Année politique Suisse 1987 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Aide humanitaire
Le monde de l'Administration fédérale a été fortement secoué par le retentissant départ d'Eduard Blaser, chef du Corps suisse d'aide en cas de catastrophe. Fondé en 1972, ce corps était rattaché à la Direction de la coopération au développement et de l'aide humanitaire (DDA). Sous la houlette d'Eduard Blaser, le Corps connut une certaine expansion. En sus de l'aide ponctuelle en cas d'urgence, son action s'orienta vers des projets nécessitant un suivi à plus long terme. Dès lors, il entra en compétition avec les projets de la DDA. Dès 1985, les tensions étaient latentes entre les deux organismes, la DDA, composée de fonctionnaires, étant l'antithèse du Corps, réunissant des volontaires. Pour E. Blaser, l'efficacité de l'aide urgente dépendait de son plein engagement, libéré des contraintes administratives et financières. En 1986, le Conseil fédéral trancha pour une solution de compromis (nuances entre aides humanitaire, opérationnelle, non opérationnelle et en cas de catastrophe). Mais ainsi, non seulement E. Blaser était déchargé d'un certain nombre de tâches au sein de la DDA et placé directement sous les ordres du chef du DFAE, mais sa compétence financière se trouvait, dans bien des cas, réduite. Toute action nécessitant un engagement financier conséquent devenait impossible sans l'accord de la DDA. Dans plusieurs cas, E. Blaser n'aurait pas respecté ces consignes (par exemple, lancement d'un programme d'aide aux enfants sous-alimentés en Mauritanie, campagne de vaccination en Guinée équatoriale).
En décembre 1986, Pierre Aubert, sur la foi de renseignements dont la source était mal définie, ouvrit une enquête disciplinaire à l'encontre d'Eduard Blaser. A la suite de cette mesure, celui-ci décida de démissionner à mi-1987. Fin décembre, le chef du DFAE suspendit E. Blaser. L'enquête disciplinaire fut officiellement motivée par les erreurs de direction ainsi que par le dépassement de compétence d'E. Blaser. Celui-ci rétorqua en reprochant au chef du DFAE d'avoir fait de lui, sans preuve, un accusé et en affirmant que les raisons de sa suspension étaient d'ordre politique
[25].
Le parlement, face à cette procédure pour le moins inhabituelle, n'est pas resté sans réaction. Les présidents des deux commissions des affaires étrangères ont sollicité un entretien avec P. Aubert. Ils demandèrent d'une part d'être informés à fond quant aux raisons du conflit et, d'autre part, de rapporter la suspension du chef du Corps. Dans sa réponse, le chef du DFAE a justifié sa décision par trois motifs. Primo, la détérioration des relations de confiance entre E. Blaser et ses supérieurs était telle que toute forme de collaboration devenait impossible. Secundo, E. Blaser avait, dès 1983, fait preuve de quelques réticences à coopérer avec la DDA. Tertio, il avait outrepassé ses compétences financières
[26].
Suite à cette affaire, le gouvernement a décidé de revoir partiellement les structures du DFAE afin d'assurer une meilleure coordination des différents instruments de l'aide publique au développement. A ce titre, il a opté pour un retour du Corps dans le giron de la DDA et une extension des compétences de son chef, dont le titre sera "délégué pour les missions de secours à l'étranger", qui reprendra la direction de l'aide humanitaire. Le Conseil national, quant à lui, a rejeté l'idée d'un transfert du Corps dans une fondation indépendante comme le suggérait le postulat Sager (udc, BE)
[27]. De surcroît, les volontaires du Corps susmentionné ont déposé une pétition, munie de 253 signatures, visant à contrer sa bureaucratisation. Par ailleurs, à en croire les conclusions de l'enquête administrative, rien n'aurait justifié la suspension d'Eduard. Blaser. Le rapport proposerait en outre de clôre la procédure disciplinaire, des sanctions ne servant en rien l'intérêt public
[28].
[25] La Suisse, 3.1., 8.1., 9.1. et 30.4.87; JdG, 10.1., 12.3. et 30.4.87; 24 Heures, 8.1. et 25.2.87; Lib., 20.8.87.
[26] BO CE, 1987, p. 98 ss. et 139 ss. Cf. aussi FF, 1987, II, p. 739 ss.
[27] BO CN, 1987, p. 994 ss.
[28] NZZ, 23.4.87; La Suisse, 28.3. et 17.7.87.
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