Année politique Suisse 1988 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Visites officielles
Le statut des ressortissants étrangers dans notre pays a été l'un des principaux thèmes de discussion entre les autorités helvétiques, le président portugais Mario Soares en visite d'Etat en mai et le chef du gouvernement espagnol Felipe Gonzales, en visite officielle en octobre. Tous deux ont sollicité non seulement une amélioration de la position de leurs saisonniers mais aussi une égalité de traitement avec d'autres travailleurs étrangers en Suisse. De surcroît, le président portugais a demandé que les indemnités de chômage suisses soient versées aux portugais obligés de chômer trois mois dans leur pays alors qu'actuellement les prestations de l'assurance-chômage helvétique ne sont pas exportables. Suite à la visite de Felipe Gonzales, il a été décidé qu'une commission mixte hispano-suisse étudierait la possibilité de créer un statut unique et non discriminatoire envers les immigrants des pays de la CE. Les relations entre la Suisse et la CE furent également abordées avec ces deux hommes d'Etat, tous deux représentant des pays autrefois membres de l'AELE et aujourd'hui ralliés à la CE [62].
L'intégration européenne a aussi été au centre des débats avec les autorités autrichiennes, tant lors de la visite officielle du chancelier Franz Vranitzky en Suisse que lors des entretiens de René Felber avec son homologue autrichien Alois Mock à Bregenz (A). L'Autriche redoute les effets d'exclusion du marché européen unique de 1992; c'est pourquoi elle ne cache pas sa volonté d'adhérer à la CE. Les entretiens officiels avec le chancelier Vranitzky ont aussi porté sur les relations Est-Ouest, la CSCE et la situation économique internationale [63].
Tant les visites de René Felber à Paris et à Bonn que celle de Jean-Pascal Delamuraz à Madrid ont eu pour but d'expliciter la position suisse face à l'intégration européenne et de rechercher compréhension et soutien en la matière. Cette dernière demande a été satisfaite en Allemagne fédérale puisque le chancelier Kohl a proposé d'informer les dirigeants suisses – directement – des mesures prises au sein de la CE susceptibles de concerner la Confédération helvétique. A Paris, où René Felber a eu des entretiens avec le président François Mitterrand (visite de courtoisie), Roland Dumas, ministre des affaires étrangères et Alain Decaux, ministre de la francophonie, le conseiller fédéral a rencontré une certaine sympathie face à notre politique européenne. Il a par ailleurs annoncé son désir de voir la Suisse participer à part entière au prochain sommet des pays francophones. A ses hôtes espagnols, Jean-Pascal Delamuraz a affirmé que la Suisse ne prétendait pas obtenir des avantages communautaires sans contreparties, lesquelles pourraient tendre à favoriser les pays européens peu développés par des mesures au niveau des tarifs douaniers, des investissements ou des crédits [64].
La venue en Suisse de Corazon Aquino, présidente des Philippines, a constitué la première étape de sa tournée dans certains pays d'Europe occidentale. Le rapatriement des fonds de l'ancien président Marcos n'a pas été officellement évoqué, Cory Aquino ne souhaitant ni mélanger les ordres judiciaire et politique ni faire pression sur les institutions helvétiques. Néanmoins la présidente, désirant par ailleurs une ouverture du marché suisse aux produits philippins (notamment textiles), a obtenu une déclaration d'intention portant sur un crédit mixte de 60 millions de francs. Il sera destiné à faciliter l'importation de marchandises suisses en faveur de projets d'aide prioritaires, tant publics que privés [65].
Accédant aux demandes réitérées d'Elisabeth Kopp ainsi qu'aux pressions françaises et allemandes, Giulio Andreotti, lors de sa visite en Suisse, a annoncé l'introduction, en Italie, du visa pour les ressortissants turcs et du Maghreb afin de lutter contre les filières d'entrée clandestines. Par ailleurs, il a souhaité un réajustement des cotisations AVS des saisonniers italiens, tenant compte de l'âge plus précoce de la retraite en Italie [66].
Répondant à des motifs humanitaires, les voyages en Suisse en janvier de Federico Mayor – directeur général de l'UNESCO – et en avril de Javier Perez de Cuellar – secrétaire général de l'ONU – ont correspondu à la volonté de la Confédération de s'engager plus intensément dans la politique de paix. Federico Mayor a demandé à la Suisse de prendre part aux négociations concernant le retour des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne au sein de l'UNESCO. Les conversations avec le secrétaire général des Nations Unies – pour la première fois en Suisse depuis le non à l'ONU de 1986 – ont porté sur la crise financière que connaît le système onusien, la tenue de l'Assemblée générale de l'ONU à Genève mais aussi sur la participation concrète de la Suisse aux efforts de paix entrepris par l'organisation [67].
 
[62] Visite Mario Soares: LM, 19.5.88; presse du 21.5.88. Visite Felipe Gonzales: Suisse, 12.10., 20.10. et 21.10.88. Pour les problèmes liés aux saisonniers, cf. infra, part. I, 7d (Politique à l'égard des étrangers).
[63] Visite Vranitzky: NZZ, 26.1. et 29.1.88; JdG, 1.2. et 2.2.88; LM, 2.2.88; Bund, 2.2.88. Visite Felber: JdG, 19.2. et 24.2.88; Lib., 19.2.88; NZZ, 24.2.88.
[64] Visite à Paris: JdG, 8.10.88; 24 Heures, 11.10.88; presse du 12.10.88; L'Hebdo, 13.10.88. Visite à Bonn: JdG, 11.11. et 12.11.88; NZZ, 11.11.88. Visite à Madrid: NZZ, 7.5.88; 24 Heures et JdG, 11.5.88.
[65] Suisse, 14.6.88; presse du 16.6.88. Cf. aussi Rapp. gest. 1988, p. 23 ss.
[66] JdG, 19.11. et 24.11.88; BaZ et 24 Heures, 25.11.88. Cf. APS 1986, p. 205 s.
[67] Visite Federico Mayor: JdG, 19.1.88. Visite Javier Perez de Cuellar: BaZ et NZZ, 13.4.88; presse du 19.4.88. Pour les conséquences de la visite de Javier Perez de Cuellar, cf. supra, principes directeurs.