Année politique Suisse 1988 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Exportations contestées
Les livraisons d'armement et de matériel de guerre ont régressé en 1988 puisqu'elles ont constitué 0,7% du total des exportations suisses contre 0,86% en 1987. Leur montant s'est élevé à 504,4 millions de francs (contre 578,3 millions en 1987, soit une diminution de 12,8%). Les principaux acheteurs ont été le Nigéria (105,8 millions de francs), l'Allemagne fédérale (79,7 millions), l'Arabie séoudite (59,1 millions), l'Autriche (31,4 millions), le Canada (27 millions), les Etats-Unis (27 millions) et la Thaïlande (20,1 millions). Si l'on se réfère à ces chiffres, l'on constate que près de la moitié des achats d'armes ont été effectués par des pays en développement. Cette proportion est, selon Amnesty International, trop élevée. Durant les douzes dernières années, le volume des exportations d'armes par rapport au total des ventes suisses à l'étranger a varié entre 1,3% en 1976 et 0,65% en 1984 [107].
Lors de l'examen du rapport de gestion 1987, plusieurs députés socialistes, écologistes et indépendants s'en sont véhémentement pris à la loi fédérale sur l'exportation de matériel de guerre. Ainsi le député Weder (adi, BS), par le biais d'un postulat, a demandé le renforcement des dispositions de la norme précitée afin d'éviter que des entreprises suisses ne soient impliquées dans des scandales liés au trafic d'armes. De même, les conseillers nationaux Carobbio (psa, TI) et Braunschweig (ps, ZH), par leurs interpellations, se sont intéressés au trafic de matériel de guerre, notamment à destination de l'Iran. Le Conseil fédéral, par l'intermédiaire d'Arnold Koller, a fait savoir qu'il n'entendait pas renforcer la législation sur les exportations d'armes car celle-ci est, au niveau international, l'une des plus sévères. De surcroît, l'industrie helvétique d'armement ne peut pas exister, selon le gouvernement, sans disposer de capacités d'exportation. Enfin – en rapport avec les souhaits de ces parlementaires liés aux armes vendues en Suisse mais n'y transitant pas – il estime de mauvais aloi de rendre les lois suisses valables extraterritorialement. Les arguments du Conseil fédéral ont été entendus puisque la chambre basse a rejeté le postulat Weder par 61 voix contre 47 [108]. L'initiative parlementaire Longet (ps, GE), visant à limiter l'exportation de matériel civil si l'on peut supposer qu'il servira à des fins militaires est, quant à elle, toujours en suspens. Mais la commission du Conseil national a d'ores et déjà proposé à sa chambre de ne pas lui donner suite [109].
Par ailleurs, le Ministère public de la Confédération a ouvert une enquête préliminaire concernant la Société suisse des explosifs (SSE), suite aux révélations faites par deux quotidiens alémaniques, le Tages-Anzeiger et le Bund. Selon celles-ci, la SSE – sise à Gamsen (VS) – pourrait avoir violé la loi sur l'exportation d'armes en participant à un trafic illicite à destination de l'Iran et de l'Irak, via le Maroc [110].
 
[107] JdG, LNN et TW, 28.1.89.
[108] BO CN, 1988, p. 625 ss.; presse du 10.6.88.
[109] Délib. Ass. féd., 1988, II, p. 22.; NZZ, 23.11.88.
[110] TA et Bund, 2.4.88. Le Maroc a la réputation d'être un pays de transit détournant les embargos d'armes frappant l'Iran et l'Irak (Suisse, 3.4.88; Lib., 7.4.88; JdG, 8.4.88.).