Année politique Suisse 1987 : Chronique générale / Défense nationale / Armement
Même si l'initiative du Parti socialiste demandant l'introduction du référendum financier facultatif pour les dépenses d'armement a été assez nettement repoussée –
1 046 637 non (59,4%) contre 714 209 oui (40,6%) — le consensus contre ce projet de texte constitutionnel ne fut pas aussi manifeste que d'aucuns l'avaient prédit. Avec plus de 40% de oui et trois cantons qui l'ont acceptée, l'initiative a réalisé un meilleur score que ne le laissait présager le débat politique précédant le vote
[9]. Elle demandait que tous les crédits d'engagement du DMF concernant l'acquisition de matériel de guerre, les constructions et l'achat de terrains, ainsi que les programmes de recherche, de développement et d'essai, soient soumis au référendum facultatif. Le débat fut pour le moins animé et les camps nettement distincts. Pour ses auteurs, l'initiative devait permettre d'associer le peuple aux décisions relevant de notre défense nationale et ainsi renforcer les droits démocratiques des citoyens et obtenir que le peuple puisse se prononcer sur d'importants projets controversés comme l'achat des chars Léopard. En cas de refus, les économies ainsi réalisées pourraient être affectées à des fins sociales ou utilisées à la protection de l'environnement. La coalition bourgeoise a accusé les initiants d'avoir lancé ce projet de texte constitutionnel pour de purs mobiles anti-militaristes et de vouloir, à travers celui-ci, affaiblir la défense nationale. Pour appuyer cette thèse, ils n'ont pas manqué de souligner que le PSS, divisé entre partisans et adversaires du pacifisme, n'avait réussi à récolter le nombre de signatures requises qu'avec l'appui de mouvements pour la paix, d'organisations alternatives et de l'extrême gauche. Le PSS a rétorqué en rappelant qu'il s'était rallié sans équivoque à la défense nationale. Pour étayer leur refus, les opposants ont fait remarquer que l'achat de matériel de guerre est tributaire d'une planification à long terme, un refus ponctuel d'un crédit d'engagement pourrait de ce fait remettre en cause toute la procédure d'acquisition. Qui plus est, les fournisseurs étrangers hésiteraient dès lors à livrer du matériel haut de gamme, le secret ne pouvant plus être préservé à cause de la nécessité d'information des citoyens appelés à voter.
Droit de référendum en matière de dépenses militaires. Votation du 5 avril 1987
Participation: 42,4%
Non : 1 046 637 (59,4%) / 201/2 cantons
Oui: 714 209 (40,6%) / 21/2 cantons
Mots d'ordre:
— Non: PRD, PDC, UDC, PLS, PEP, AN; Vorort, UCAP, USAM, USP, FTMH, CSCS.
— Oui: PSS, PES, POCH, PST; Syndicat du bâtiment et du bois, Confédération romande du travail.
L'ensemble du monde politique suisse a exprimé sa satisfaction à la connaissance du résultat. Le PSS a estimé que 40% de oui représentait un pourcentage respectable et que l'initiative, même défaite, avait remporté un succès d'estime. Ils ont également affirmé que ce résultat devait être interprété comme la manifestation du malaise de larges couches de la population en face des sommes dépensées pour l'armée alors que la protection de l'environnement est laissée pour compte. Quant à la coalition bourgeoise, elle s'est déclarée satisfaite du rejet de l'initiative qui, à ses yeux, constitue un net désaveu pour la gauche
[10].
On ne peut interpréter le succès relatif de l'initiative comme un vote de défiance face à l'armée en tant qu'institution. En effet, comme l'a montré l'analyse VOX, les oppositions de principe à l'égard de l'armée furent peu nombreuses. Si des motifs antimilitaristes ont pu pousser des électeurs à accepter l'initiative, le souhait d'étendre les droits populaires et de réaliser des économies dans les dépenses militaires ont largement prévalu dans les rangs des 40% d'acceptants. Pour justifier leur position hostile, les opposants ont invoqué des arguments relatifs à l'incapacité du peuple à prendre de telles décisions. Ce sont les citoyens sympathisants de l'UDC et des radicaux qui ont fait preuve du refus le plus net, avec respectivement 90 et 84% de non. La gauche, elle, l'a acceptée dans son ensemble, les votants proches du PSS le faisant avec 66% de oui
[11].
[9] Résultats: FF, 1987, II, p. 829 s. et presse du 6.4.87.
[10] Sur l'orientation antimilitariste de l'initiative: 24 Heures, 28.2.87; NZZ, 5.3., 12.3. et 25.3.87. Le Comité d'action suisse "Non à l'affaiblissement de notre volonté de défense" avait été fondé à Berne à la fin 1986 et était présidé par le CE J. Schönenberger (pdc, SG) et les CN J. Martin (prd, VD) et A. Ogi (udc, BE). Position du DMF: NZZ, 27.2.87. Position des milieux de l'armée: ASMZ, 153/1987, p. 168 ss. Position des initiants: Friedenszeitung, 1987, Nr. 65/66 et 69; SP Information, 221, 9.2.87; 222, 23.2.87; 224, 23.3.87 et 225, 6.4.87. Interview H. Hubacher: BaZ, 1.4.87. Cf. aussi L'Hebdo, 13, 26.3.87 et Domaine public, 857, 26.3.87. Cf. aussi APS, 1986, p. 60 s.
[11] Vox, Analyse de la votation fédérale du 5 avril 1987, Genève 1987.
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