Année politique Suisse 1987 : Chronique générale / Défense nationale
Objecteurs de conscience
Le Conseil fédéral a publié un
projet de modification du code pénal militaire et de la loi fédérale sur l'organisation militaire. La révision partielle du code pénal militaire, qui entend décriminaliser l'exécution des peines, prévoit pour l'essentiel que l'authentique objecteur ne sera plus condamné à la prison mais astreint à un travail d'intérêt public une fois et demie plus long que le service militaire. La notion d'objecteur de conscience continuera de se fonder sur des motifs religieux et éthiques, mais sera élargie dans ce sens qu'il ne sera plus nécessaire de prouver un grave conflit de conscience mais simplement l'impossibilité de concilier le service militaire avec les exigences de sa conscience. Une condamnation par un tribunal militaire subsistera et l'objection continuera d'être considérée comme une infraction même si désormais elle ne sera plus consignée dans le casier judiciaire
[21]. Le projet du gouvernement n'a pas fait l'unanimité. Ainsi, une partie de la droite, s'appuyant sur les refus populaires du service civil de 1977 et 1984, a estimé que la révision allait trop loin. Il faut, selon eux, maintenir intact le principe du service militaire obligatoire dans l'armée de milice. Quant aux défenseurs du service civil, PSS, POCH, AdI et PEP, ils ont jugé ce texte insuffisant car il n'offre pas l'alternative du libre choix entre le service militaire et le service civil. Ils considèrent ce projet comme transitoire et hybride. D'une part, il emprunte au modèle du service civil l'idée d'un engagement de longue durée en faveur de la collectivité tout en maintenant le caractère pénal de l'objection et, d'autre part, il perpétue la distinction entre les différents motifs de conscience et, de ce fait, ne s'adresse qu'à une minorité d'objecteurs
[22].
Dans le même message, le Conseil fédéral a proposé d'introduire dans la loi sur l'organisation militaire, le principe du service militaire sans arme qui figure actuellement dans une ordonnance dont la validité est limitée. Les critères d'admission au service militaire sans arme pour raisons de conscience correspondent à ceux retenus pour les authentiques objecteurs de conscience. Le service des soldats refusant de porter une arme sera prolongé de six à vingt jours afin de compenser le fait que ceux-ci ne seront astreints ni au service de garde ni aux tirs obligatoires mais aussi afin de dissuader ceux qui chercheraient dans cette alternative une solution du moindre effort
[23].
Le
nombre des objecteurs de conscience a connu une légère progression par rapport à l'année 1986. En effet, ils ont été 601 à refuser de servir contre 542 l'année précédente. Parmi ces 601 objecteurs, 169 ont invoqué des raisons religieuses ou éthiques entraînant un grave conflit de conscience tandis que 83 ont refusé de servir pour les mêmes mobiles, mais sans grave conflit de conscience. Les réfractaires purement politiques étaient au nombre de 40 tandis que 309 avaient d'autres motifs comme la crainte de la discipline ou du danger. Même s'il s'agit là d'une minorité infime en regard des jeunes gens qui accomplissent leurs obligations militaires, d'aucuns n'ont cependant pas manqué de souligner que cette hausse du nombre des refus de servir pourrait être annonciatrice d'une nouvelle vague de révolte des adolescents
[24].
[21] FF, 1987, II, p. 1335 ss.; cf. aussi APS, 1986, p. 63.
[22] Friedenszeitung, 1987, Nr. 71/72; ASMZ, 153/1987, p. 494. Cf. aussi presse du 29.5.87 et Domaine public, 867, 11.6.87.
[23] FF, 1987, II, p. 1335 ss.
[24] Presse du 10.2.88. Cf. aussi Friedenszeitung, 1987, Nr. 67.
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