Année politique Suisse 1987 : Politique sociale / Groupes sociaux
Politique familiale
La Suisse, à l'instar des autres pays européens, est touchée par une chute du taux de natalité qui, si elle se poursuit, risque de mettre en danger à la fois son économie et ses institutions sociales. Même si à elles seules elles ne sauraient constituer un soutien efficace à une politique nataliste, il n'en demeure pas moins vrai que les allocations familiales peuvent libérer de nombreuses familles des contraintes économiques. En réponse à un postulat du conseiller national Darbellay (pdc, VS), des chercheurs se sont justement attachés à mettre en évidence la relation entre les revenus d'une personne seule, d'un couple ou d'une famille avec ou sans enfants afin de disposer d'un même niveau de vie. De leurs conclusions, il ressort qu'un couple élevant un seul enfant devrait disposer d'un revenu supplémentaire de 24% pour atteindre un niveau de vie équivalent à celui d'un couple sans enfants. Le deuxième enfant devrait encore coûter 19% de plus et le troisième 17%. Les allocations familiales et les autres prestations ne parviennent cependant pas à compenser la perte du pouvoir d'achat qui résulte de la venue au monde d'un ou plusieurs enfants
[22].
Le Conseil national a accepté sous la forme d'un postulat une motion Jung (pdc, LU) invitant le Conseil fédéral à procéder à d'éventuelles modifications de la loi sur les allocations familiales dans l'agriculture qui vont dans le sens d'une plus forte augmentation des prestations que dans d'autres secteurs ainsi que dans le sens d'un élargissement du cercle des personnes qui ont droit aux allocations
[23].
La nécessité d'améliorer concrètement l'assise financière des familles, et, plus précisément, des couples mariés par rapport aux couples vivant en union libre, a conduit le parlement à adopter, à une nette majorité, un arrêté spécial limité dans le temps sur l'impôt fédéral direct qui
allège la charge fiscale des couples mariés et des familles grâce à l'adaptation d'un barême distinct pour les époux et les célibataires. Initialement comprise dans une modification complète du système financier de la Confédération, cette réforme fiscale a été extraite de l'ensemble du dossier afin qu'elle puisse entrer plus rapidement en vigueur. Plusieurs députés socialistes n'ont cependant pas manqué de faire un rapprochement entre la rapidité avec laquelle le bloc bourgeois a débattu du dossier et l'échéance toute proche des élections fédérales. Et ceux-ci de craindre qu'une précipitation malsaine ne mette en danger tout le paquet de la réforme. Si la majorité bourgeoise était guidée par le principe de non-répercussion sur d'autres sujets fiscaux des dégrèvements en faveur de la famille, le chef du DFF, Otto Stich, était d'avis qu'il fallait compenser en partie le coût résultant des allégements pour les familles par une taxation supérieure sur les hauts revenus et les célibataires. La version de la majorité bourgeoise a finalement triomphé de celle proposée par le Conseil fédéral. Au cours du vote final, dans une chambre comme dans l'autre, les socialistes se sont abstenus ou ont voté contre l'arrêté. Ils ont estimé d'une part qu'il n'était pas judicieux de sortir ce chapitre particulier de la réforme de l'ensemble de la fiscalité fédérale et, d'autre part, que la solution adoptée n'était pas assez sociale
[24].
En raison du caractère provisoire de la réforme fiscale relative à l'imposition des couples, le Parti radical-démocratique a décidé de maintenir sa première initiative populaire visant à réduire la charge fiscale pesant sur les couples mariés et les familles. Le projet, qui part du principe que les couples mariés avec enfants sont défavorisés fiscalement par rapport aux concubins, prévoit d'alléger l'imposition des familles d'environ 510 millions de francs, dont 350 à charge du fisc fédéral et le reste à charge des cantons
[25].
Avec le soutien des autorités fédérales et d'une majorité silencieuse, la
Fondation Pro Juventute avait arraché de 1926 à 1973 quelque 600 enfants jenisches à leurs parents. Cet épisode historique douloureux, connu sous le nom de l'oeuvre des "Enfants de la grand'route" a à nouveau été évoqué. En effet, le DFI a ouvert une procédure de consultation, proposant aux cantons, dépositaires officiels des dossiers, d'adhérer à un accord administratif inter-cantonal prévoyant la conservation et la mise en valeur centralisées des dossiers concernant les enfants jenisches enlevés à leurs familles. Les cantons ont approuvé la conclusion de cette convention qui va permettre dorénavant aux personnes pouvant prouver qu'elles veulent retrouver leur famille, rectifier le contenu de ces documents ou faire valoir des prétentions financières fondées, de consulter ces dossiers de tutelle et d'adoption qui se trouvent présentement aux archives fédérales. Au cours d'une conférence de presse, P. Bernasconi, au nom de la Fondation Pro Juventute, a adressé des excuses aux Jenisches et a prêché en faveur d'une réconciliation. En 1986, le président de la Confédération, A. Egli, avait déjà présenté des excuses officielles aux gens du voyage
[26].
Les problèmes relatifs à la fécondation artificielle et aux manipulations génétiques sont traités au chapitre I, 7b, (santé).
[23] BO CN, 1987, p. 976 ss.
[24] BO CN, 1987, p. 1115 ss.; BO CE, 1987, p. 522 ss. Presse du 24.9. et du 8.10.87.
[25] FF, 1987, II, p. 358 ss.
[26] Procédure: presse du 14.7.87. Excuses: presse du 8.5.87.
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