la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH) et le groupe horloger ETA-Marin (NE) prévoyant le travail 24 heures sur 24 et ce sept jours sur sept. Cette entente, que d'aucuns ont qualifié d'historique, codifie paritairement les conditions du travail de nuit, du travail par équipes et du travail du week-end (30 heures réparties sur trois jours). Il prévoit de donner la priorité à la réduction du temps de travail sur les hausses des salaires. Si le patronat a salué cette nouvelle organisation du travail, rendue nécessaire à ses yeux par l'évolution de la technologie et pour assurer la position concurrentielle de l'industrie horlogère face à la concurrence asiatique, le Parti socialiste ouvrier a immédiatement dénoncé cet accord qui aurait été pris sans l'avis des principaux intéressés, les travailleuses et travailleurs eux-mêmes. A Marin, sur 300 personnes concernées, 200 ont signé une pétition contre cette entente. Initialement prévue pour le ler septembre 1986, l'entrée en vigueur de ces nouvelles prescriptions a dû être retardée en raison du veto opposé par l'OFIAMT. Il a justifié son refus en se référant à la loi fédérale sur le travail stipulant que sur les 52 jours de repos auquel chaque travailleur a droit au cours d'une année, la moitié doit tomber sur un dimanche, cette exigence pouvant être abaissée à 13 dimanches par année. Les parties en cause ont repris leurs négociations pour trouver un compromis. Le Syndicat du bâtiment et du bois (FOBB) s'est prononcé très clairement contre les tentatives de flexibilisation du temps de travail qui vont, à ses yeux, à l'encontre des intérêts des ouvriers. Parmi celles-ci figurent en particulier les temps de travail imposés unilatéralement par les employeurs. Partout où des formes de travail flexibles sont appliquées ou en voie d'être introduites, celles-ci doivent être clairement décrites et réglées dans les conventions collectives, de telle sorte que les employeurs ne puissent contourner la protection conventionnelle a-t-il conclu [11].
Les deux commissions des finances, celle du Conseil national et celle du Conseil des Etats avaient, dans un premier temps, refusé d'entrer en matière à propos de la retraite à la carte pour le personnel fédéral. Des questions d'ordre financier étaient à l'origine de cette décision. Cependant, un rapport délivré par un expert mandaté par le Conseil fédéral avait contredit les assertions de la majorité des membres des deux commissions. Celle du Conseil national, après avoir pris connaissance du contenu de ce rapport selon lequel la retraite flexible pouvait être instaurée sans entraîner de dépenses supplémentaires, décida d'abandonner ses réserves [12].
 
[7] Horlogerie: TA, 14.6.86. Chimie: BaZ, 20.12.86. Migros: BaZ, 7.11.86. Personnel fédéral: Journal des fonctionnaires fédéraux, 1, 16.1.86 ; 10, 29.5.86 ; VPOD, 16, 17.4.86 ; Bund, 30.5.86 ; SGT, 4.6.86 ; cf. aussi supra, part. I, 1c (Verwaltung) et APS, 1984, p. 129.
[8] Initiative USS: NZZ et 24 Heures, 21.8.86. Cf. aussi APS, 1985, p. 135 s. Sondage: USS, 35, 19.11.86; TW, 22.11.86; VPOD; 48, 27.11.86.
[9] Rapport de l'UDC sur la flexibilité du temps de travail: presse du 15.2.86.
[10] FF, 1986, II, p. 565 ss. ; BO CN, 1986, p. 1371 ss. et 2080 ; BO CE, 1986, p. 777 ss. et 842 ; FF, 1987, I, p. 44 s. Cf. aussi USS, 8, 5.3.86; 28, 24.9.86; SAZ, 42, 16.10.86.
[11] FTMH-ETA : Domaine public, 843, 4.11.86 ; JdG, FAN et NZZ, 27.11.86 ; JdG, 28.11.86 ; VO, 48, 4.12.86 ; 49, 11.12.86; SAZ, 49, 4.12.86; L'Hebdo, 51, 18.12.86; APS, 1985, p. 136 s. FOBB: USS, 16, 19.5.86. Cf. aussi TA, « Flexibilisierung der Arbeitszeit », Zürich 1986. Au cours de son 47e Congres, l'USS a adopté douze thèses sur la réduction et l'aménagement de la durée du travail (Revue syndicale suisse, 78/1986, p. 180 ss.).
[12] TA, 17.1.86; 16.10.86; SAZ, 4, 23.1.86; Journal des fonctionnaires fédéraux, 2, 6.2.86; 22, 27.11.86; VPOD, 51/52, 18.12.86 ; APS, 1985, p. 137. Pour I'âge de l'AVS voir aussi infra, part. I, 7c (Assurance-vieillesse et survivants).