Année politique Suisse 1987 : Politique sociale / Santé, assistance sociale, sport / Politique de la santé
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SIDA
La propagation du virus du SIDA est un sujet de préoccupation majeure tant pour la population que pour les autorités. De maladie clinique et isolée, l'épidémie est devenue un véritable problème de société obligeant chacun à redéfinir ses responsabilités. En l'absence d'un remède universel, la prévention demeure à ce jour la seule parade efficace. Dans cet esprit prophylactique, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l'Aide suisse contre le SIDA ont lancé une imposante campagne d'information mobilisant toutes les ressources de la communication de masse et ayant pour objectif de changer les attitudes des personnes face à la maladie [7]. Cependant, le ton résolument direct et franc de la campagne a suscité quelques réserves dans une partie de l'opinion publique et au sein de la classe politique. S'il y a eu unanimité quant à l'opportunité du combat contre ce fléau, d'aucuns, milieux proches de l'Eglise, démocrates-chrétiens et nationalistes, ont regretté l'absence de considérations morales dans les recommandations données à la population. Pour leur part, socialistes et radicaux se sont opposés à un rôle moralisateur de l'Etat. Quant à Flavio Cotti, chef du DFI, il a déclaré qu'il n'appartenait pas à l'Etat de faire de la propagande pour des conceptions morales. Si, dans une première phase, elle avait vanté les mérites du préservatif, la campagne de publicité a dans son deuxième message tout de même défendu les vertus de la monogamie [8].
Cependant, les efforts déployés n'auront d'effets positifs qu'à plus ou moins long terme et, pour l'heure, la Suisse détient le triste record du plus haut taux d'Europe de cas de SIDA par habitant. La progression par doublement annuel du nombre de cas recensés s'est à nouveau confirmée en passant de 192 en 1986 à 355 en 1987. Sur ces 355 cas, environ 65% sont des homo-sexuels, 20% des toxicomanes et 10% des hétérosexuels, les 5% restant étant composés de personnes ayant contracté la maladie lors de transfusions sanguines, d'hémophiles et de nourrissons dont la mère était séropositive. Comme les statistiques l'indiquent, la maladie a commencé à briser les groupes dits à risques pour toucher d'autres catégories de la population. A ce propos, il est plus juste de parler de comportements à risques élevés plutôt que de groupes à risques [9]. Pour Flavio Cotti, la forte progression de cas de SIDA décelés en Suisse a deux raisons principales: l'anonymat garanti qui incite les porteurs du virus à s'annoncer sans crainte et le fait que les Suisses disposent de plus de moyens que d'autres nations pour faire du tourisme dans des pays où le SIDA est une véritable épidémie. Ajoutons à cela l'entrée en vigueur, en décembre 1987, de l'ordonnance révisée sur la déclaration des maladies transmissibles par l'homme qui prévoit que les diagnostics de SIDA doivent être obligatoirement déclarés, mais sans indiquer l'identité du porteur [10].
Le Conseil fédéral a élaboré une conception globale de lutte contre le SIDA. Il a estimé nécessaire d'affecter des moyens financiers beaucoup plus importants aux efforts de prévention et d'information. Ainsi, aux 3,5 millions de francs déjà inscrits dans le budget 1987, s'est ajouté un crédit supplémentaire de 8,3 millions. La conception globale repose sur quatre points fondamentaux: examen continu de la maladie, prévention, encadrement sanitaire et psychologique des personnes contaminées ou malades et recherche. Chaque année, les crédits progresseront pour atteindre 12,6 millions en 1988 et 13,2 millions en 1989 et 1990. En outre, un crédit de 1,5 millions a été attribué à la recherche appliquée. D'autres crédits, à débloquer en coordination avec le Fonds national suisse de la recherche scientifique, seront consacrés à des travaux relatifs aux conséquences économiques ou psychologiques du SIDA. Les cantons auront également un rôle à jouer dans la stratégie de lutte contre cette épidémie puisqu'il leur incombera la responsabilité de l'information à l'égard des jeunes des établissements scolaires. La prise en charge médicale leur revient également [11]. La Suisse, pour l'instant, se refuse à appliquer une politique répressive et coercitive à l'égard des sidatiques et des séropositifs et à légitimer d'une manière ou d'une autre un fichage de la population par l'Etat [12]. Les partis le sont également, à l'exception de l'extrême droite qui préconise un dépistage systématique du SIDA pour les requérants d'asile et plus généralement pour tous les étrangers. Pour atteindre une plus grande efficacité, le Conseil fédéral, mais aussi les cantons, ont décidé la création d'organes de coordination [13].
Un autre problème crucial lié au SIDA est celui des coûts médicaux auxquels les assurances doivent faire face. Si les grandes compagnies peuvent couvrir les frais de traitement, il n'en va pas de même pour celles plus modestes. On est en droit de se demander si les caisses-maladie ne vont pas imposer des réserves ou des clauses d'exclusion afin d'alléger quelque peu leurs charges. Le Concordat des caisses-maladie suisses estime que le SIDA doit être traité comme tout autre maladie. Toutefois, s'il devait continuer à progresser rapidement, la lutte contre ce virus exigerait la participation financière de la Confédération en vertu de la loi sur les épidémies [14].
 
[7] Presse du 4.2.87.
[8] Presse du 21.3.87. Cf. aussi interpellation Ruckstuhl, pdc, SG: BO CN, 1987, p. 476.
[9] Presse du 26.1.88.
[10] RO, 1987, p. 1297 ss.
[11]Conception globale: presse du 9.4.87. Crédits: BO CN, 1987, p. 812 ss.; BO CE, 1987, p. 330 s. Cf. aussi APS, 1986, p. 157 s.
[12] JdG et La Suisse, 10.6.87.
[13] JdG et NZZ, 28.10.87.
[14] BaZ, 17.2.87; TA, 14.4. et 21.8.87; NZZ, 30.4.87; La Suisse, 29.9.87.