Année politique Suisse 1986 : Politique sociale / Santé, assistance sociale, sport
 
Produits engendrant la dépendance
En matière de lutte contre les produits engendrant la dépendance, l'accent a tout particulièrement été porté sur les stupéfiants. Le volume du trafic de drogue a fortement augmenté en Suisse en 1986 et le nombre de décès dus à l'abus de drogue, soit 136, est le deuxième plus élevé jamais enregistré. Tels sont les principaux enseignements que l'on peut tirer de la statistique annuelle sur le sujet publiée par le Ministère public de la Confédération. Mais c'est surtout l'apparition du «crack», une nouvelle drogue venue des Etats-Unis, qui inquiète l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Les effets du «crack», a-t-il indiqué, sont beaucoup plus dangereux que ceux de la cocaïne [8]. Le Conseil national n'a pas donné suite à une pétition déposée en 1985 par l'Association suisse des intervenants en toxicomanie qui demandait une amnistie en faveur des délinquants drogués. Le projet d'amnistie était soutenu par la gauche. Celle-ci indiquait que l'exécution des peines d'emprisonnement ne pouvait qu'accroître les difficultés d'intégration des jeunes toxicomanes au sein de la société et que la détention en milieu carcéral ne pouvait se révéler un frein à la consommation de stupéfiants. La thérapie et la prophylaxie devaient se substituer aux peines d'emprisonnement. La majorité du Conseil national a reconnu l'urgence d'une réflexion sur la politique menée à l'encontre de la drogue, mais jugea inopportune une mesure d'amnistie qui ne saurait résoudre un problème aussi complexe [9].
Le Conseil fédéral s'est prononcé contre une libéralisation totale de la consommation et de la détention de stupéfiants à usage personnel, et a en conséquence recommandé à l'Assemblée fédérale le rejet d'une motion Fetz (poch, BS). Dans sa prise de position écrite, le Conseil fédéral a rendu les parlementaires conscients que les drogues n'étaient pas des substances inoffensives mais au contraire dangereuses pour la santé [10]. Sur le thème d'une libéralisation des drogues douces, les avis divergent, même si toutes les parties en présence s'accordent sur la nécessité d'une réforme de l'actuelle loi sur les stupéfiants de 1975. Lors de son 65e congrès annuel, la Société suisse de droit pénal a indiqué qu'une libéralisation des drogues douces n'apporterait pas une solution au problème. Par contre, le secrétaire du PRD zurichois s'est prononcé en faveur d'une réforme de la loi qui irait dans le sens d'une libéralisation de la consommation de cannabis. Il souhaite un projet global, incluant des moyens sociaux et médicaux de lutte contre la drogue et de réinsertion sociale des toxicomanes [11].
Le Conseil fédéral a procédé au transfert et à la privatisation de certaines taches qui étaient du ressort de la Régie fédérale des alcools. Ainsi, certaines fonctions étroitement liées à la politique de la santé, comme le contrôle de l'utilisation par les cantons des 10% du bénéfice net de la Régie pour la lutte contre les causes et les effets de l'alcoolisme, de l'abus de stupéfiants et d'autres substances engendrant la dépendance, sera dorénavant assuré par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Quant à l'Institut suisse de prophylaxie de l'alcoolisme, il se verra attribuer des montants prévus pour les actions contre l'alcoolisme [12].
 
[8] NZZ, 7.3.86 ; JdG, 7.3.86.
[9] BO CN, 1986, p. 2001 ss. Cf. aussi APS, 1985, p. 142.
[10] Motion Fetz: Délib. Ass. féd., 1985, V, p. 142. Prise de position du CF: NZZ, 9.10.86. L'actuelle loi sur les stupéfiants ne fait pas de distinction entre drogues douces et drogues dures et condamne aussi bien le commerce que la consommation de stupéfiants. Cf. P. Joset / P. Albrecht, « Entwurf einer liberalen Drogenpolitik: Revision des Betäubungsmittelgesetzes», in Revue de droit suisse, 105/1986, I, p. 243 ss.
[11] Congrès: Vat., 26.5.86. Secrétaire du PRD/ZH: 24 Heures, 3.4.86.
[12] NZZ, 27.11.86.