Année politique Suisse 1987 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Aide publique au développement
La commission des affaires étrangères du Conseil national avait demandé au gouvernement, en 1985, un
rapport concernant les résultats de la coopération suisse au développement entre 1976 et 1985. Ce compte rendu constate que le concept suisse d'aide au développement a évolué, passant d'une croyance quasi euphorique en sa puissance en 1976 à un relatif scepticisme quant à son efficacité en 1985. Depuis 1976, les engagements de la Suisse dans l'aide publique au développement se sont montés à 4,5 milliards de francs (0,2% du PNB) et se sont répartis sur 1300 projets dans 52 pays. Près de la moitié d'entre eux et 40% des moyens financiers ont profité à certains pays dits de concentration. En moyenne, les fonds ont été utilisés à raison de 27% pour l'agriculture, 16% pour la formation et 12% pour la santé. Une bonne moitié des projets a été gérée par des organisations privées. De surcroît, près de 704 des crédits ont été affectés à des projets lbilatéraux. Par ailleurs, l'aide publique au développement devra compléter son action au niveau rural par une activité de développement en zone urbaine. Il lui faudra également soutenir l'intégration de la femme dans les processus de développement, renforcer son action au niveau démographique et prendre en considération les aspects écologiques des projets de développement. Si les deux Chambres ont pris aisément acte de ce rapport, les parlementaires n'en ont pas moins émis quelques critiques concernant le manque de lignes directrices de la Suisse dans ce domaine
[18].
Les retombées financières de l'aide publique au développement sur notre économie, par le biais des dépenses induites, sont loin d'être négligeables. Elles étaient estimées, en 1985, à plus de 600 millions de francs. Il faut peut-être chercher dans ces répercussions économiques la très facile acceptation par le parlement du nouveau crédit de programme de 2,1 milliards de francs, réparti sur trois ans, en faveur de la coopération technique et de l'aide financière pour les pays en développement. Selon les vues de l'exécutif, cette somme permettra de rapprocher l'aide publique suisse au développement de la moyenne de celle des pays de l'OCDE. Ce nouveau crédit se répartira comme suit: 46% à destination de l'Afrique, 38% pour l'Asie et 16% en faveur de l'Amérique latine.
Au Conseil des Etats, ce projet n'a rencontré aucune difficulté puisqu'il a été adopté à l'unanimité. Par contre, l'extrême-droite de la chambre basse l'a quelque peu bousculé. Le député Soldini (vigilance, GE), constatant une augmentation de 16,5% de ce montant entre 1984 et 1987, proposa de le diminuer de 600 millions de francs, permettant ainsi la suppression des contributions aux organisations internationales gérant l'aide multilatérale. Cependant, le Conseil national a accepté ce crédit. Les parlementaires ont néanmoins émis quelques critiques concernant la coopération au développement suisse. Selon eux, elle n'est pas suffisamment orientée sur la satisfaction des besoins élémentaires. De plus, elle devrait être davantage axée sur les pays où la politique économique intérieure n'entrave pas ses actions. Lors de l'élaboration des projets d'aide, les organismes extérieurs à l'administration devraient être mieux associés à cette procédure
[19].
Le refus du Conseil fédéral de politiser notre aide et de la subordonner à certains critères a amené le conseiller national Ruf (an, BE) à demander à l'exécutif, par le biais d'une motion, de soumettre son aide à la réalisation, dans les pays concernés, de trois conditions: l'accueil de réfugiés et demandeurs d'asile, le contrôle des naissances et le respect des droits de l'homme
[20]. Dans cet esprit, la motion Mühlemann (prd, TG), bien que retirée par la suite, exigeait que, dans le cadre de l'aide au développement, la Direction de la coopération au développement élabore un projet permettant de rapatrier, en Inde ou au Sri-Lanka, des réfugiés tamouls et de leur fournir, sur place, une assistance
[21].
Le Conseil national a par ailleurs transmis le postulat Longet (ps, GE) sollicitant un rapport de l'exécutif sur les conditions économiques des relations entre la Suisse et le Tiers-Monde et, sur un niveau plus global, le postulat Renschler (ps, ZH) invitant le gouvernement à présenter un compte rendu sur la participation de la Suisse à la coopération multilatérale dans le cadre du développement et de l'aide humanitaire
[22].
La participation de la Suisse aux
banques de développement, activité multilatérale s'il en est, fait également partie de cette politique d'aide aux pays défavorisés menée par notre pays. A ce titre, les Chambres ont accepté un crédit de programme de 680 millions de francs permettant à la Suisse de participer aux futures augmentations de capital, courant sur quatre ans, des banques régionales de développement (asiatique, interaméricaine et africaine). La somme effectivement versée ne constituera que le 10% du montant total, le reste formant une créance conditionnelle servant de capital de garantie. Par ce biais, ces banques disposent d'un crédit important sur les marchés des capitaux, ce qui leur permet d'allouer des crédits aux pays en développement et cela à des conditions favorables
[23].
Les Chambres ont également ratifié l'arrêté demandant l'adhésion de la Suisse à
l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI). Si le Conseil des Etats a accepté sans objection cet arrêté, il n'en a pas été de même du Conseil national. Créée à fin 1985 par la Banque mondiale, cette Agence a pour but de promouvoir les investissements privés dans les pays en développement. La contribution de la Suisse à cet organisme s'élève à 33 millions de francs. Mais ce n'est pas sur ce montant que les arguments des opposants, principalement la gauche, ont porté. Pour eux, l'Etat n'a pas à protéger les investissements privés contre les risques encourus. En outre, cette Agence ne profiterait qu'aux grandes entreprises suisses, notamment multinationales. De surcroît, ils craignaient qu'elle n'impose aux pays en développement des projets gigantesques ne correspondant pas à leurs besoins, mettant en danger leur souveraîneté et aggravant leur endettement. A cela, les partisans de l'adhésion rétorquèrent que cette Agence permettrait aux petites et moyennes entreprises d'investir dans le Tiers-Monde. De plus, il n'y aurait pas de socialisation des pertes. L'Agence ne soutiendrait pas de projets inutiles; ces programmes ne violeraient pas la souveraîneté des Etats en développement puisque ceux-ci disposeraient de la moitié des voix au sein de l'entité. En fait, le fond de cette discussion résidait dans le maintien ou la suppression de la coopération multilatérale suisse. Les partisans de l'adhésion l'ont finalement emporté puisque la chambre basse a accepté l'arrêté (par 113 voix contre 44)
[24].
[18] FF, 1987, II, p. 147 ss. ; BO CN, 1987, p. 742 ss. ; BO CE, 1987, p. 450.
[19] FF, 1987, II, p. 1 ss. et III, p. 252 s.; BO CN, 1987, p. 711 ss.; BO CE, 1987, p. 450 ss.; RFS, 7, 17.2.; 23/24, 16.6. et 39, 29.9.87; SAZ, 45, 12.11.87; L'Hebdo, 7, 12.2.87.
[20] Délib. Ass. féd., 1987, IV, p. 87.
[21] BO CN, 1987, p. 403 ss.
[22] BO CN, 1987, p. 1456.
[23] FF, 1987, I, p. 134 ss.; BO CN, 1987, p. 1108 ss., 1228 ss. et 1518; BO CE, 1987, p. 142 ss. et 570; Délib. Ass. féd., 1987, III, p. 21.
[24] FF, 1987, I, p. 134 ss.; BO CN, 1987, p. 1108 ss., 1228 ss. et 1518; BO CE, 1987, p. 142 ss.; FF, 1987, III, p. 250.
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