Année politique Suisse 1987 : Politique sociale / Groupes sociaux / Politique à l'égard des étrangers
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Travail clandestin
Les Chambres fédérales ont approuvé la révision de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE). Les modifications de la loi précitée, qui renforcent la lutte contre le travail clandestin, peuvent être classées en deux catégories distinctes. Premièrement, celles qui visent à réprimer de manière plus sévère l'activité des passeurs qui consiste soit à faciliter l'entrée ou le séjour illégal d'une personne, travailleur étranger ou requérant d'asile, soit à lui apporter de l'aide aux préparatifs qu'elle aurait engagés à cet effet. Ces nouvelles dispositions visent à ériger en infraction autonome l'activité des passeurs qui devient ainsi un délit qualifié s'il y a dessein d'enrichissement illégitime ou appartenance à une organisation de passeurs. Les coupables seront dorénavant passibles d'une peine d'emprisonnement et d'une amende pouvant atteindre un maximum de 100 000 francs.
L'inclusion des passeurs de réfugiés dans la répression des activités des filières a donné lieu à un vif débat. La gauche craignait en effet d'exposer à des sanctions graves, à la fois les réfugiés qui entrent clandestinement et leurs protecteurs. E. Kopp, au nom du gouvernement, a précisé que si l'on voulait combattre efficacement les filières, il était impossible dans la pratique de faire une différence entre demandeurs d'emploi et demandeurs d'asile. Mais la conseillère fédérale s'est voulue rassurante et a certifié qu'il ne s'agissait ni de durcir notre politique d'asile ni de punir les personnes ou les paroisses qui abritent des demandeurs d'asile dont la demande a été refusée. Ainsi, celui qui prête assistance à une personne qui se réfugie en Suisse n'est pas punissable si ses mobiles sont honorables.
Le deuxième volet de la modification renforce les dispositions pénales qui peuvent s'appliquer aux employeurs qui engagent de la main-d'oeuvre sans autorisation. Le montant de l'amende pourra atteindre 5000 francs pour chaque étranger employé illégalement. Ce maximum est ramené à 3000 francs si la faute n'est pas intentionnelle. En cas de récidive, dans un délai de cinq ans, en plus de l'amende, le juge pourra punir de l'emprisonnement jusqu'à six mois. A ce propos, le Conseil des Etats a légèrement assoupli le projet du Conseil fédéral en ce sens qu'il a supprimé les minima relatifs aux amendes et prescrit que, dans les cas de très peu de gravité, le juge pourra renoncer à prononcer toute peine.
Même si les associations patronales ont reconnu l'opportunité de ces dispositions, elles n'ont cependant pas manqué de souligner que le travail au noir est un phénomène dont l'ampleur dépasse le problème proprement dit de l'occupation illégale de la main-d'oeuvre étrangère et que, dès lors, le durcissement de la loi ne saurait être considéré comme un remède. Pour leur part, les syndicats se sont félicités des modifications apportées à la LSEE. Pour l'USS, l'emploi de travailleurs clandestins est contraire à notre politique à l'égard des étrangers, entraîne une absence de protection sociale pour les travailleurs, introduit une concurrence faussée entre les entreprises et met en cause la paix sociale puisqu'il permet de contourner les conventions collectives. Et l'USS de conclure en indiquant que si certaines branches et certaines régions connaissent des difficultés de main-d'oeuvre, ce n'est pas au mépris de la loi que celles-ci pourront être résolues [5].
 
[5] BO CN, 1987, p. 1240 ss. et 1519; BO CE, 1987, p. 32 ss. et 571; FF, 1987, III, p. 235 ss.; RO, 1988, p. 332 s. Voir aussi APS, 1986, p. 168 s.