Année politique Suisse 1986 : Politique sociale / Assurances sociales
 
Assurance-maladie
Au cours de sa session d'hiver, le Conseil des Etats a entamé la révision partielle de l'assurance-maladie et maternité. Sur les principaux points, la chambre des cantons a suivi les propositions de sa commission en décidant, contrairement au Conseil national, de ne pas entrer en matière sur l'assurance d'une indemnité journalière obligatoire en cas de maladie (partie B), mais au contraire de renforcer l'assurance des soins médicaux (partie A), en la complétant d'une indemnité journalière en cas de maternité. Les sénateurs ont pour le reste rejoint les décisions prises en 1984 par le Conseil national dans le cadre du programme. d'urgence et destinées à freiner les coûts de la santé. Ils ont ainsi donné leur approbation à une hausse de 10 à 20% de la participation des assurés aux frais médicaux et à l'introduction d'une franchise de 400 francs au maximum. Pour ce qui est de la prise en charge des frais hospitaliers par les caisses-maladie, les députés ont décidé par 20 voix contre 19 que ces prestations devraient être octroyées même lorsque le traitement aurait lieu dans un établissement non reconnu par le canton en tant qu'établissement habilité à fournir des prestations aux assurés. Le Conseil des Etats n'a ainsi pas voulu autoriser les cantons à dresser une liste d'hôpitaux agréés. Les soins à domicile, la médecine préventive et les traitements dentaires non évitables font leur entrée dans la liste des soins pris en charge par les caisses-maladie. Enfin, les députés du Conseil des Etats ont refusé de souscrire à un modèle d'assurance avec bonus pour les bien-portants. Cette disposition voulait que les assurés n'ayant pas sollicité les prestations de leur assurance pendant une certaine période, se voient accorder une réduction de leur prime. Principaux griefs formulés par les députés contre un tel système, son caractère antisocial et son incompatibilité avec le principe de la solidarité. En revanche, ils ont donné leur aval aux bases légales permettant l'introduction de caisse de santé du type HMO (Health Maintenance Organization) [10]. Une motion de la commission du Conseil national et votée par les Chambres a été transmise au Conseil fédéral. Elle l'invite à présenter au parlement un projet sur le financement de l'assurance-maladie prévoyant que les subventions fédérales seront réparties en fonction de la situation économique des assurés [11].
Le Conseil fédéral, soucieux de freiner la hausse des coûts de la santé, a modifié les règles qui régissent la participation des assurés aux frais des soins médicaux et pharmaceutiques ambulatoires. Les caisses-maladie auront à choisir entre l'un des deux systèmes proposés par le gouvernement. Soit elles conservent le système actuel de participation aux coûts de.traitement ambulatoire avec une augmentation de la franchise actuelle de 30 francs par cas de maladie par trimestre à 50 francs et de 50 à 100 francs pour les assurés économiquement à l'aise. Soit elles se rallient au nouveau système de franchise annuelle à la carte, franchise qui se montera en principe à 100 francs, mais pourra, moyennant une réduction de primes appropriée des cotisations des assurés, atteindre jusqu'à 1000 francs. Cette nouvelle réglementation, qui entend davantage accroître la responsabilité financière de l'assuré, entrera en vigueur le 1er janvier 1987 et les caisses-maladie auront jusqu'au 1er janvier 1988 pour adapter leurs statuts. Afin d'éviter que cette possibilité des franchises à choix ne pousse les caisses-maladie à scinder leurs assurés en deux groupes, le principe de la solidarité devra être respecté, tout comme devra être garanti le changement de franchise, ceci indépendamment de l'état de santé et de l'âge. Ceux qui, parmi les milieux intéressés, avaient déjà exprimé leurs réticences au cours de la procédure de consultation, ont réitéré leurs critiques face aux modifications entreprises par le Conseil fédéral.
Pour le Concordat des caisses-maladie suisses (CCMS), ce nouveau système de franchise est une intervention sans base légale. Le CCMS aurait souhaité que les deux systèmes puissent coexister au sein de la même caisse, afin que l'assuré puisse continuer à avoir le choix. Il craint par ailleurs que l'obligation pour les caisses de choisir entre la franchise trimestrielle et annuelle n'augmente la concurrence et n'accélère la perte du sens de la solidarité entre les assurés jeunes et vieux, et entre riches et pauvres. Quant à l'Union syndicale suisse (USS), elle a critiqué vivement le principe de la franchise à choix qui est, à ses yeux, absolument contraire au principe de la solidarité, car seuls les assurés ayant un revenu confortable peuvent se payer des franchises aussi élevées. Pour les milieux patronaux, le relèvement volontaire du niveau de la franchise et la baisse correspondante des primes présente un système d'incitation à l'épargne intéressant. Et ceux-ci d'indiquer qu'une telle mesure entraînera sur le plan général une diminution effective de la demande de prestations médicales ambulatoires et qu'il s'agit là d'un premier pas dans la bonne direction en vue d'agir sur l'explosion des coûts de la santé [12].
L'initiative du Parti socialiste et de l'USS «Pour une saine assurance-maladie» a abouti. Lancée en 1984, elle vise à rendre l'assurance-maladie obligatoire et prévoit un système de cotisations fixées en proportion de la capacité économique des assurés; pour les salariés, la moitié au moins des cotisations étant à la charge des employeurs. L'assurance devra également être financée par une contribution de la Confédération qui devra s'élever à un quart au moins des dépenses. Pour les initiants, les bénéficiaires d'un tel système seraient les personnes à bas et moyen revenu ainsi que les familles [13].
 
[10] BO CE, 1986, p. 667 ss. et 701 ss. Cf. supra, part. I, 7b (Politique de la santé). Programme d'urgence et imbroglio de l'assurance-maladie: RFS, 11, 18.3.86; Domaine public, 843, 4.11.86 et APS, 1984, p. 114 s. La proposition relative au transfert de la prise en charge de la moitié des contributions destinées aux caisses-maladie de la Confédération aux cantons a été approuvée, sous réserve que ceux-ci soient allégés dans d'autres domaines.
[11] BO CE, 1986, p. 709 s.
[12] Ordonnances: RO, 1986, p. 1706 ss. et 1987, p. 86 s. Réactions des caisses-maladie: TA et JdG, 17.10.86 ; BaZ, 22.10.86. Réactions des syndicats: USS, 30, 8.10.86. Réactions patronales: wf, 5, 3.2.86; Journal des associations patronales, 7, 13.12.86. Le programme d'urgence contient aussi des dispositions de ce genre, mais I'OFAS souhaitait maintenant les introduire sur la base de la loi actuelle.
[13] FF, 1986, II, p. 308 ss. Aboutissement: presse du 16.5.86. Cf. aussi APS, 1984, p. 144. Le PSS avait déjà déposé une première initiative intitulée «Pour une meilleure assurance-maladie» en 1970. Elle voulait instaurer le principe d'une assurance soins médicaux et pharmaceutiques et indemnités journalières obligatoires. L'Assemblée fédérale lui avait opposé un contre-projet. L'un et l'autre ont été repoussés en votation populaire en 1974 (APS, 1974, p. 130 s.).