Année politique Suisse 1988 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Principes directeurs
Le rapport sur le programme de législature 1987–1991 place parmi ses sept grandes options celle de "la Suisse dans le concert des nations" [1]. Elle s'articule tant autour des grands défis mondiaux et européens qu'autour de la politique de sécurité. Dans ce programme, le gouvernement préconise un renforcement de l'intégration de la Suisse en Europe par une collaboration plus intense avec la Communauté européenne (ci-après CE) et plus dynamique avec le Conseil de l'Europe. Cette attitude a pour corollaire une augmentation progressive de l'aide au développement, une stimulation de la politique humanitaire, une meilleure coordination entre coopération au développement et politique d'asile et une participation accrue aux opérations pour le maintien de la paix [2].
La politique étrangère suisse a connu, en début d'année, une certaine réorientation. Ses priorités seront modifiées et axées sur les possibilités réelles et les intérêts d'un petit Etat neutre. De surcroît, des problèmes concrets tels que l'asile, les transports ou la protection de l'environnement devront être abordés, voire solutionnés, également dans le cadre de la politique étrangère. Enfin, le rapprochement à l'Europe devra dépasser les frontières de l'économie [3]. La nomination de l'Alémanique Klaus Jacobi au poste de secrétaire d'Etat – en lieu et place du Romand Edouard Brunner qui permute avec ce dernier comme ambassadeur de Suisse à Washington – répond notamment au désir, exprimé par René Felber, de sensibiliser d'avantage l'opinion alémanique aux questions de politique étrangère [4].
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Politique de paix et de sécurité
Suite aux postulats Muheim (pdc, UR) de 1984 et Pini (prd, TI) de 1988, le Conseil fédéral a établi un rapport sur la politique de paix et de sécurité. Issu d'une collaboration entre le DFAE et le DMF, il spécifie que la politique de paix et de sécurité comprend "tous les efforts qui contribuent à réduire les tensions et les détresses et ont pour objectif de désamorcer les conflits". C'est pourquoi les autorités doivent oeuvrer à la réduction des grands clivages (sociaux et économiques) caractérisant la société internationale. Une politique de paix et de sécurité bien pensée se caractérise donc aujourd'hùi, à côté des moyens classiques de l'armée, de la politique étrangère et des relations économiques extérieures, par des efforts en vue de l'édification d'un ordre mondial plus juste [5]. Si, dans ce rapport, le gouvernement a rejeté l'idée d'un corps mondial pour la paix, dont l'internationalisme même serait un handicap, il s'est déclaré par contre prêt à soutenir les efforts de paix [6].
Dans cet esprit, le Conseil fédéral a décidé de renforcer la participation de la Suisse aux opérations de maintien de la paix dans le cadre mais aussi hors des Nations Unies. Globalement, la Confédération va consacrer durant les quatre prochaines années une somme annuelle de 15 millions de francs à ces opérations. Elle a d'ores et déjà débloqué 10,7 millions de francs destinés à une hausse de nos contributions financières (notamment aux forces des Nations Unies à Chypre et au Liban), à des prestations de service (par exemple, prise en charge des frais de bornage de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso) et à des livraisons de matériel (appareils cryptographiques, station d'épuration). Par ailleurs, du personnel est et sera mis à disposition dans le cadre de ces interventions. Il s'agit d'observateurs militaires non armés et d'équipes logistiques [7]. Par contre, le gouvernement a renoncé pour l'instant à toute création de contingents suisses de casques bleus, s'opposant ainsi aux voeux du député Ott (ps, BL). Si ce soutien répond aux désirs exprimés tant par le secrétaire général de l'ONU Javier Perez de Cuellar lors de sa visite officielle en avril que par le programme de législature 1987—1991, il contribue aussi à améliorer l'image de la Suisse au niveau mondial, image troublée par la non-adhésion à l'ONU, le rejet des sanctions économiques à l'égard de l'Afrique du Sud et la fuite des capitaux. Le député Dietrich (pdc, BE) s'en est d'ailleurs inquiété puisqu'il a demandé, dans un postulat, une campagne d'information à long terme sur la perception de la Suisse dans la communauté internationale [8].
Par ailleurs, l'initiative suisse pour la paix, lancée en 1987 par un groupe issu du mouvement suisse pour la paix, s'est soldée par un échec puisque, au terme du délai imparti, elle n'a pu récolter le nombre de signatures nécessaires. Selon le comité d'initiative, ce revers est dû tant à son propre manque d'organisation qu'à la détente des relations Est-Ouest. Mais l'absence totale de soutien des grands partis et des Eglises pourrait ne pas être étrangère à ce relatif . insuccès (51 000 signatures récoltées), la composition même du comité d'initiative ayant suscité quelques réticences au sein des autres groupes oeuvrant pour la paix [9].
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Politique économique extérieure de la Suisse
La politique économique extérieure de la Suisse est désormais confrontée à certaines difficultés dues non seulement à des disproportions dans les relations économiques mondiales mais aussi à la conjonction et à l'interdépendance de trois évolutions: la lutte pour une réforme fondamentale du régime commercial mondial menée dans le cadre des négociations de l'Uruguay-Round, l'intensification de la problématique de l'intégration européenne et le problème de l'endettement international. Ces trois évolutions interactives vont influer ces prochaines années sur les relations commerciales de la Suisse avec tous ses partenaires [10]. C'est pourquoi, dans son rapport sur le programme de législature 1987—1991, le Conseil fédéral a insisté sur un encouragement de la compétitivité de la Suisse par le biais du GATT et, éventuellement, des organisations de Bretton Woods ainsi que sur un renforcement de son intégration européenne, notamment par une collaboration plus pragmatique avec l'AELE [11].
 
[1] FF, 1988, I, p. 353 ss.
[2] Pour le lien avec la politique d'asile, cf. infra, part. I, 7d (Réfugiés).
[3] SGT, 2.2.88.
[4] Optique déclarée lors du 1er bilan des 100 jours de René Felber: JdG et 24 Heures, 26.3.88; L'Hebdo, 25.8.88.
[5] FF, 1989, I, p. 642 ss.; Presse du 6.7.88; Délib. Ass. féd., 1984, II/III, p. 81 (Muheim); BO CN, 1988, p. 896 s. (Pini).
[6] Documenta, 1988, no 3, p. 8 s.
[7] Suisse, 19.4.88; presse du 21.6.88. La Suisse a déjà envoyé un contingent de bérets bleus en Namibie. Cf. infra, Aide humanitaire.
[8] Délib. Ass. féd., 1988, IV, p. 58 s. (Dietrich) et 86 s. (Ott).
[9] FF, 1988, III, p. 1349; JdG, 19.11.88. Cf. aussi APS 1987, p. 67.
[10] La Vie économique, 61/1988, no 2, p. 9.
[11] FF, 1988, I, p. 353 ss. Cf. aussi supra, (Principes directeurs).